Epilogue

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Drago.

Sur la terrasse du cottage, le vent s'engouffre dans ses boucles brunes et décoiffe ses cheveux encore un peu plus.

Harry essaie de les dompter en les aplatissant avec sa main, mais le geste est vain.

Et puis il y a plus urgent comme finir la gaufre à la chantilly entamée dans son assiette.

Il s'extasie, amusé, et s'exclame à chaque bouchée à quel point c'est délicieux.

Je le détaille par dessus mes lunettes de soleil et constate qu'il a pris un coup de soleil sur le nez. Loin d'être disgracieux, les couleurs du bronzage lui donnent un ton chaud tout à fait séduisant. A moins que ce ne soit ses yeux qui pétillent depuis notre arrivée dans les Cornouailles qui lui rajoute un soupçon de charme dont je ne me lasse pas.

La terrasse du cottage est déserte, quelques badauds se promènent sur le front de mer mais personne ne vient gâcher les vacances de l'Élu. Non pas que ça le dérangerait, il prend toujours le soin de répondre poliment, d'accepter une main à serrer ou des remerciements sincères. Sa patience m'impressionne, mais parfois la fatigue s'immisce sous ses traits rieurs et le calme de la petite station balnéaire m'apparait alors comme une parenthèse salutaire pour ces vacances improbables.

Je mesure mon privilège de pouvoir rester à ses côtés, de partager ses découvertes culinaires, ses extases constantes et ses silences pensifs. Et puis quand le silence s'étire un peu trop, je tends la main pour enlacer mes doigts aux siens, pour lui rappeler que je suis là, prêt à l'entendre s'il le faut, prêt à écouter tant qu'il le faudra. Mais il se contente de plonger son regard dans le mien et de sourire. Il presse mes doigts, se penche pour me voler un baiser et rougit encore de son geste audacieux.

Notre relation est balbutiante, étonnement évidente mais aussi toute nouvelle.
Prendre le temps de s'apprivoiser nous fait du bien.
Loin de Londres, loin des souvenirs de la Guerre et de la foule sorcière.

On avance un pas après l'autre, pour être certains que les sentiments qui grandissent en nous ne sont pas un simple traumatisme, un réflexe de survie d'après guerre.

Faire chambre séparée dans le cottage permet de garder nos cauchemars respectifs sous clef, même si chacun sait qu'on revient de loin et que nos bagages sont encore lourds à porter.

Dès la seconde nuit, il est pourtant venu se faufiler pour s'asseoir au bout de mon lit.
J'ai tiré un pan des draps, comme une invitation et depuis l'habitude est restée : chaque soir on se parle, longuement, la tête posée sur l'oreiller.

Dans l'obscurité s'échangent les doutes, les regrets, les peurs, les envies, les rêves fous.

Dans la pénombre, il laisse toujours briller un Lumos, j'ai envie de te voir, chuchote-t-il.

J'essaie alors de ne pas rougir sous son regard intense.

Parfois il tend la main, encore hésitant, prêt à demander la permission et dessine le contour de mon visage avec ses doigts.
Il pose sa main partout sur moi comme pour s'assurer que je suis bien là.
J'entrelace alors mes doigts aux siens et je les serre doucement.
Les fantômes des gens qu'il a aimés et perdus, sont persistants, là entre nous, et je mesure l'ampleur de son inquiétude.

Aimer, c'est prendre le risque de perdre l'autre et d'en souffrir jour après jour.

Alors je m'approche et dépose des baisers sur ses paupières, sur son front, sur ses joues, autant de douceurs pour panser les plaies encore ouvertes.

Puis un sourire lui mange le visage et il brise la distance dans le lit pour venir s'enfouir entre mes bras, plonger son nez froid dans mon cou et rester longuement recroquevillé contre moi.

Le chant du cygne - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant