Kitty

Chapitre VII

Fond de teint, anticernes, poudre, bronzeur, blush, highlighter, crayons à sourcils, liner cuivré, mascara, gloss. C'était une routine que Alexei connaissait bien, qui le mettait en valeur sous les lumières du club et que Christian adorait. Il sourit à son reflet dans le miroir. Le maquillage avait été important pour lui quand il avait quitté sa famille. Il lui avait donné confiance en lui, avait caché ses cicatrices intérieures, et lui avait peu à peu appris à s'aimer. Maintenant, il ne lui servait plus à se cacher ou à avoir confiance, il lui servait à être lui-même. C'était une partie de lui, une partie indissociable. Et puis, il le faisait aussi pour plaire, surtout à Christian. Même si son mari lui disait que ce n'était pas nécessaire et qu'il l'aimait comme il était, le blond aimait voir ses yeux briller quand il le voyait tout apprêté juste pour lui. Il se rapprocha du miroir pour ajouter un peu de fard taupe dans son pli de paupière, afin d'agrandir encore plus son regard, quand un frisson le parcourut.

Dans ce miroir, il vit soudainement un adolescent. Un adolescent de quatorze ans, blond, avec des yeux bien trop étranges pour qu'on l'aime. Un adolescent un peu seul qui avait voulu essayer le maquillage de sa mère, qui avait mis du mascara et du rouge à lèvre. Mais le mascara avait coulé, laissant de longues traînées noires sur ses joues avec la forme de ses larmes. Une de ses pommettes était d'ailleurs encore rouge, brûlante du coup qu'il avait reçu. Derrière cet adolescent, une grande ombre menaçante, avec de longs cheveux blonds et un visage froid, des yeux bleus emplis de colère. « Enlève-moi ça, tu n'es pas une fille. Un garçon ça ne se maquille pas. Tu m'entends, monstre ? », répétait-elle alors que l'adolescent se lavait le visage du mieux qu'il pouvait.

— Alexei ? Tu es prêt, demanda Christian en toquant à la porte.

Le mannequin sursauta en l'entendant. La vision disparut aussi vite qu'elle était arrivée. Il se souvenait de ce jour. Il s'était maquillé et comme il était fier du résultat, il voulait le montrer à sa mère. Il s'était dit qu'elle l'aimerait peut-être plus s'il lui ressemblait. Ça avait été une grosse erreur. Elle lui avait mis une gifle, l'avait traîné par le bras dans la salle de bain et l'avait forcé à se démaquiller en lui répétant cette phrase, en boucle. Il n'avait plus retouché du maquillage, jusqu'au jour où il avait décidé de partir. Ce jour-là, il avait bravé l'interdit pour se donner la force de combattre ses parents et il avait réussi. Alors maintenant, il réussirait à combattre leurs fantômes.

— Hé, chaton, tout va bien là-dedans ?

— Ou-oui !

Il semblait qu'il était resté trop longtemps sans donner de réponse à son mari. Alors il se dépêcha de sortir, ravi de pouvoir fuir l'adolescent qui le fixait dans le miroir, mais surtout pour ne pas que Christian défonce la porte de la salle de bain. Ce dernier l'attendait d'ailleurs devant la-dîtes porte et il haussa un sourcil interrogateur en le voyant sortir précipitamment. Alexei se rattrapa comme il put en lui souriant. Il vit à son regard qu'il n'était pas convaincu, mais il ne s'y attarda pas pour autant. Il savait que si quelque chose n'allait pas, son soumis lui en parlerait. Du moins, c'est ce qu'il croyait, car le blondinet n'était absolument pas prêt à lui dire tout ce qui se passait depuis deux semaines qu'ils étaient ici. Il ne le dirait à personne d'ailleurs. Personne n'avait besoin de savoir.

Pour oublier le début de culpabilité qui le rongeait à cette pensée, il laissa son regard glisser sur la tenue du châtain. Ce dernier portait un pantalon en cuir noir déliciseument moulant avec une chemise blanche surmontée par un harnais assorti à son pantalon. Ses cheveux étaient rabattus vers l'arrière et une légère barbe courait sur ses joues. Le blond soupira légèrement. Il venait de retomber encore plus amoureux de son mari, puisqu'apparemment c'était encore possible, et tous ses troubles s'envolèrent. L'amour avait un effet magique, c'était comme si on passait de la pommade sur toutes ces blessures, et qu'il était de nouveau tout neuf pour affronter le monde.