Partie 8

4.2K 470 74
                                    

Le coussin enfoncé sur ma tête ne suffit pas à couvrir les cris qui s'élèvent du salon.
Sa détresse me vrille les tympans et son désespoir me glace les os.
Ce n'est pas Potter, j'en mettrai ma main au feu, je reconnaîtrais sa voix entre mille. C'est l'un des adolescents du groupe et je sais qu'il n'a pas la force mentale de Potter. Il ne tiendra pas. Ses gémissements et ses sanglots résonnent jusque dans ma boite crânienne.

Comment deux étages et une porte massive peuvent-ils aussi mal isoler des bruits ?
Pourquoi je suis si soulagé que ce ne soit pas Potter sous les sorts acharnés ?
Ce n'est pas lui, mais sa mort est imminente. Demain matin, ou peut-être dans la soirée. Il suffit que le Seigneur revienne et prenne sa décision.

Est-ce que je pourrais m'habituer à l'idée de ne plus jamais l'entendre ?
Non pas que ses sarcasmes et ses plaintes me manqueraient, mais c'est qu'on s'habitue à la présence de son pire ennemi au fil des ans.

Une vie sans ses provocations me semble tout à coup une perspective très vide. Une drôle de sensation se répand en moi, brûlante, certainement capable de tenir à distance et de faire fondre cette main glacée jusque là omniprésente.

Comment tout s'est enchaîné aussi vite ?
Comment les regrets et la peur ont-ils pu me lier les poings, me rendant incapable d'avancer sur le bon chemin ?
J'étais perdu et soudain le chemin semble s'éclairer. Quelque chose s'est logé en moi, une conviction qui n'arrête pas de me tirailler.
Je suis en colère contre moi-même. En colère de ne pas avoir fait des choix en tout conscience, de m'être laissé porter jusque là.
Une graine a germé dans mon esprit sans que je fasse gaffe et ce soir au fond de mon lit, un coussin en guise de bouclier, l'idée a grandi, improbable, folle et terrifiante.

Je ne dois pas y réfléchir plus que ça.
Si j'y réfléchis, si je pèse consciemment les pour et les contre, je vais changer d'avis, je me connais. La peur et les doutes gagneront à nouveau.
Alors je défais la couette et fait quelques pas sur les dalles froides.
J'enfile mes chaussons, m'enroule dans une cape, glisse ma baguette dans ma poche et ouvre le plus silencieusement possible la porte de ma chambre.

Je retiens ma respiration. J'écoute les bruits de la maison. Les cris se sont tus mais si le silence est à présent lourd, je sais qu'en bas, au rez-de-chaussée, la vie continue parfois, théâtre des allées et venues des mangemorts, des sbires de Bellatrix, des elfes ou pire du Seigneur qui renterait plus tôt que prévu.
Je chasse rapidement l'angoisse qui commence à pulser. Si je réfléchis, je retourne fissa m'enfouir sous ma couette.
J'avance un pas après l'autre sur les tapis en laine du long couloir, je descends le grand escalier sur la pointe des pieds.
Je ne croise personne mais mon cœur tambourine, assourdissant dans mes oreilles.

Je me faufile dans l'aile ouest, jusqu'à la chambre où est détenu le petit groupe.
Milton est assoupi sur sa chaise la tête penchée en arrière, un filet de bave au coin des lèvres. Je pose la main sur ma baguette et prépare une bonne raison pour justifier ma présence dans cette aile au beau milieu de la nuit, mais il ne se réveille pas, même quand je tourne la poignée et prononce un Alohomora des plus discrets.

Je me faufile dans la pièce et referme la porte en silence.

Je m'adosse contre le battant et reprends le souffle que je n'avais pas conscience de retenir. L'étendue de l'idiotie de mon idée me frappe à présent dans toute sa splendeur.
Dans la chambre, personne ne dort, à moins qu'ils aient le sommeil léger et qu'ils se soient tous redressés à mon entrée.
Weasley est dangereusement proche de Granger, détaché, une sorte de pieu à la main.
Il interrompt son mouvement en me découvrant, les yeux ronds de surprise.
Je lève les mains haut, sans lâcher ma baguette pour qu'il ne me tue pas de suite dans un élan de stupidité.
Granger pose une main sur son avant-bras et me regarde fébrilement, attend que je confirme ses soupçons.
Alors je m'approche rapidement et prononce le sort pour délier leurs attaches magiques, l'un après l'autre.
Je balaie la pièce du regard, il en manque un, celui dont les cris dans le salon m'ont tenu éveillé, et je n'ose pas imaginer sa fin douloureuse.
Granger et Weasley restent accroupis, le temps de comprendre ce qu'il se passe.
Je ne veux pas de leurs regards surpris, de leurs questions silencieuses, de leur incompréhension.
Je m'accroupis devant Granger, leur tend les baguettes que j'ai récupérées en passant dans le Petit Salon.

Le chant du cygne - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant