Chapitre XV

2.4K 229 57
                                    

Nicolas buvait son chocolat chaud, essayant de finir son petit déjeuner le plus rapidement possible. Il ne voulait pas rester plus longtemps dans la cuisine alors que Christian était collé dans le dos de son frère et n'arrêtait pas d'embrasser son cou pour le faire rigoler. C'était énervant. Il était pourtant sûr qu'il avait tout entendu la veille, il l'avait vu en sortant de la cuisine, alors pourquoi il n'était pas parti. La dernière fois ça avait marché, au moins une soirée, cette fois ça aurait pu être définitif. Il voulait qu'il lui laisse son frère, ils n'avaient pas besoin de lui après tout. Non, absolument pas besoin… 

— C'est moi qui t'emmènes à l'école ce matin, Nicolas, annonça Christian en s'asseyant en face de lui avec son café.
— Pourquoi c'est pas Alexei ? Moi je veux que ce soit Alexei.
— J'ai un shooting tôt, Aiden ne va pas tarder à venir me chercher, expliqua Alexei en déposant des tartines de confiture sur la table, dépêche-toi de finir ton petit-déjeuner.
— Je veux pas !

Il lui sembla voir Christian serrer la mâchoire et une lueur agacée traverser son regard, mais sa réaction ne fut rien comparée à celle de Alexei. Le blond en avait marre qu'il agisse comme bon lui semblait, comme si c'était lui qui décidait.

— Tu vas obéir à la fin ? On est peut-être pas tes parents mais tu dois un minimum nous respecter quand même Nicolas ! On fait notre possible pour que tu te sentes bien avec nous, mais tu pourrais faire des efforts aussi ! 
— Mais moi je veux être qu'avec toi !
— Que… avec moi ? Nicolas… que ça te plaise ou non, je ne suis pas ta propriété. J'ai une vie, un métier et des gens que j'aime, tout ne tourne pas autour de toi.

Devant les sourcils froncés par l'agacement de Alexei, le petit blond ne sut pas quoi répliquer. Avant tout tournait autour de lui, sa mère le gâtait tout le temps et son père l'emmenait faire pleins de choses avec lui, alors pourquoi son grand-frère ne voulait-il pas faire pareil ? Pourquoi mettait-il Christian avant lui ? 
Énervé de ne pas obtenir ce qu'il voulait, il poussa violemment son bol par terre en criant de rage. Le fracas qu'il fit en se brisant au sol fut suivi par un long silence où Alexei et Christian se regardèrent. Finalement, Christian se leva en lui demandant assez sèchement de le suivre pour se laver les dents et aller à l'école alors que son mari partait chercher de quoi nettoyer le sol. Le gamin resta assis en croisant les bras.

— Bon. Tu commences à sérieusement m'agacer, grogna Christian en s'approchant, arrête de manquer de respect à ton grand-frère. Tu ne sais pas tous les sacrifices qu'il fait pour être avec toi en ce moment. Et arrête de me manquer de respect juste parce que je suis amoureux de ton frère et qu'il ne se consacre pas qu'à toi. La vie c'est comme ça, Nicolas. Tu ne peux pas tout avoir.
— Je veux pas de toi ! Papa et maman ils…
— Tes parents pensaient des choses qui ne sont pas nécessairement la vérité. Aimer un autre homme n'est pas mal. C'est juste eux qui ne voulait pas l'accepter. 

Nicolas fit la moue. Personne ne voulait lui passer son caprice. D'habitude il lui suffisait de s'énerver un peu pour obtenir ce qu'il voulait mais ça ne marchait pas. Alors il fit la dernière chose qu'il pouvait encore faire : obéir en boudant pour marquer son énervement. Ignorant son frère qui revenait avec l'aspirateur et de l'essuie-tout et Christian qui proposait de le porter pour ne pas qu'il se blesse, il se leva et alla dans la salle de bain, sa moue boudeuse toujours sur le visage. 

— Tu crois qu'il a compris, chuchota Alexei.
— Je ne sais pas… je discuterais avec lui en allant le déposer à l'école.
— J'ai peur qu'on y arrive pas, Chris'...
— On va tout faire pour, bébé. Je te le promets. 

~~~

Dans la voiture, Nicolas continuait à bouder. Mais c'était sans compter sur Christian, bien décidé à lui parler. Il devait absolument faire quelque chose, réussir à le faire changer de mentalité. Alexei et lui ne pourraient pas supporter tout ça plus longtemps, le fait qu'il soit un enfant ne rendait pas ses propos moins blessants. Bien au contraire, il brisait un peu plus le cœur de son mari à chaque fois, lui rappelant le mal que ses parents lui avaient fait. Le regard fixé sur la route, il commença à parler.

— Ton frère avait raison dans ce qu'il a dit hier. Vos parents n'ont pas eu le même comportement avec lui et avec toi. C'est pour ça qu'il est parti, et ça lui a vraiment fait du mal de te laisser avec eux alors qu'il avait tant souffert.
— T'es un menteur, souffla le petit blond.
— Non. Moi aussi, mes parents ne m'aimaient pas beaucoup et ils me faisaient très peur. Mais un jour, j'ai eu envie de vivre heureux, parce que j'étais tombé amoureux de Alexei et que ça me donnait tout le courage que je n'avais jamais eu. Alors je suis allé voir mes parents, je leur ai dit que je ne voulais plus rien savoir d'eux, que j'aimais un homme et que j'allais être heureux avec lui, qu'on formerait une famille… 
— Alexei c'est ta famille ? 
— Il n'y a pas que lui, mais ma famille, elle, n'est composée que de gens que j'aime plus que tout. Des gens pour qui je me fiche bien d'aller en enfer.
— Tu t'en fiches d'aller en enfer parce que tu aimes Alexei ?
— Oui, confirma Christian avec un sourire. 

Il avait trouvé la corde sensible. Il savait que pour effrayer ainsi un enfant, ses parents avaient forcément dû utiliser un argument effrayant. Il avait plein de métaphores de ce type, mais puisque la première avait fait mouche, il continua sur sa lancée. 

— Je m'en fiche d'aller en enfer, parce que j'aurais eu la vie que je voulais avoir et que j'aurais pu aimer de tout mon cœur. Je sais que ça fait peur, l'enfer, les monstres, tout ce que tes parents ont pu te dire sur les hommes qui aiment les hommes ou les femmes qui aiment les femmes. Mais ce n'est pas vrai… tu penses vraiment qu'on peut punir des gens qui veulent être heureux et qui veulent s'aimer ?
— Non… alors pourquoi papa et maman… 
— Parce qu'il avait peur, sûrement. Alexei n'a pas voulu les écouter, ça ne veut pas dire qu'il est méchant. Il a juste choisi sa voie. Toi aussi tu peux le faire.

Nicolas se mordit la lèvre et sembla réfléchir intensément. Le châtain sourit légèrement, fier d'avoir réussi à parler à l'enfant. Il n'était certes pas le plus doué avec les mots, pas comme Jean, mais il savait y faire. Il espérait seulement que cela serait suffisant pour faire réfléchir le jeune garçon.

— Alexei veut déménager, c'est pas de ta faute non plus, demanda-t-il alors que Christian se garait devant l'école.
— Il ne peut pas rester dans cette maison, ça le rend vraiment très malheureux. Il a essayé, parce qu'il savait que tu ne voulais pas partir, mais… moi, je dois protéger Alexei, alors que je le vois dans cet état… je lui ai dit que ce serait mieux pour lui. Il a voulu essayer un peu plus, mais ça a empiré donc il m'a écouté. Je ne veux pas te priver de tes amis ou de ton école, on ira pas loin. 
— Il est vraiment très très triste ?
— Oui. Très triste. Quand vous vous êtes disputés hier, il pleurait. 

Le blondinet hocha la tête. Il commençait à comprendre ce que Christian essayait de lui dire, et il s'en voulait un peu d'avoir été aussi méchant. Lui aussi, il voulait faire comme le mari de son frère, être heureux et protéger les gens qu'il aimait. C'était ce que faisaient les chevaliers, normalement non ? Il attrapa son cartable avec un sourire. Oui, il serait un chevalier à partir de maintenant. 

— Alors je veux bien qu'on change de maison. Et que tu restes avec nous.
— Je… merci, répondit Christian pris de court, allez prend ton cartable, je t'emmène à la grille.
— Oui ! 

Nicolas s'empressa d'obéir et descendit de la voiture quand Christian lui ouvrit la porte, attrapant sa main pour traverser la route qui les séparait de l'école. Et le châtain, malgré sa maladresse avec les enfants et malgré son apparente froideur, ne put retenir son sourire. Ce geste, assez anodin, lui donnait l'impression d'être accepté par le petit garçon, et ça le rendait incroyablement heureux.

KittyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant