L'horloge brisée ~ Taekook

Chapitre 3

Le malaise.

Il n'y avait pas de meilleur mot pour décrire la situation actuelle.

Ils étaient tous les deux assis dans la chambre de Jungkook, lui sur son lit et Taehyung sur un petit matelas installé à même le sol. Chacun fuyait le regard de l'autre et aucun des deux ne réussissait à briser le silence. Taehyung avait plusieurs fois ouvert la bouche pour parler mais l'avait à chaque fois refermée aussitôt, ne sachant pas quoi dire.

Il ne pouvait s'empêcher de dévisager Jungkook en face de lui. Il avait conscience qu'il était loin d'être discret mais il n'en revenait toujours pas. Jungkook, le gamin de huit ans dont il avait passé plusieurs années à s'occuper était en face de lui. Sauf qu'il avait vingt ans.

Vingt putains d'années.

Il se rappelait s'être parfois demandé ce qu'il deviendrait plus grand, s'il avait su qu'il pourrait le découvrir aussi vite il se serait surement moins posé la question.

Taehyung avait passé deux semaines à l'hôpital et il avait eu un mal fou à accepter la situation. Il s'était réveillé chaque matin en croyant à un mauvais rêve, jusqu'à ce que le plafond blanc de l'hôpital le ramène chaque fois durement à la réalité.

La psychologue qui lui avait parlé à son réveil était venue le voir deux fois par jour. Ça l'avait énervé plus qu'autre chose. Il détestait cette façon que tout le monde avait d'agir comme s'il était une bête de foire. Il haïssait encore plus la façon qu'ils avaient de sans arrêt lui rappeler que douze ans étaient passés.

Ce n'était pas normal. Pourquoi personne ne le réalisait ?

Il ne comprenait toujours pas ce qu'il s'était passé et on le forçait à se prendre la réalité en pleine gueule.

S'il avait pu donner son avis sur la question, il leur aurait dit de tous aller se faire foutre avec leur quarante milles questions et leurs airs de pitié. Il voulait juste rentrer chez lui, se mettre dans son lit et ne plus jamais en sortir.

Sauf qu'il n'avait plus de maison non plus, et donc plus de lit.

Sa mère avait débarqué à l'hôpital deux jours après qu'il se soit réveillé. Elle avait fondu en larmes et l'avait pris dans ses bras. Ça l'avait fait flipper. Il avait été tellement choqué de la voir si affective avec lui qu'il n'avait pas su comment réagir.

Sa relation avec sa mère n'avait jamais été rose. Elle n'avait pas accepté son homosexualité et leur relation s'était résumée à des échanges de formalités lorsqu'ils se croisaient dans la maison. Ça lui avait fait mal au début, très mal. Mais il avait fini par l'accepter et à vivre avec et il lui en voulait presque de ce changement soudain d'attitude. Il ne s'y était pas préparé et ne savait pas quoi en faire.

Le pire dans tout ça avait surement été lorsqu'elle lui avait annoncé la mort de son père. Il avait senti son cœur se serrer si fort qu'il avait cru qu'il allait lâcher. Pourtant il n'avait rien dit et n'avait pas pleuré. Il avait à peine réagi. Il ne cessait de se répéter que c'était impossible. Il se prenait tellement de nouvelles en pleine figure qu'il n'arrivait pas à les gérer.

Sa mère était partie vivre au Japon à la mort de son père pour tourner la page. Elle lui avait dit qu'elle ne pouvait pas rester longtemps mais qu'elle allait s'organiser pour prendre de longues vacances et venir passer du temps avec lui. Ça aurait dû le toucher mais là aussi il n'avait pas réagi.

Trop d'informations.

Trop de changements.

Elle l'appelait tous les jours, il lui répondait à peine et se contentait de l'écouter parler et pleurer. Il savait qu'elle faisait comme si elle ne remarquait pas sa froideur et c'était peut-être mieux comme ça. Il n'aurait de toute façon pas su comment agir autrement.