Chapitre 1

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Crier.

Voilà le mot qui hante mes pensées pendant que ma tête repose mollement sur le siège du bus, les écouteurs bien enfoncés dans les oreilles, à regarder le paysage qui défile à un rythme effréné.

J'essaie de croire que c'est l'effet de la musique qui agit sur moi et qui me donne cette envie de crier, jusqu'à m'en arracher la voix, à pleins poumons, pour apaiser un tant soit peu mon coeur, mais au fond je sais bien que ce n'est pas ma musique seulement qui me donne cette envie. Tout mon être en ressent le besoin mais je chasse cette idée dès qu'elle germe dans mon esprit.

Je sens le bus s'arrêter brusquement me coupant dans mes pensées, c'est le signe que je suis arrivée au lycée.
J'ose espérer que ce n'est pas le cas, alors je tente un regard à travers la vitre sale du bus et malheureusement nous y sommes.

Je pousse un long soupir avant d'attraper mon sac qui repose sur le siège libre à mes côtés et sors du bus d'un pas lent. Mon regard se dirige vers cette entrée, l'entrée pour pénétrer dans le lycée. Quelle horreur pour moi. Cet endroit est nocif pour mon mental mais  ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Depuis que je suis arrivée dans ce lycée rien ne va et personne n'ose m'approcher. Pourquoi me demanderiez-vous? pour faire simple je suis la fille que l'on case directement dans la même que son père. Un père en taule qui n'a pas su contrôler ses colères qui se sont répercutées sur nous deux. J'habite dans une petite ville alors, lorsque la nouvelle de son arrestation s'est répandue, s'en était fini de moi.

Au début j'avais le droit à des regards de pitié à mon plus grand mécontentement. Je n'avais pas besoin de ce genre d'attitude, j'avais besoin que l'on vienne à moi, que l'on me dise "ne t'en fais pas, je suis là et je te soutiendrai quoi qu'il puisse arriver dans l'avenir", pourtant jamais personne n'a franchi ce pas là. Et puis.. vient un jour où quelqu'un m'a poussé réellement à bout et j'ai laissé ma colère éclater. Si j'avais su qu'on nous filmait et que l'on m'éviterait comme la peste, je me serai abstenue de donner un tel spectacle.

Depuis ce jour là, à chaque pas que je fais dans ce foutu lycée, des murmures, des craintes injustifiées se dressent dans mes oreilles, à longueur de journée j'ai le droit à des "tel père, telle fille" ou encore "ils auraient du l'envoyer dans un établissement spécial afin qu'elle ne blesse ou détruise personne". J'ai beau être habituée depuis le temps que cela dure, chaque pas, chaque murmure, chaque remarque je sens mon coeur se serrer inévitablement et les larmes montent involontairement, pourtant je parviens à les arrêter avant que ce ne soit trop tard. Il est hors de question que je pleure devant eux, je ne veux pas leur faire ce plaisir. Leurs remarques me font l'effet d'une lame tranchante et bien aiguisée. Alors, je garde la tête haute, mon masque de fille forte constamment sur le visage du début jusqu'à la fin de la journée et montre que rien de ce qu'ils disent ne m'atteint.

Voici mon fonctionnement qui se répète inlassablement chaque jour devant eux, cependant lorsque je me retrouve seule, dans ma bulle chez moi, je laisse la tristesse s'emparer de mon être et laisse couler mes larmes à foison sans possibilité de les arrêter dans leur course folle. Ce qui est la cause de nombreuses insomnies qui ne se calment que grâce à des somnifères.

Les cours passent lentement comme à leur habitude et un bruit assourdissant me fais comprendre que l'heure de ma délivrance a sonné. Je me dépêche de rassembler mes affaires et me précipite à l'extérieur de la salle de classe devenue trop étouffante pour moi. Je dévale à grande vitesse les escaliers menant au rez de chaussé qui me permettent enfin de sortir de cette valse incessante de personnes qui souhaitent sortir de cet endroit bien trop nocif.

Alors que je marche vers la sortie, mes yeux rencontrent des yeux rouge vif hypnotisant. Ces yeux me fixent désormais et je me sens incapable de me défaire de ce contact visuel, en fait, je n'en ressens même pas l'envie. Ces yeux m'attirent inexorablement et je ne peux me défaire de cette emprise devenue bien trop présente à mon gout.
Notre contact est brisé au moment même où une personne aux cheveux rouges assez atypique lui secoue le bras pour le forcer à avancer. Il me jette un dernier regard toujours aussi perçant et détourne les yeux pour reprendre sa route. Je me rends compte que mes pieds sont comme cloués au sol et rien n'aurait pu me faire bouger, n'y même me détourner de ces yeux qui m'ont hypnotisé. Avec le peu de conscience que je trouve, je me remets en marche pour enfin sortir de cet endroit.

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