Le Basculement

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Grimm entra au galop dans la citadelle, et les habitants nous laissèrent passer entre les rues pavées menant au château. Avec un air grave et digne que je tentais d'imposer à mes sujets, je serrais contre moi la boîte de noyer contenant le sauveur de mon royaume, et de ma main libre je maintenais les rennes de mon coursier que je maîtrisais dans les allées piétonnes de la ville.

Je finis par entrer dans les écuries royales et, après avoir abandonné mon cheval aux écuyers, je rentrai dans le château et me dirige vers mes appartements.

Je montai rapidement les larges escaliers de pierre, tête baissée, ma demi-cape sombre battant l'air au rythme de mes pas, la boîte cubique de bois toujours enserrée contre ma poitrine. J'essayais de contrôler ma nervosité, me crispant un peu plus autour du précieux artefact et accélérai le pas.

Je commençai à comprendre l'ampleur de mon projet, et un flot inexpliqué de doutes, de peurs et de questions se mit à prendre le contrôle de ma sérénité. Je devais donner un bien étrange spectacle à tous les soldats, serviteurs et magistrats qui me croisaient à contre sens...

Les talons de mes bottes martelaient nerveusement le tapis pourpre du long couloir à mesure que ma marche se rapprochait désormais plus de la course. Dents serrées et épaules remontées, je ne visai plus que mes appartements où je pourrais enfin arrêter de faire bonne figure.

Soudain, mon regard rivé sur mes pieds m'empêcha d'apercevoir Père devant moi et je manquai de le percuter de plein fouet.

"Que... Raphaëlle ? Que faites-vous donc ici, ma fille ? me questionna mon géniteur avec la politesse et le recul qu'il doit m'exprimer lorsque nous sommes en public.

- P... Père !"

Je relevai brusquement la tête, une expression apeurée sur le visage, stoppée net dans ma fuite, pâle et rougissante à la fois, le regard fuyant, en tenue de voyage, tous les muscles tendus à l'extrême et enserrant ma boîte de noyer.

Mon père lui, posé et fier, était très élégant et imposant dans son pourpoint brodé d'or, sa cape bleu nuit et sa couronne brillant sur ses longs cheveux vénitiens. Le contraste entre le père et la fille doit être bien ironique à la troisième personne...

"Un... un mal vous rongerait-il, Raphaëlle...? s'inquièta mon père.

- Au... aucun, Sire ! Je reviens juste... j-j'ai visité le prince Lilian aujourd'hui, et je me hâte simplement d'aller me changer car... le lieutenant Taylor me demande au camp militaire, près de la Tour de la Plaine !

- La Tour de la Plaine ? Vous en avez en effet pour quelques minutes, même à cheval...  Enfin, cela doit-être important si le lieutenant vous demande... Ne le faites pas attendre ma fille.

- Restez tranquille Sire, j'y serai rapidement !

- Si un quelconque esprit vous tourmente, votre Mère et moi-même serons toujours présents...

- Le voyage m'a juste fatiguée, n'ayez crainte !" m'empressai-je de répondre en essayant de paraître naturelle. J'essayais de ne pas penser au fait que je le voyais peut-être pour la dernière fois... "Je serais de retour pour l'événement de ce soir !

- Voilà qui me rassure... J'espère que vous trouverez un moment pour prendre du temps pour vous avant, dans ce cas...

- Je vous remercie Sire, mais mon devoir restera ma priorité autant qu'il demeure ma plus grande fierté... Je crains de devoir vous éconduire, à présent...

- Faites, ma fille..."

Malgré moi, je pris le temps de m'incliner devant mon père, puis fis volte face et repris ma marche rapide vers mes appartements, tentant de rester digne tandis que je sentais le regard inquiet de Père sur ma nuque.

Aventures de Zelda Raphaëlle Hyrule : 6.Pour Un Avenir MeilleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant