Proposition

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07 Février 2035.

Mes yeux suivent les mouvements de Chad alors qu'il enfile son hoodie noir, faisant ressortir la blondeur de ses cheveux, fraîchement retrouvée. Il est passé le samedi précédent chez le coiffeur pour se faire couper les cheveux. Toute sa teinture orange faite avant les fêtes de fin d'année a disparu. Affirmer que je suis déçu serait un euphémisme mais je n'ai pas mon mot à dire sur ça malheureusement.

— Tu es sûr que tu veux pas venir manger avec nous ? m'interroge-t-il.

Je lui adresse un sourire, attendri par le fait qu'il s'inquiète pour moi.

— Et manger ces trucs infâmes ? Jamais ! Je préfère les bons petits plats de Sun !

Je tapote mon sac de sport pour lui signifier que j'ai mon bento dedans même si c'est totalement faux. Aujourd'hui, je n'ai pas ramené ce que mon frère a préparé hier après-midi, j'ai préféré une pomme. Quand j'ai vu mon poids sur la balance dimanche, j'ai failli m'évanouir. Alors je tente de faire attention.

— Tu peux toujours venir à la cafétaria avec nous et manger ton truc !

Je secoue la tête. Je ne me sens jamais très à l'aise avec les autres. Puis j'en profite toujours pour m'entraîner ou aller faire un tour dans la salle de muscu. Je n'ai pas l'impression de perdre mon temps comme ça. En plus, je n'ai pas l'impression que les autres m'apprécient beaucoup.

— C'est dommage, souffle Chad.

Je me lève et lui donne une accolade en lui répondant :

— Je sais, je vais te manquer mais tout va bien se passer. Tu vas t'en sortir !

Il secoue la tête alors que je me recule. J'attrape mon sac et le salue d'un petit geste de la main :

— On se retrouve pour le cours de jazz !

Sur ces mots, je quitte les vestiaires et déambule dans les couloirs. Au bout de quelques minutes, quand je sais que je me suis assez éloigné de l'aile de la cantine, je m'empare de ma pomme et mords dedans. Je monte un étage prenant la direction de ma salle habituelle.

Depuis une semaine ou deux, je travaille sur une nouvelle chorégraphie. J'ai écouté une chanson à la radio et un enchainement est apparu dans mon esprit qui ne demandait qu'à sortir. Elle ne me servira à rien puisqu'il n'y aura plus aucune audition avant l'année prochaine mais ça me permet de travailler certains mouvements qui me posent problème dans les cours de Jones.

Je tourne dans le dernier couloir et me fige sur place. Mon bras retombe mollement le long de mon corps. Au fond, juste au niveau de la salle que j'occupe d'ordinaire, le tyran est adossé au mur, les bras croisés devant lui. Il semble attendre quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Moi ? Je déglutis, n'ayant aucune envie de m'entretenir avec lui, peu importe le sujet.

Cependant, je veux vraiment aller danser donc je n'ai pas vraiment le choix. Je reprends alors ma route et ne ralentis pas le pas quand il tourne la tête vers moi. Je passe devant lui sans lui adresser le moindre regard ou mot et entre dans la pièce dont j'allume les lumières. Je vais poser mon sac ainsi que ma pomme à moitié mangée sur le banc se trouvant à côté de la tablette qui commande la musique.

— T'en as mis du temps pour sortir de ton cours ! s'exclame-t-il dans mon dos.

J'entends le bruit de ses pas lourds sur le parquet. Sa remarque me fait lever les yeux au ciel et répliquer dans la seconde :

— Je ne savais pas qu'on avait rendez-vous !

Je m'installe sur le banc. Je peux ainsi le voir debout à quelques mètres de moi, toujours entièrement vêtu de noir. Je n'aime pas. Enfin, ça lui va bien mais je n'aime pas quand même. C'est triste et monochrome. Il a les mains dans sa grosse doudoune. Elle est tellement grande que je suis sûr que nous pourrions passer tous les deux dedans en même temps.

nothing like us. - idy 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant