P2 - Chapitre 21 : Réconforts

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Le béton des marches sur lesquelles je suis assise est d'un froid mordant. Il traverse mon pantalon et me frigorifie littéralement la peau sensible de mes fesses. Mais c'est bien le dernier de mes soucis à cet instant. Les larmes qui coulent sur mes joues sont bien plus douloureuses, elles sont comme des milliers d'aiguilles qui piquent mon cœur. Me blessant mortellement sans jamais me tuer vraiment, la pire des tortures. Je reste prostrée dans cette position inconfortable durant des heures, incapable de bouger. Ainsi, je vois la nuit s'écouler d'un œil vaguement présent. Le ballet des personnes qui viennent à la soirée et de celles qui en repartent. Le court moment d'accalmie où tout le monde semble enfin couché. Puis l'aube. Il est triste de voir qu'un nouveau jour se lève, aussi simplement que cela, alors que tout mon être souffre d'une douleur encore jamais égalée.

Alors que le soleil lèche de ses premiers rayons la rosée matinale, une présence à mes côtés me tire de ma léthargie. Je ne bouge pas mais je reprends conscience petit à petit. C'est une main chaude, puis un manteau qui se pose sur mes épaules qui me fait tourner la tête.

- Que fais-tu ici ? Je t'ai bien envoyé bouler tout à l'heure...

Le visage fin et anguleux de Victor s'illumine d'un sourire alors qu'il baisse la tête pour écraser sa cigarette sur le sol. Je devine son regard doux derrière sa masse de cheveux blonds, avant de les voir vraiment lorsqu'il tourne le visage vers moi.

- Je me suis dit que c'était ta manière de te protéger...

Je baisse les yeux à mon tour, incapable de m'excuser. Une fierté absurde prend possession de moi, ridicule mais insurmontable.

- Et puis... Tu en tenais une sacrée couche, je suis même étonnée que tu t'en souviennes ! Je n'ai pas l'habitude de prendre au mot quelqu'un qui a trop bu. Par contre, si tu me répètes maintenant que tu veux que je m'en aille, cette fois je le ferais vraiment.

Je relève la tête, étonnée qu'il ne me demande pas de m'excuser, et surprise de constater que ce garçon est d'une compréhension folle. Je lui souris, avant de taper amicalement son épaule.

- Bien sûr que non... Victor... Je suis... Enfin... Merci d'être là.

- Tu es pardonnée, me répond-il avec un clin d'œil charmeur.

S'ensuit un silence confortable, apaisant. Nos regards dirigés devant nous fixent la rue sans la voir.

- Eh... Je suis au courant de ce qu'il s'est passé un peu plus tôt... Avec Pauline. Elliott a tout vu et m'a raconté. Je suis désolée, Anita. Vraiment désolé, elle ne te mérite pas.

Un rire bref dénué de joie sort de ma gorge endolorie à force d'être compressée par la tristesse. Mes yeux, toujours dirigés vers la rue, commencent à se troubler à mesure où les larmes montent. Sans une parole de plus, mon ami attrape l'une de mes mains, que j'étais occupée à tordre dans tous les sens sans même m'en rendre compte. Le contact chaud et doux me calme un peu, m'empêchant de fondre en sanglots incontrôlables. A la place de quoi, je laisse simplement couler sur mes joues le surplus d'angoisse.

- Et si on partait d'ici ?

Je hoche la tête, reconnaissante et rassurée qu'il ne cherche pas à m'arracher plus de mots.

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J'observe mon téléphone avec insistance. Ma tête m'intime de me détendre et de lâcher prise, mais mon cœur ne sait plus où il en est. Trois choix s'imposent à moi : la nostalgie que représente Pauline, mais aussi le rejet ; le charme de la nouveauté que m'inspire Adèle, mais aussi la trahison de mon ami qui s'y accompagne ; ou la sécurité de Sabrina. Pourquoi dois-je être le genre de personne à accorder une si grande importance à son avenir amoureux ? J'aimerais tellement faire partie de cette catégorie de gens indépendants et solitaires, s'accomplissant individuellement, tout en délaissant l'amour. Au moins, ils savent préserver leur cœur. Quant au mien, je n'ai même pas encore entamé la trentaine qu'il est déjà bien abimé.

Mon triangle d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant