Mon triangle d'or

P2 - Chapitre 20 : Retour de bâton

Mon doigt sur la sonnette, je repense aux évènements des jours précédents, ceux qui m'ont poussée à me trouver dans cette situation. Mon attirance soudaine pour la fille dont mon ami est amoureux, ce même ami surexcité à l'idée de passer la soirée avec elle, les messages et appels de Sabrina à qui je n'ai envoyé aucune réponse. Je me sens plutôt minable à cet instant, mal à l'aise dans mes petits souliers.

- On est chez qui en fait ?

La voix de Victor me sort de mes sombres pensées. Quand je lui ai annoncé qu'Adèle avait accepté de nous accompagner, il n'avait pas essayé de cacher son bonheur. Il s'était habillé pour l'occasion : pantalon droit ajusté et petite chemise classe mais décontractée.

- Chez un ami d'une amie, je ne le connais même pas en fait. Mais je me suis dit que ça serait sympa de sortir un peu de mon cercle !

Les yeux d'Adèle s'accrochent aux miens au moment où je prononce ces derniers mots. Je décèle dans son regard une espèce de tristesse profonde, presque comme de la nostalgie. J'hésite un instant à lui adresser un mot gentil, ou lui toucher affectueusement le bras, mais la porte qui s'ouvre ne m'en donne pas l'occasion.

- Oui ?

- Je suis une amie de Julie, elle nous a invités ce soir.

Au moment où nous entrons dans l'immense entrée de l'appartement, une tornade blonde me saute dans les bras.

- Salut Julie... Contente de te voir, tu as déjà commencé l'apéro apparemment.

Elle me sourit niaisement, avant de me serrer de nouveau dans ses bras. L'espace d'un instant, je capte le regard presque agacé d'Adèle qui détourne les yeux pour regarder le sol. Mais qu'est-ce qu'elle a ce soir ? La voix vacillante de Julie me sort de mes pensées.

- Tu es venue ! Je suis trop contente ! Par contre... Ne m'en veux pas...

Mon attention est de nouveau attirée par mon amie, qui m'observe d'un air gêné.

- Accouche, Julie.

- Euh... Je n'ai rien dit parce que sinon tu n'allais jamais vouloir venir... Mais... Pauline est là.

Je sens mon visage se vider de son sang, je suis persuadée de blêmir à vue d'œil. Pauline était bien la dernière personne que je m'attendais à voir à cette soirée. La première frayeur passée, c'est la colère qui m'envahit. Je fusille littéralement mon amie du regard.

- Tu es sérieuse ? Tu sais à quel point j'ai souffert, à quel point je morfle encore aujourd'hui, pourquoi tu ne m'as rien dit ?

- Bah... Parce que tu ne serais pas venue...

- Bien entendu que je ne serais pas venue ! Ma chère future ex-amie, tu as plutôt intérêt à utiliser le peu de temps qu'il te reste à vivre à tenter de te faire pardonner.

- Je vais te chercher un verre.

Je reste plantée au milieu de l'entrée, incapable d'effectuer le moindre geste. Victor, à mes côtés, semble complètement perdu. Il me regarde avec insistance, ne sachant visiblement pas comment réagir. J'inspire et expire profondément avant de me tourner vers mes deux amis.

- Pauline, c'est mon ex. Elle m'a quittée comme une merde, m'a complètement détruite et a pulvérisé mon estime de moi. Je veux rester quand même, je ne lui ferai pas le plaisir de la fuir, mais je ne veux pas en parler. Je vais aller boire un verre, et tout ira bien.

Sur ces paroles, une toute nouvelle détermination s'empare de moi. Je retire mon manteau, inspire un bon coup et pose le regard une nouvelle fois sur mes amis. Alors que Victor semble heureux de ma prise de décision, Adèle, quant à elle, me regarde avec une expression indéchiffrable. Je sens presque la colère prendre possession de ses traits. Mais pourquoi diable serait-elle énervée ?