P2 - Chapitre 23 : (R)éveils

258 23 1
                                    

Le réveil est doux, naturel. A travers mes paupières closes, je sens la lumière matinale m'accueillir chaleureusement. Je me sens bien, apaisée, vidée. Une odeur de café me chatouille les narines et envahit mon être. Je m'étire bruyamment en prenant soin d'envahir tout l'espace. Les draps sont frais et doux, c'est agréable. Mes yeux sont toujours fermés mais je sens une présence, non loin de moi. Alors, curieuse, j'ouvre un œil inquisiteur en relevant la tête. Le visage de Sabrina m'accueille avec amusement, elle me sourit en me faisant un clin d'œil complice.

- Alors marmotte, enfin réveillée ? C'est moi qui devrais être épuisée après ce que tu m'as fait hier... Et dire que je ne t'ai même pas rendu la pareille...

- Ne t'en fais pas, te faire plaisir me satisfait pleinement !

Elle se rapproche de moi, puis s'installe à califourchon sur mon corps. Bien qu'encore ensommeillé, celui-ci réagit vivement à l'initiative de ma compagne et me lance quelques décharges bien ciblées. Elle ondule son corps avec une sensualité qui me coupe le souffle, tout en me lançant des regards suggestifs, avant de s'avancer lentement en me fixant de ses yeux émeraudes. A quelques millimètres de ma bouche, elle me souffle d'une voix basse, presque chuchotée :

- Mais avant, café !

Abasourdie, je la vois se remettre sur pieds et se diriger vers la cuisine. Frustrée mais plutôt amusée par l'audace de mon amie, je me lève pour suivre le fumet tentateur. L'intérieur de l'appartement de Sabrina est à son image : simple et décoré avec goût. Presque timidement, je passe par le salon vide mais extrêmement lumineux. Un mince rayon de soleil traverse toute la pièce, laissant voleter sur son passage quelques particules de poussière. Une petite étagère retient des dizaines de livres, rangés avec désordre, faute de place. Ils présentent tous des marques d'usage important, ce qui souligne le caractère visiblement pragmatique de Sabrina : sa bibliothèque ne s'encombre pas de livres inutiles et qui prennent la poussière sans jamais être lus. En m'approchant un peu plus, je remarque que tous les livres ou presque ont un rapport avec la psychologie : « Histoire de la psychiatrie », « La psychanalyse du feu », « Le nouvel esprit scientifique », ou encore « Les mots pour le dire ».

- Ma collection te plaît ?

Surprise, je sursaute et m'éloigne, sentant mes joues s'enflammer.

- Excuse moi... Je ne voulais pas fouiller... Mais c'est... Intéressant, même si ce n'est pas le type de livres que j'ai l'habitude de parcourir.

- Mes études me prennent beaucoup de temps. A vrai dire, je ne peux pour l'instant pas vraiment me permettre d'autres lectures. Il y a tant à apprendre sur la psychologie ! C'est un sujet passionnant. Et puis... Disons que ça m'aide sur plusieurs plans.

Ses yeux étincellent maintenant, alors que son esprit semble s'être échappé vers de lointaines contrées. Un demi sourire flottant sur son visage résume tout ce qu'elle ne dit pas, tout ce qu'il y a probablement sous la surface. J'attrape l'une de ses mains pour la caresser de mon pouce hésitant. Cette toute nouvelle intimité qui s'installe entre nous me met mal à l'aise, alors j'essaie tant bien que mal de meubler le silence. Ma compagne semble se rendre compte de ma maladresse, elle me regarde plus franchement et me lance un clin d'œil appuyé.

- Allez viens avec moi, il va finir par refroidir ce café !

###

Les minuscules gouttes de pluie s'abattent sur ma peau telles des petites aiguilles, la douleur en moins. La grisaille a pris possession de la ville, y déposant une enveloppe terne et morne, rendant la pierre plus grise, la route plus sombre, les visages plus inexpressifs. Il est impressionnant de constater le résultat que peut avoir l'apparition d'un rayon de soleil sur le moral ambiant. En attendant, j'essaie tant bien que mal de m'abriter sous ma capuche, tout en regrettant amèrement de ne pas avoir pris de parapluie. La pluie fine se transforme en trombes d'eau juste au moment où le porche familier de mon appartement apparaît. Même si seulement une cinquantaine de mètres m'en sépare, c'est trempée jusqu'aux os que je passe la porte épaisse et lourde de l'entrée du bâtiment. Alors que je m'attendais à pouvoir m'ébrouer sur le carrelage immaculé, une présence anormale me fait sursauter brusquement. La première surprise passée, je plisse légèrement les yeux afin de distinguer un visage dans le hall plongé à moitié dans le noir.

Mon triangle d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant