Chapitre 18

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Il n'y avait pas d'autres choix que d'ôter le masque. Et lorsque le visage métallique quitta son hôte, le visage maculé de sang de l'étrangère se révéla. Gandalf eut un haut-le-cœur à la vue pitoyable de son amie. Le liquide rouge sombre souillait son faciès -faciès que je décrirai plus tard dans notre récit et que je laisse, pour l'instant, sans plus d'indications. Tout ce que je peux vous dire, c'est que des larmes s'étaient ajoutées à ce méandre visqueux, et que cela s'ajoutait à son allure lamentable. Des mèches de ses cheveux vinrent se coller sur ses joues, et plus bas, sa chemise noire était humectée de sang. Non, cette image n'était pas jolie à voir, et pour l'Istar qui connaissait la source de ce mal, c'était bien plus désolant et pénible à regarder. 


- Pauvre enfant..., soupira-t-il en pressant une main chaleureuse sur la chevelure noire de la voyageuse. 


Le magicien sortit mouchoir et gourde de sa sacoche, mouilla le premier à l'aide du second, puis s'affaira à nettoyer comme il pouvait la demoiselle inconsciente. Rien d'évident, car le sang ne s'en allait pas aisément ; Aingeal devrait attendre pour se laver pleinement. Il fit de son mieux, et au bout d'un court instant, les paupières de l'étrangère papillonnèrent, suivies d'une grimace et d'un gémissement. La protectrice se réveillait difficilement de son malaise. Ses voies respiratoires étaient encore bouchées, sa tête embrumée et ses membres endoloris. Elle déglutit, renifla et se pencha sur le côté pour cracher le sang qui encombrait sa gorge. Une plainte se coinça dans le gosier, elle souffrait de ce goût métallique dans sa bouche qui la rendait malade. Elle voulait s'en débarrasser. Gandalf, qui le comprit vite, lui tendit son outre :


- Tenez, buvez un peu...


Aingeal mena avidement le goulot à ses lèvres. Elle prit deux gorgées qu'elle recracha aussitôt, puis, la bouche lavée, elle but. Elle but jusqu'à la dernière goutte, pour mieux se purger de son mal. Dès qu'elle eut fini, elle reprit son souffle avec un sentiment de soulagement. Elle s'appuya un peu mieux sur le rocher qui lui servait de dossier, fatiguée. 

Et soudain, elle pleura. 


- Tá brón orm*, souffla-t-elle, accablée. Voyez comme j'ai manqué à mon devoir, ils ont failli mourir par ma faute...

- Ce sont pourtant trois trolls que vous avez fait taire pour de bon, conforta Gandalf. Et treize nains, ainsi qu'un hobbit, que vous avez sauvés au péril de votre vie !

- Vous savez bien qu'à par la souffrance, je ne risque rien, rétorqua la demoiselle de façon rassurante. 

- Est-ce une raison ?, il prit un air sévère. Et je ne suis pas d'accord avec vous. Vous échappez peut-être à la mort pour le moment, mais qui sait si cette nuit n'avait pas été la dernière ? Vous auriez pu mourir, et vous le savez. 


La voyageuse, se sentant pitoyable, baissa les yeux. Elle croyait être la seule responsable de cette attaque. Elle et l'Istar savaient qu'un danger planait à leur arrivée, elle aurait dû les convaincre de partir. Plus facile à dire qu'à faire ! En vérité, elle n'aurait jamais pu arriver à les faire bouger d'un pouce. Elle pensa cependant que, si la dispute n'avait pas eu lieu, si elle n'était pas partie sous le coup de la colère, elle se serait interposée dès le début et ainsi, éviter de retrouver ses compagnons dans des sacs d'une part, et au-dessus d'un feu de l'autre. Ajoutons à cela le fait que, effectivement, elle aurait pu mourir. 

The Hobbit - La Corneille du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant