Le chant du cygne - Drarry

Partie 15

Drago.

Le printemps pousse des rayons de soleil par la fenêtre de la chambre mais celle-ci est étrangement plus froide depuis que Potter n'est plus là.
Et plus silencieuse évidemment.
Il ne pouvait s'empêcher de venir me provoquer, essayer de me faire guérir à coups de chantage et de bravades.
J'essaie d'oublier ses sentiments étranges et cette impression désagréable de me fourvoyer dans des fantasmes, mais le manque et mon attachement grandit, plus fort que les doutes.

Je n'ai pas pris le temps de lui demander dans quoi il allait se fourrer.
Ses silences étaient assez éloquents.
J'imagine qu'il s'affaire à sauver le monde sorcier des ténèbres.
Est-ce que je m'imaginais prononcer ces mots sans me moquer il y a quelques mois ?
Je réalise pourtant aujourd'hui la pression qu'on lui a foutu sur les épaules, cet espoir fou que tout le monde place en lui, que j'ai commencé moi-même à percevoir à mon tour.

Parce que si lui n'arrive pas L'arrêter, alors qui ?
Et si le Seigneur répand un jour ses ténèbres sur le monde, à quoi ressembleront alors notre quotidien futur ? A une réplique de ce que j'ai vécu au Manoir, encore et encore ?
S'Il gagne, je suis mort.
Aussi certain que si je quitte cette bulle protectrice, mon espérance de vie est drastiquement réduite.
Sans Harry , je suis vulnérable.
Je l'ai accepté cet étrange sentiment d'avoir besoin de lui, de me sentir bien à ses côtés, mieux, de me sentir enfin complet.

Je repense à son baiser spontané et à sa main dans la mienne, et j'essaie de me convaincre que je n'ai pas rêvé, que ces sentiments qui grandissent ne sont pas vains.

A quel moment ont-ils pris toute la place dans mon cœur ?
Je repense à ses lèvres contre les miennes, et le revers de la médaille c'est cette inquiétude qui m'étreint et qui me laisse terriblement impuissant, cloué au lit tandis que lui risque sa vie là dehors.

A quel moment j'ai placé autant d'espoir en lui ?
Comment vit-il lui cette pression immense que le monde lui porte, seul, là dehors ?
Quand il venait se réfugier dans la petite chambre, le poids de sa solitude était presque palpable.
Parfois le regard sous ses boucles s'égarait dans des considérations que je ne pouvais qu'imaginer et elles suffisaient à alourdir le silence de la pièce.
Un mot ou une remarque narquoise suffisait pour ramener un sourire provocateur sur ses lèvres ou une lueur de défi dans ses yeux.
Je crains à présent que la noirceur guette derrière son épaule, que les attentes qu'on lui porte soient démesurées par rapport à ce qu'il peut endurer, et j'en veux à la terre entière de lui infliger cette pression.

J'aurais pu lui demander de rester, de ne pas mettre le doigt dans cet engrenage qui risque de le mener à sa perte, mais qui suis-je pour exiger cela de lui ?
J'aurais aimé lui proposer une parenthèse pour qu'on se parle enfin.
Que ma main dans la sienne s'use encore et encore, et que je puisse graver dans ma mémoire le goût de ses lèvres.
Mais le temps est compté, j'en ai conscience, et je ne le suis d'aucune aide, cloué au fond de mon lit. Alors je lui ai fait promettre naïvement de rester vivant et il a souri en silence contre mes lèvres.
Quelle foutue frustration de se sentir aussi inutile !

J'essaie de chasser l'inquiétude et la panique qui enflent dans ma poitrine et je me concentre sur les muscles de ma jambe ankylosés que je m'efforce de travailler tous les jours, seule échappatoire pour ne pas devenir fou dans cette chambre trop petite.

***

Le soir, Lupin passe à la Chaumière.
A travers la porte, j'entends qu'il dépose des lettres à Bill, l'aîné des Weasley, discutent à voix basse dans le vestibule puis ses pas se rapprochent et sa tête passe la porte.
Il s'assure que je ne manque de rien, un verre d'eau ? des anti-douleurs ?
Les conversations restent strictement minimalistes.
Parfois il me surprend au cours d'un exercice pour remuscler ma jambe, il m'observe alors en silence sans faire de remarques.
Et puis un soir, je brise ce silence inconfortable.