Chapitre 9

598 51 15
                                    

Aingeal enchaînait couloirs après couloirs, interminable dédale pour quiconque n'en connaissait pas les murs qui les érigeaient. Si elle n'avait pas eu bonne mémoire, l'étrangère se serait perdu à peine le pied sorti de la salle des repas. J'ajoute à cela que peu de torches éclairaient les lieux. À quoi bon ? Les nains étaient dotés d'une vue capable de percer les ténèbres. La chance était en la possession de la femme masquée, car par ses années d'errance, elle avait aiguisé ses sens. Néanmoins, elle ne rivalisait pas avec les Enfants d'Aulë*. 

Atteindre ses appartements dans le but de cogiter de ces informations aurait pu se faire en toute sérénité, si deux fouineurs ne l'avaient pas suivie. Elle savait qu'ils la traquaient depuis qu'elle avait quitté la réunion. Cependant, elle continuait sa route comme de rien, élaborant dans sa tête un moyen de les prendre dans leur jeu.

Dans un détour, elle prit un tout autre chemin que celui qui menait à sa chambre, et se cacha en prenant sa forme de chatte noire. Tapie dans l'ombre, elle les vit passer sous ses yeux. Persuadés que l'étrangère était toujours devant eux, ils maintenaient une allure silencieuse et furtive. Kili et Fili avaient longtemps été les auteurs de farces et bêtises incessantes au sein du palais ; à force de plans espiègles, ils devinrent de grands maîtres de la discrétion. Mais, ils avaient un adversaire de taille. 

Quant ils se rendirent compte qu'elle n'était plus là, ils s'arrêtèrent. Où pouvait-elle bien être passée ? Ils étaient persuadés qu'il y a encore quelques secondes, ils étaient bel et bien à sa suite. Les deux jeunes nains se lancèrent un regard confus. Ils tendirent l'oreille pour entendre ne serait-ce que le bruissement d'un vêtement...


- Vous avez perdu quelque chose ?, entendirent-ils de derrière eux.


Ils sursautèrent, Kili lâchant un petit cri aigu, puis reprirent bruyamment leur souffle en voyant leur "assaillante". Celle-ci était appuyée contre un mur, les bras croisés sur sa poitrine et le masque braqué sur eux. Ils ne pouvaient le voir, mais Aingeal souriait face à l'expression de leurs visages, et ce serait volontiers permise de rire. Comme ni l'un ni l'autre ne parla, elle se redressa en s'approchant d'eux.


- Serait-ce votre langue que vous avez perdu, messieurs ?, demanda-t-elle d'un ton légèrement taquin. 

- C'est-à-dire que..., commença Fili. 

...nous nous rendions à nos chambres, compléta Kili.

Vraiment ?, fit semblant de croire l'étrangère.


L'invitée pencha la tête sur le côté. Elle s'attendait à une meilleure excuse, surtout venant de deux experts de la facétie. Elle ne le releva pas et se détendit en les dévisageant. Ils essayaient de paraître les plus innocents possible, cela produisit l'effet contraire ; ils ressemblaient à des enfants pris sur le vif. Un gloussement secoua la femme masquée. 


- C'est bon, crachez le morceau, je ne vous ferai rien, les rassura-t-elle. 

- Nous sommes simplement curieux de savoir qui vous êtes, avoua le blond. 

- Autre que la protectrice de notre oncle..., ajouta le brun. 

- D'accord, elle haussa les épaules en marquant une pause. Qu'est-ce que vous souhaitez savoir exactement ? 


Ne s'attendant pas à une réponse positive, les deux frères ne surent pas par quoi commencer. Il y a tant à savoir d'une personne. Kili s'humecta les lèvres en cherchant une question. Son âge ? Fili lui ferait une reproche, on ne demande pas ce genre de chose, et surtout pas à une dame. Avec ce visage de métal qui recouvrait celui de chair, comment pouvait-il seulement supposer ? Il se mordit la langue. Elle avait dit qu'elle ne les mordrait pas... 

The Hobbit - La Corneille du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant