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Cathy.

Il était dix-sept heures lorsque Gabriel passa la porte de l'appartement. Son visage était fermé, il n'exprimait aucune émotions. La porte claqua lentement. Il déposa sa veste sur le porte-manteau. Il était complètement trempé par la pluie. Il retira ses chaussures salies par la boue et me rejoignis dans la cuisine. Je lisais un livre pour les cours près du plan de travail. C'était sur l'histoire littéraire du XVI et XVII. Gabriel ne m'accorda aucune importance. Il attrapa seulement une nouvelle éponge pour nettoyer ses chaussures sous l'eau du robinet. Je pouvais l'entendre jurer :

« Quel temps de merde. »

Je repris ma lecture. Gabriel avait encore l'air remonté. Je ne voulais pas le contrarier plus. Je lui demandais seulement :

« Est-ce que tu veux quelque chose à manger ? »

Gabriel se tourna légèrement vers moi pour me signaler qu'il m'avait entendu avant de reporter son attention sur ses baskets sales. Il me rétorqua las :

« Non, il faut que l'on parle. »

Je ne savais pas quoi répondre. Je m'attendais au pire avec lui. Le basané termina de laver ses chaussures avant de les poser sur une serviette près de l'entrée. Il vint s'installer en face de moi avant de crier à l'attention du blond :

« Lucas, ramène ton cul !

-Il n'est pas là, bredouilla-je. Il est sorti faire les courses. Tu l'as loupé de peu. »

Ce dernier soupira. Entre Lucas et moi, c'était tendu. Je n'avais pas apprécié leur mise en scène pour calmer Gabriel en m'utilisant. Le garçon assis en face de moi était contrarié et il le démontra en donnant un coup de point sur le plan de travail en bois tout en grognant :

« Il a bien choisi son moment celui-là ! »

J'analysais chaque détail de l'apparence de Gabriel. Mes yeux se plantèrent sur ses mains. Il était nerveux, il jouait avec ses doigts et il l'exprimait à travers un poing bien fermé. Je remontais vers ses bras puis ses épaules. Son sweat était trempé. Je me levais machinalement pour lui en prendre un nouveau pull et il m'interpella aussitôt presqu'agressif :

« Tu vas où ?

-Je vais juste te chercher un nouveau gilet.

-Putain Kate, j'en ai putain de rien à foutre que mes fringues soient mouillées ou pas. Je suis en rage là !

-Baisse d'un ton, je ne suis pas ton punching-ball, grommelai-je en me rasseyant.

-Ne me soule pas. Ce n'est vraiment pas le moment.

-On devait discuter. Pas s'entretuer. »

Les traits de son visage se transformèrent. Ils virèrent vers un visage plus détendu et moins haineux. Il soupira et il me scruta. Ses yeux avaient une intensité plus foncée. Il passa sa main dans ses cheveux trempés et les ébouriffa en se levant d'une seule traite du tabouret pour faire les cent pas. Il grogna :

« Je suis en train de devenir cinglé.

-Nous avions été manipulé tous les deux, lançai-je doucement. Lucas et Arsène ont déjà eu leur sermon pour nous avoir blessé.

-Je ne suis pas blessé. Je m'en fiche d'eux, ce sont tous des connards. »

Il crachait avec colère. Il était vif dans ses mots et je supportais encore aujourd'hui ses sautes d'humour car les autres ne sont pas assez courageux pour l'affronter en face. Je gérais une nouvelle fois ses crises de colère avec tristesse. J'étais malheureuse à l'idée qu'il puisse être comme ça devant moi. Je soupirai. Je n'avais pas bougé de mon tabouret. Je tentais de le rassurer :

« Je suis toujours là pour toi. »

Et c'était la vérité. Je ne pouvais pas l'abandonner.

« Heureusement que tu ne m'as pas trahi. »

Sa réponse sonnait plus comme un reproche. Je me doutais qu'en rentrant chez nous, il ne serait pas vraiment calmé. Il se libérait de ses nerfs en me prenant comme un miroir. J'étais celle qui entendait ses peines, sa culpabilité, sa haine, ses hauts et ses bas. A chaque nouveau débordement, Gabriel se trouvait devant moi. J'avais le choix de partir mais je voulais essayer de calmer cet homme rongé par la colère et les fantômes de son passé. J'encaissais durement ses mots avant de répliquer sereinement :

« Je ne suis pas capable de faire ça. Je ne comptais pas te le cacher mais ce n'était pas à moi de te raconter leur supercherie. Je l'aurai fait à la fin de cette semaine. Je l'avais laissé une semaine à Martin pour te le dire. Pas un jour de plus. »

J'avais été assez gentille pour leur laisser l'occasion de se faire pardonner par le biais de l'honnêteté. Gabriel avait été attentif à mes justifications. J'avais gardé un ton posé, en confiance. Je voulais lui transmettre que peu importe sa colère, je n'avais pas peur de lui. Le basané lâcha un puissant soupir en s'étirant. Il contenait sa haine. Il me souffla avec douleur :

« J'ai besoin de toi Kate. »

Gabriel était tellement vulnérable. Il s'écroula presque au sol par la souffrance. J'arrivais près de lui et il accourut dans mes bras pour me serrer fortement contre lui. Il n'avait jamais été si destructible et abattu. Je le câlinais et il me murmura :

« Il ne me reste que toi... »

Mon cœur se brisait. Je ne pouvais pas vivre sa douleur mais je pouvais la partager avec lui. J'avais été précaire à une période de ma vie. Amandine m'avait sorti de ce trou noir et je reprenais goût à la vie. Je voulais que Gabriel vive une vie formidable, peu importe que nous finissions ensemble ou pas. Je chuchotai :

« Ca va s'arranger avec le temps. »

J'en voulais beaucoup à Lucas. Il avait très protecteur avec moi et pourtant il m'avait jeté en plein dans la gueule du loup dès notre première soirée universitaire. Gabriel finira par pardonner les erreurs de Martin, il le devait. Pendant un temps, nous nous éloignerons juste un instant d'eux...

Gabriel, dans mes bras, m'avoua une nouvelle fois avec une pointe de colère :

« En plus de ça, j'ai eu une amende pour excès de vitesse et j'ai perdu trois points sur mon permis. »

Je n'allais pas mentir : c'était totalement mérité. Gabriel était un fou du furieux, dangereux pour lui-même mais aussi pour les autres. Je répondis avec franchise :

« Tu le savais que ça t'arriverait un jour. »

Il souffla.

« Ouais. »

Puis, il posa un baiser sur mon front en m'annonçant :

« On ira chercher l'amende chez mon père d'ici deux semaines. 135€, c'est déjà la peau du cul. Si je ne me grouille pas, je paierai le double voire le triple. Fais chier. »

Je gloussai à son insulte et pinçai son bras. Quel imbécile.

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Bonsoir, j'espère que le chapitre vous a plu ! Je profite de mes quelques jours de repos pour publier ! Bonne semaine à vous!

-Elo 

EmpriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant