Chapitre 16 : O

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Tranquillement installée dans le bain que je m'étais préparé toute seule, je rêvassais la tête renversée en arrière. Cela faisait des lustres que je n'avais pas pu profiter un bon bain chaud. Après de longues minutes à frotter la moindre parcelle de mon corps et à m'amuser à faire flotter mes jambes pour m'assurer de leur bon fonctionnement, je me résignai à sortir de l'eau qui était devenue froide. Je m'enroulai dans une serviette moelleuse et m'inspectai dans la glace.

Mon visage avait enfin repris des couleurs, mes cernes étaient moins marqués et je faisais des efforts pour ne pas faire la gueule toute la journée, ça devait aider. Je fis glisser ma serviette sur le sol et examinai le reste de mon corps amaigri et mutilé. Je passai une main sur ma clavicule saillante et descendis jusqu'à mes côtes que je pouvais presque compter tellement j'étais mince. J'avais quand même repris du poids depuis que j'avais fait une grosse frayeur à Hanji, bien malgré moi. Elle était entrée sans frapper un jour où je me changeais dans ma chambre et avait pu apercevoir que je n'avais plus que la peau sur les os. Ce jour-là, l'expression avec laquelle elle m'avait regardée m'avait tellement fait culpabiliser que plus jamais je n'avais sauté un repas par après.

Je me tournai pour regarder les bleus que j'avais dans le dos. Ils étaient maintenant tous passés à une teinte jaunâtre et ne tarderaient bientôt plus à disparaître. Finalement, j'en avais fait du chemin. Aujourd'hui je pouvais me tenir debout alors que cela me semblait encore impossible il y a quelques mois. Ma jambe n'était toujours pas au mieux de sa forme mais j'étais déjà contente de pouvoir marcher sans béquilles. Et je ne me débrouillais pas si mal finalement.

J'enfilai rapidement des sous-vêtements propres et un t-shirt ample, que j'avais sûrement dû piquer à Levi parce qu'il ne m'allait pas du tout. J'attrapai ma serviette et me frictionnai les cheveux avec alors que je me rendais vers ma chambre.

Il était là, au milieu de la pièce, je n'avais pourtant entendu personne entrer.

— Que me vaut l'honneur de votre présence, Caporal ? rallai-je.

— Hanji est occupée et m'a chargé de venir voir comment tu allais, répondit-il sans émotion.

— Ah oui ? fis-je d'un air détaché en me dirigeant vers mon bureau.

— Je vois que ta jambe va beaucoup mieux, observa-t-il.

Je m'assis nonchalamment contre mon bureau. Il m'avait suivi du regard pendant tout ce temps et ses yeux s'attardaient maintenant sur ma cicatrice que je n'avais pas eu le temps de masquer avec un bandage. Par réflexe, ma main vint se poser sur ma jambe :

— Qu'est-ce que tu es venu faire ? soupirai-je.

Ses yeux las se plantèrent alors dans les miens.

— Je te l'ai dit : ça ne m'enchante pas mais Hanji m'a demandé...

— Non, non, le coupai-je, qu'est-ce que tu es venu faire, pour de vrai ?

Il soupira bruyamment, ses yeux parcoururent frénétiquement la pièce à la recherche de quelque chose. Je le laissai chercher ses mots un instant qui sembla être une éternité. Moi-même je ne savais pas quoi dire. Je regrettais ce qu'il s'était passé entre nous, les choses que j'avais pu dire et les non-dits. Tout ça me pesait alors, sans que je m'en rende vraiment compte, je pris la parole :

— J'étais jalouse.

— Jalouse de ?

— Jalouse de toi, Levi.

Son visage, bien qu'impassible, comme à son habitude, laissait transparaître de l'incompréhension.

— Pour moi, c'était insupportable de me retrouver dans cette situation, tu comprends ? Ne plus avoir le contrôle de mon corps, ne plus pouvoir me servir de mes jambes, ça me rend dingue. Sans parler de ces regards de pitié que tout le monde me lançait « pauvre capitaine Hana, elle ne pourra plus jamais être soldat », voilà ce qu'ils se disent tous. Et Erwin et les autres qui me tiennent hors des affaires du bataillon, soi-disant pour me protéger. Ça me rend malade ! Et du coup, j'enviais ta situation. Toi et ta petite escouade qui vous entraînez tous les jours et puis toi avec ta paperasse jusqu'au-dessus de la tête. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour remplir de la paperasse aujourd'hui. J'inspirai fort et baissai les yeux. Mais je n'ai plus d'escouade donc je suppose que je n'ai plus de paperasse à remplir maintenant.

Après quelques secondes de silence, je finis par relever la tête et le regarder dans les yeux. Il n'avait pas bougé d'un pouce, il était toujours là à me fixer et semblait attendre la suite. Ou peut-être ne savait-il simplement pas quoi dire. Il semblait bien plus bavard la nuit où je m'étais glissée dans son lit.

— Enfin, voilà, je voulais te dire que...

— C'est bon, j'ai compris, me coupa-t-il. T'as pas besoin d'en dire plus.

Je souris alors légèrement, consciente que les choses allaient maintenant un peu mieux.

— J'ai besoin de prendre l'air, tu m'accompagnes ? lançai-je en me dirigeant vers la porte.

— Fais-moi le plaisir d'enfiler un pantalon alors.

J'avais presque la main sur la poignée et me retournai vers lui, faussement indignée par ses dernières paroles.

— Tu rigoles ? Ne pas porter de pantalon en public, c'est bien le seul privilège qu'ont les personnes comme moi, ris-je.

Il se dirigea sans attendre vers mon placard et me lança le premier pantalon qu'il trouva.

— Pff, t'es pas drôle comme mec.

Il ne répondit pas, me passa un pull et se dirigea vers la sortie de la pièce.

— Mets aussi quelque chose aux pieds, je te rappelle qu'il fait froid dehors. Attends-moi sur le balcon, je vais chercher quelque chose.

— Oui, mon Caporal, raillai-je.

Et il disparut derrière la porte. Vraiment pas drôle le caporal-chef Levi.

Souvenirs d'une soldate du Bataillon d'Exploration [LevixOC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant