Chapitre 20

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La main d'Aingeal se resserra autour de la fusée de son épée pointée comme un dard vers les sons étranges de la forêt. Ils se rapprochaient, d'une façon rapide et très peu reconnaissable. La femme masquée tentait tant bien que mal de deviner ce qui fonçait vers eux, essayant d'écouter ou de ressentir au mieux, car les végétaux et les arbres obstruaient le décor, empêchant le danger d'être vu au loin. Autour d'elle, les nains se regroupèrent, armes aux poings. Bilbon, à la surprise de l'étrangère, tenait aussi une arme devant lui ; une longue dague à la lame incurvée sur les deux tranchants, imitant vaguement une feuille. Une fine spirale, délicat ornement, se dessinait de la garde à la moitié de la lame. Le hobbit la tenait maladroitement, peu assuré de tenir un tel objet entre ses mains, lui qui n'avait jusque-là tenu que des fléchettes entre ses doigts !


- AUX VOLEURS ! AU FEU ! ASSASSINS !


Sous les yeux stupéfaits de la Compagnie, un curieux personnage sur un traineau tiré par des lapins débarqua d'entre les fourrés. S'étant stoppé tout net face au groupe, il leur lança un regard furibond, le souffle haletant. Malgré la fureur de cet énergumène, Gandalf soupira de soulagement en reconnaissant l'individu.


- Radagast !, dit-il en rengainant sa nouvelle épée. C'est Radagast le Brun !


Tous abandonnèrent leurs positions à l'entente du nom et à la vue de l'Istar arborant un sourire ravi en s'approchant de son ami.

Pour la protectrice, c'était la première fois qu'elle rencontrait ce Radagast. Il était bel et bien un curieux personnage. Ses grands yeux bleus lui donnaient un air fou sous son chapeau-pointu-chapka, et son gros nez un peu de traviole le ridiculisait. Pourtant, comme l'avait dit Mithrandil des jours auparavant sous la pluie tonnante, il était un des plus doux et timides individus que l'on puisse croiser en Terre du Milieu. Ses longs cheveux et sa barbe tombaient de son visage comme une cascade d'eau grisonnante sur ses vêtements bruns. Quelque chose de vert, jaune et blanc s'écoulait de son chapeau le long d'une mèche et de sa joue. Ce quelque chose était en vérité, de la fiente d'oiseau. Comment, me diriez-vous, comment de la fiente d'oiseau pouvait-elle se trouver là ? C'est que ce brave magicien cachait sous son couvre-chef un nid d'oiseaux, occupé par un couple.

Gandalf, bien qu'heureux de revoir son confrère, se doutait qu'un problème était survenu. Jamais Radagast ne se serait éloigné aussi loin de son domaine.


- Qu'êtes-vous donc venu faire ici ?, demanda-t-il, inquiet.

- Je vous cherchais Gandalf, commença à expliquer l'Istar Brun. Il se passe des choses, des choses très alarmantes !

- Mais encore..., incita le Pèlerin Gris à continuer.


Radagast, en pointant le doigt au ciel, ouvrit la bouche pour parler ; or, il se stoppa aussitôt, comme bloqué. Il réfléchit un instant, réessaya de prendre la parole seulement pour être de nouveau coincé. Il entra en pleine réflexion, sous les expressions confuses des nains et du hobbit. Sous son masque, Aingeal fronçait les sourcils, en attente de la suite de cette annonce préoccupante. Elle fit un pas vers les deux Istari.


- De quelles choses s'agit-il ?, s'enquit-elle de questionner.

- Oh, je- je-, bégaya le magicien brun. Attendez un instant, je..., il perdit patience. Oooh je- une idée m'est v'nue, et elle s'est envolé, je- je l'avais là, sous le bout d'la langue !


Il était complètement embêté, presqu'alarmé par ce stupide oubli. Quand des évènements tragiques adviennent, se permettre de les oublier n'était pas raisonnable, et voilà qu'il en perdait les mots. Soudain, il lâcha un petit cri de surprise et tira sa langue tout en essayant de parler, un pli entre les sourcils. Gandalf, voyant quelque chose bouger dans la bouche de l'autre Istar, pencha la tête sur le côté. D'un geste délicat, il en sortit un drôle d'insecte qui ressemblait très fortement à un bâton.


The Hobbit - La Corneille du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant