Partie 3

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Sous ma couette, j'essaie d'oublier ce que j'ai vu.
Après tout ce n'est pas le seul garçon aux yeux vert en Angleterre.
Mais combien seraient assez crétins pour se retrouver en aussi mauvaise posture ?J'ai peut-être rêvé. Un sursaut de ma vie à Poudlard. Une éternité. Rien que d'y penser les souvenirs affluent et le regard bleu perçant du vieux fou me plante une lame entre les yeux. Je remonte la couette au-dessus de ma tête pour tenter d'oublier. La technique fonctionnait bien, enfant, pour ignorer le monstre sous le lit. Mais aujourd'hui, les monstres sont dans le salon.

J'entends des cris de supplication d'une fille sous l'interrogatoire de ma tante. Elle parle de l'épée incrustée de rubis et de gobelins. Elle répète en boucle, encore et encore les mêmes questions, et les réponses ne sont que des hurlements perçants qui viennent me hanter jusque dans ma chambre. Je remonte les genoux sous ma poitrine pour me fondre dans mes draps, mais des coups secs sur la porte massive me tirent de ma cachette.

Mère ouvre la porte et reste sur le pallier, le regard grave.
J'ai toujours l'impression que des mots importants viennent mourir sur ses lèvres. J'attends le jour où l'on se parlera enfin, où l'on posera des mots sur notre relation mère-fils des plus étranges. J'imagine égoïstement le jour où elle viendra s'asseoir sur mon lit, tendra la main vers la mienne et où je pourrai poser ma tête lourde de questions sur son épaule. Mais la distance reste froide entre nous et malgré une inquiétude dans le regard, elle a les lèvres pincées.

- Tu dois descendre Drago.

Je m'extirpe difficilement des draps, file sous la douche et m'habille à contre cœur.

Quand j'arrive en bas, plusieurs mangemorts sont debout dans le salon, appuyés contre les murs et au chambranle de la porte. Certains sont avachis dans nos fauteuils, quasiment disposés en arc de cercle pour observer le spectacle. Bellatrix se pavane devant son audience, l'air fou, et s'amuse à lancer des sortilèges à un adolescent en pleurs. Au bout d'une éternité, elle semble se lasser et fait un geste à un sbire pour ramener le prisonnier dans la chambre qui sert de cellule. Le garçon recroquevillé n'arrête pas de gémir et de se tenir le ventre. 

La main froide est posée sur ma cage thoracique et je me force à respirer calmement.
Bellatrix se régale à faire le spectacle, elle se croit la vedette d'un tour de piste et à la moindre contrariété dans le public, elle changera de cible, aussi vite qu'un clignement d'œil.
Elle soupire exagérément, soulève maladroitement un pichet de vin pour se servir dans un de nos verres en cristal et le jette au sol quand elle le finit.
Mère lui jette un regard noir que sa sœur ignore royalement.
Elle continue de se pavaner, s'alanguit sur le sofa puis lève la tête vers son homme de main.

- Va me le chercher !

Bennett ne tarde pas à remonter avec le mystérieux prisonnier des Rafleurs. Sa tête est toujours aussi enflée et ce constat irrite au plus haut point ma tante. Elle lui tourne autour tel un prédateur évaluant sa proie. Puis quand elle s'est lassée de son petit jeu, elle lance des sortilèges de sa conception, sa baguette étincelle et envoie des décharges à sa victime. Une fois, deux fois, trois fois. Le type gémit, résiste, puis tombe à genoux.
Bellatrix se met à fredonner.

- Petit Pote Mon Pote, dis-nous si tu es Potter...

Elle lui tourne autour en chantonnant et en lui envoyant des sorts de plus en plus forts.
Le silence obstiné qu'elle obtient en retour l'agace vite. Elle retient ses sorts, elle ne peut pas se permettre de le tuer, pas si c'est réellement Potter. Elle va jouer avec lui comme un chat avec sa souris.
Au bout d'un moment interminable, sa patience s'étiole. Elle l'empoigne par la veste, le remet sur pieds et le gifle de toutes ses forces d'un revers de main, laissant une marque rouge où sa bague a frappé la chair.
Elle éclate d'un rire hystérique et ordonne à Bennett de le redescendre à la cave.
Je me remets à respirer normalement, quand elle pointe soudain sa baguette vers moi et hurle mon prénom.

- Descends le soigner Drago, je le veux vierge de toute blessure pour la prochaine fois !

Je lance un regard paniqué vers Mère, qui est aussi désemparée que moi. Elle se tourne vers sa sœur et tente de prendre ma place.

- Je vais y aller Bella, je vais m'en occuper, tu peux laisser Drago en dehors de ça...

Mais Bellatrix s'avance vers moi en roulant des hanches et pointe sa baguette sous mon menton.

- Non. Je veux que ce soit Drago qui s'y colle. Prouve-nous que tu n'es pas complètement lâche.

***

Tandis que le reste des Raflés a été isolé dans une des chambres de l'aile ouest du manoir, le faux-Potter, seul, a été jeté à la cave, directement accessible depuis le cellier attenant aux cuisines.

L'homme de main Bennett me tient la porte et me dévisage. Les marches plongent dans l'obscurité du sous-sol et tandis que je tâtonne contre le mur pour ne pas dégringoler dans le vieil escalier de bois, la porte se referme violemment dans mon dos.
Je chuchote un Lumos et descends une marche après l'autre. L'odeur rance de renfermé me prend à la gorge. L'humidité de la cave est palpable, à croire que la brume ambiante et poisseuse s'est infiltrée à travers les murs.
Un soupirail crasseux laisse passer des rais de lumière, mais ils sont bien trop faibles pour éclairer le sous-sol.
Je balaie la cave de mon faisceau, sur mes gardes.
Dans un recoin, le type s'est fait jeté sur une paillasse faite de vieux sacs de jute, ses mains sont liées magiquement.
Je m'approche doucement, dans l'obscurité, son visage est toujours aussi déformé et des cheveux filasses lui tombent dans les yeux. Sur sa joue, la blessure infligée par Bellatrix saigne. Sans lunettes, il ressemble à un ballon dégonflé qui se serait fait malmené. Aucune chance que ce soit Potter.
Je m'agenouille à son niveau et pose la coupelle d'eau que j'ai descendu. Mère m'a fourré un onguent à appliquer sur les blessures pour les cicatriser rapidement.
Je sors un chiffon propre de ma poche et prends un peu de pommade sur un bout du tissu.
Je tends le bras pour l'apposer sur sa joue blessée mais il a un mouvement de recul et une voix rauque qui me glace le sang.

- Je préfère encore souffrir le martyr que tu me touches !

J'ai envie de rire mais la main glacée autour de mes poumons s'est resserrée et m'empêche de respirer.
Cette voix, je la reconnaîtrais entre mille. On ne passe pas six ans à insulter et à moquer son pire ennemi sans avoir gravé le son de sa voix dans sa mémoire.
Qu'est-ce qu'il fiche ici ?
Je pourrais jubiler de l'avoir à ma merci. Je devrais profiter de ma position de supériorité en cet instant. Je devrais me régaler de voir la chute du Saint Potter, là sous notre toit.Mais toute remarque sarcastique meurt dans ma gorge. Ma langue est de plomb.
Je me redresse rapidement, dérouté.
Je tourne les talons et fuis cet endroit où mon silence devient assourdissant.
Dans le salon, Bellatrix n'y croit pas une seconde.

- Aussi vite ? Redescends là dedans Drago, et soigne moi ce petit être sans défense. Ne me déçois pas où mon jouet pourrait changer rapidement.

Ses prunelles folles me font frissonner et je redescends sans rien dire dans la cave sombre et humide.
Potter s'est recroquevillé assis contre le mur, et je m'assois à l'autre bout de la pièce. Je laisse ma baguette scintiller de mon Lumos. Dans la pénombre, difficile de le détailler. Il porte les mêmes fripes que d'habitude, déchirées par endroits mais son visage reste déformé. S'il l'ignore, tout sort finit par prendre fin à un moment. Bellatrix le sait, je le sais, et Potter a intérêt à le savoir.
Qu'est-ce qu'il fiche ici ?
Pourquoi n'est-il pas dans une cache secrète et bien confortable veillée par les plus grands sorciers de leur minable résistance ?

Quand j'estime être resté assez longtemps pour tromper Bellatrix, je me relève, époussette mon pantalon et fait quelques pas vers lui.
Je dépose à sa portée l'onguent et lui laisse un mouchoir de tissu.

- Soigne cette blessure.

Je ne lui jette même pas un regard, ce serait prendre le risque de croiser ses yeux verts remplis de haine.

Je remonte lentement les marches et toque contre la porte verrouillée.
Bennett me laisse passer, non sans ricaner ouvertement.
Bellatrix a quitté le Grand Salon et a visiblement trouvé une autre préoccupation toute aussi cruelle.
Je me faufile dans les couloirs sans attendre qu'on me remarque et remonte dans ma chambre où je m'enferme pour le restant de la journée.
Je pensais Poudlard et ses cauchemars derrière moi mais visiblement mes mauvais choix me rattrapent.
Potter balaie toutes nos règles, comment peut-il débarquer comme ça dans mon univers et venir agoniser dans ma cave ?
Il est comme l'écho de ce vieux fou que j'ai tué sur cette tour. Sa haine envers moi est si intense que je suffoque.
A quoi je m'attendais ?

Le chant du cygne - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant