Chapitre 17 : I

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Cela faisait quelques minutes que je me tenais là, accoudée à la rambarde du balcon qui donnait sur la cour avant du QG entourée d'une grande grille en fer forgé. Au loin, on pouvait voir le mur Rose derrière une épaisse forêt, celle où on s'entraînait à trancher la nuque de titans en bois. Une légère brise fraîche faisait virevolter mes longs cheveux et témoignait de l'hiver qui arrivait à grands pas alors que le soleil avait commencé son inexorable descente.

J'étais perdue dans mes pensées quand Levi ferma dans un claquement, qu'il aurait voulu plus discret, la porte vitrée qui se trouvait juste derrière moi. Il avait lui aussi enfilé un vêtement chaud et était revenu avec deux bouteilles de bière.

— T'es pas bien ? lui demandai-je en faisant les gros yeux. On n'a pas le droit de boire en service.

— T'es pas en service, me répondit-il en décapsulant la première bouteille grâce au rebord de la rambarde avant de me la tendre. Et je ne dirai rien à Erwin si tu ne dis rien.

— Tu mens à Erwin ? fis-je, malicieuse.

Il décapsula la deuxième bouteille de la même manière et porta le goulot à sa bouche.

— Je ne lui mens pas si personne ne sait qu'on est là, répliqua-t-il comme s'il voulait se convaincre qu'il avait raison.

Je ris de bon cœur et bus à mon tour. Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas avalé une seule goutte d'alcool. C'est pas que j'étais une grande amatrice de ce genre de boissons, mais ça faisait toujours plaisir de boire une petite bière. Ça me rappelait ces longues soirées qu'on passait pendant la trêve hivernale à boire avec les autres au coin du feu. Chacun y allait de sa petite histoire, ça créait des liens. Et quand on sentait qu'on ne tenait plus debout, on allait tous se coucher en traînant les pieds, le cœur serré mais enveloppé d'une douce chaleur. Le tout était de savoir s'il s'agissait des effets de l'alcool ou si on se sentait reconnaissants d'avoir accédé à une petite partie de la vie de nos camarades.

On resta quelques instants à boire quelques gorgées, lentement, côte à côte à observer le soleil se coucher. Le goût de la bière me rappela une autre saveur et soudain j'eus envie de fumer une cigarette. Je ne fumais que rarement mais ces soirées calmes étaient parfaites pour ce genre de choses. Malheureusement, je n'avais pas prévu le coup et n'avais pas pris le paquet qui trainait dans mon bureau depuis plusieurs mois.

— T'as tes cigarettes sur toi ?

Il posa sa bouteille et soupira pour glisser sa main dans la poche intérieure de sa veste. Ce qu'il en sortit me laissa perplexe, cela ne ressemblait pas un paquet de cigarettes. Il s'agissait d'une boite en bois gravé, ça semblait bien luxueux pour un mec du Bataillon.

— J'ai pris ça la dernière fois qu'on est allé à la Capitale, dit-il comme s'il lisait dans mes pensées. Je les gardais pour une occasion spéciale, mais je pense qu'on les a bien mérités.

Il ouvrit la boite et dévoila quatre cigares de bonne taille posés sur un fond en velours rouge. J'écarquillai les yeux face à la trouvaille de mon camarade, je ne savais pas quoi dire tellement ça paraissait irréel, ce genre de choses devait couter les yeux de la tête.

— T'es fou ma parole !

— Je suis sûr qu'ils ont même pas remarqué qu'une boite avait disparu, fit-il simplement.

— T'es bien un voyou des Bas-Fonds après tout, soufflai-je en haussant les épaules.

— T'en veux un ou pas ? fit-il en menaçant de refermer la boite sous mes yeux.

— Oui ! hurlai-je presque.

Il me tendit la boite, je me servis. Il en prit un aussi, alluma le mien avant de faire de même pour le sien. Le regard braqué vers l'horizon, je pris une grande bouffée. La fumée, bien plus forte qu'une cigarette ordinaire me fit tousser violemment.

Souvenirs d'une soldate du Bataillon d'Exploration [LevixOC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant