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Cathy.

Kate,

Ces derniers jours, je me suis plongée dans mes vieux souvenirs en allant ranger quelques affaires de Noël au grenier. Je suis tombée sur des chemises de ton père et j'ai sombré une fois de plus dans une profonde tristesse. La chemise avait perdu de son éclat, tâchée de poussière, l'odeur de ton père avait disparu. Une fois de plus, une partie de lui avait quitté la vie. Il ne restait plus qu'une chemise souillée pouvant faire office de torchon. J'ai attrapé une de tes nombreuses boîtes de chaussures où j'avais rangé des cassettes de notre vie de couple et en famille. Nous ne te les avions jamais montrés mais ton père voulait te faire cette merveilleuse surprise pour tes dix-huit ans.

J'ai pris tous les souvenirs de ton père de cette pièce sombre et sans vie et je l'ai emmené au salon. J'ai fait défiler la cassette de notre de mariage et j'ai débouché ma première bouteille. La cure de désintoxication m'avait inculqué de nombreuses valeurs, j'ai appris à me connaître mais j'ai enfin compris Kate. Noyer mon chagrin dans l'alcool ne ramènera pas ton père mais aujourd'hui, je voulais me sentir proche de lui. Aussi proche que jamais. Alors j'ai défilé cassette après cassette. Verre après verre. J'étais assise sur le tapis, le dos contre la banquette du salon et les yeux rivés sur l'écran plat où ton père adorait regarder la coupe de la ligue.

J'ai pleuré pendant très longtemps. J'ai ignoré les nombreux coups de téléphone et j'ai continué de noyer mon chagrin. J'ai perdu ton père et ta venue à Noël m'a montré à quel point tu avais grandi. Mon bébé était devenu une femme et elle avait rencontré quelqu'un à son tour. Si Gabriel est le bon, j'espère qu'il saura te chérir, te rendre heureuse autant que ton père l'a fait pour moi. J'aimerai te demander pardon pour mes faux pas en tant que maman. Je te demande pardon pour nos disputes inutiles. Tu étais, tu es et tu seras toujours ma tendre fille chérie.

Mon compte est bon, je me rends compte que je survis accompagnée de mon amie la dépression. Plongée dans le noir, je n'ai pas su rallumer la lumière pour faire fuir l'obscurité qui s'était installée en moi. J'ignore qui me découvrira mais j'espère juste qu'une chose : qu'il s'en remette un jour d'y avoir trouvé mon corps dépourvu de vie. Peut-être que les séances chez un psy l'aidera à aller de l'avant, qu'il se sentira mieux que moi. La vie n'est qu'éphémère, rappelle-toi en. Tout peut te ruiner un jour ou bien te plonger dans la richesse de la vie.

Ma décision parait égoïste mais je ne pouvais plus continuer. Je suis désolée de te laisser ainsi mais tu es entourée. Sache que l'on veille sur toi, peu importe les moyens, peu importe si les portes du Paradis s'ouvrent à moi mais il est temps pour moi de rejoindre ton père. Il est l'amour de ma jeunesse et de ma vie. Carmen, mamie, Lucas, Arsène, Gabriel et tes amis prendront soin de toi, seront là pour toi. Tu as besoin d'eux.

Sèche tes larmes, tu es forte, courageuse. Je suis fière de toi, je t'aime tellement. Tu fais mon bonheur mais la solitude me ronge dans cette grande maison. Tes rires se meurent, tes sourires disparaissent. Je suis tellement contente que tu puisses t'épanouir à nouveau dans cette université et que tu sois bien entourée. Peu importe ce que tu décideras de faire de ta vie, je serai de ton côté. Je ne te tournerai jamais le dos. N'oublie pas que je continue de veiller sur toi.

Il est temps pour toi de te quitter, de te dire qu'un au revoir. Ce n'est pas un adieu car je crois un monde meilleur au ciel. Prends soin de toi mon étoile, mon petit concombre. Je t'aime.

Maman

EmpriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant