P1 - Chapitre 6 : Je te le promets

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Un mois s'est écoulé depuis notre première discussion. Se joue en moi depuis ce moment une multitude de sensations inconnues jusqu'ici. Je ne savais même pas qu'il était possible de ressentir une palette aussi variée d'émotions en même temps. L'excitation de la découverte de l'autre, l'enthousiasme de la réponse à venir, l'angoisse que cette réponse n'arrive jamais, la peur du rejet, et finalement la joie de simplement pouvoir vivre tout ça. Tout prend sens maintenant. J'ai toujours pensé que je n'étais juste pas douée pour l'amour, que je devrais me forcer pour tous ces petits gestes de couple qui me faisaient horreur. Tenir la main d'un homme, l'enlacer ou l'embrasser, tout cela me laissait de marbre. Je m'étais quelque part résignée à devoir ressentir – ou plutôt ne rien ressentir – toute ma vie. Mais rien ne me manquait, puisque que je n'avais jamais connu ces émotions.

J'avais appris beaucoup de choses sur ma nouvelle correspondante durant ce dernier mois, et j'avais eu le droit à une photo entière de son visage. Pauline est une fille charmante, aux cheveux bruns mi longs lui arrivant au-dessus des épaules. Ses yeux rieurs légèrement en amande est la partie de son visage qui m'intrigue le plus. Je ne peux m'empêcher de m'attarder dessus chaque fois que j'observe sa photo, avec l'envie impérieuse que ce regard se promène à son tour sur moi, me voit pour de vrai. Outre son physique avantageux, c'est une étudiante prometteuse qui passe le plus clair de son temps à travailler ses cours. Elle s'épuise même à la tâche, je me demande parfois si elle dort. Elle aime écouter de la musique, et particulièrement du reggae, adore les festivals et passer du temps avec ses amis. C'est une personne intransigeante, particulièrement avec elle-même. Elle assume complètement son homosexualité, et tout sa famille est au courant. Je l'envie quelque part, n'ayant moi-même pas eu le courage de l'annoncer à ma mère.

Nous nous étions également rendues compte que nous vivions à seulement une quarantaine de kilomètres l'une de l'autre. Mais nous n'avions pas encore évoqué l'éventualité d'une rencontre, préférant faire connaissance sans la barrière d'une éventuelle attirance.

- Anita ? Tu rêvasses encore.

- Pardon ?

Je lève les yeux sur mon amie et camarade de cours, pour voir son regard las fixé sur moi. Elle ferme exagérément les paupières tout en soupirant bruyamment pour me signifier son impatience à mon égard avant de reprendre la parole, cette fois en adoptant une intonation de tragédienne grecque.

- Tu ne me regardes plus, tu ne me vois plus Anita ! Je n'existe plus pour toi, pourquoi suis-je autant invisible à tes yeux ?

Je pouffe, puis finit par exploser de rire face à l'attitude de mon amie, ce qui nous vaut une des remontrances devenues habituelles de notre professeur de droit.

- Je préférais quand tu étais à fond dans Madame Louis. Au moins tu étais présente au cours !

- Mais je suis présente !

- Absolument pas, tu as la tête ailleurs, je dirais que tu as l'esprit fixé vers une certaine ... Pauline ! Dit-elle en mimant une voyante regardant dans sa boule de cristal.

- Je n'aurais jamais dû t'en parler ...

- Pour que je manque la seule chose un peu excitante qu'il se passe dans ta vie ?

- Dis que ma vie est merdique tant que tu y es !

- Loin de moi l'idée de penser une chose pareille ...

Son sourire en coin en dit long sur l'ironie de ses paroles. Je ne lui réponds même pas, boudant dans mon coin. J'en profite pour sortir mon téléphone de ma poche et remarque un message non lu qui me fait sourire.

Mon triangle d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant