P1 - Chapitre 13 : Faux semblants

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- Alors... Tu ne m'avais pas dit que deux de tes ex seraient là ce soir...

Je suis presque gênée alors que ces quelques mots sortent de ma bouche. Pauline a comme une prestance intimidante parfois, une espèce d'aura autoritaire qu'il serait idiot de braver. Mon instinct doit être le bon puisque je la vois relever un sourcil et pincer les lèvres.

- C'est important ?

Le ton utilisé est hautain, et même condescendant. Je me sens assez ridicule à cet instant, comme si j'étais en train de faire une scène pour rien. J'ai l'impression d'être une enfant prise en faute et me mets à rougir en conséquence.

- Non... C'est juste que... J'aurais préféré que tu m'en parles. Enfin ce n'est pas grave, oublie...

- Je ne t'en parlerai qu'une seule fois. Et je vais te dire ce que je dis à chaque fois. Ces personnes ont compté pour moi, mais si je ne suis plus avec elles, c'est qu'il y a une raison. Je ne me remets jamais avec un ou une ex, jamais. Maintenant, soit tu l'acceptes, soit tu t'en vas. C'est aussi simple que ça.

Ses yeux fixés sur la route ne s'étaient pas dirigés vers moi une seule seconde. Aucun mot ne sort de ma bouche, je reste simplement étrangement fixée sur ses cheveux ondulant sous l'effet de la brise s'engouffrant par sa fenêtre ouverte. La froideur du ton utilisé me laisse silencieuse, surprise par la tournure de la conversation. Pour la première fois depuis le début de notre histoire, je ne me sens pas à l'aise. Je voudrais être à n'importe quel endroit, mais pas ici. Pas dans cette voiture, avec elle, et avec cette affreuse envie de pleurer. Mais je retiens mes larmes, je ne veux pas me sentir encore plus idiote qu'actuellement. Je sens ma tristesse couler laborieusement le long de ma gorge, passer la barrière de l'œsophage en me laissant une brûlure amère, puis atterrir lourdement dans mon estomac.

La voiture s'arrête finalement sur le trottoir face à chez elle. La tristesse que je ressens m'écrase le cœur et dépose un voile sombre sur mes pensées. Pauline, quant à elle, semble ne pas se rendre compte de la situation. Elle me regarde avec un petit sourire, avant de sortir de la voiture. Presque à contrecœur, je la suis à l'intérieur de la maison où l'un de ses colocataires nous salue nonchalamment. Si habituellement je réussis plutôt bien à cacher mes sentiments à mon entourage, cette fois la pilule ne passe pas. Aucun son ne sort de ma bouche, et le sourire qui ne quitte jamais mon visage me fait maintenant défaut. Je vois les coups d'œil furtifs de Pauline en ma direction alors que je referme la porte de sa chambre derrière moi.

- Anita ...

La gorge serrée par des larmes menaçantes, je m'assieds sur le lit en esquissant ce qui ressemble plus à un rictus qu'à un sourire. J'essaie de donner le change mais la douleur lancinante dans mon œsophage empêche les mots de passer, sous peine de déverser les pleurs qui ne demandent qu'à s'exprimer. Fichues émotions !

- Viens près de moi ... S'il te plaît.

La phrase finit par sortir laborieusement de ma bouche. Par miracle, ma voix ne paraît ni déformée, ni affaiblie par les émotions. Alors que je retire mes chaussures et que je m'allonge sur le lit confortable de ma petite amie, cette dernière me fixe encore quelques instants avant de venir se coller contre mon corps chaud et vibrant. Sa tête se cale dans le creux de mon cou, pour y déposer un baiser d'une extrême douceur, contrastant cruellement avec le ton froid utilisé dans la voiture. Cependant, je sens une infime hésitation. Ses gestes sont incertains, son silence est évocateur. Elle ne sait pas comment réagir à la situation. Après quelques minutes enveloppées dans cette gêne ambiante, Pauline finit par se relever sur un coude et me regarder intensément dans les yeux. La lueur que je perçois au fond de son regard est intense et sincère. Néanmoins, je ne peux m'empêcher d'y entrevoir une étincelle particulière qui ne manque pas de m'inquiéter, sans réussir à mettre de mots dessus.

Mon triangle d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant