Chapitre I

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Alexei frémit. Il sentait le mais arriver. Alors il attendit, les fixant le plus froidement possible. Il ne voulait pas qu'ils sachent que la nouvelle l'atteignait.

— Toutefois, il faudra que tu te sépares de ton mari. Et que tu reviennes vivre ici, ajouta un des frères de ses grands-parents maternels.

— C'est non. Je ne me séparerais pas de mon mari, de toute façon on travaille ensemble, et je ne reviendrais jamais dans cette maudite maison. Débrouillez-vous.

— Alexei ! C'est ton frère !

— Il ne me connaît pas ! Il avait à peine quatre ans quand je suis parti ! Et vu que vous me détestez tous, ça ne m'étonnerait pas qu'il me déteste aussi.

Il se mordit la lèvre. Christian l'avait sûrement entendu crier. Il tourna la tête vers la porte de la cuisine mais ne vit aucun mouvement. Il ne s'en mêlerait pas, apparemment. Il reporta son regard sur l'assemblée de vieilles personnes. C'est vrai qu'ils avaient tous plus de soixante-dix ans. Ils ne pouvaient pas s'occuper de Nicolas, ils étaient trop vieux... Et surtout beaucoup trop arrêté sur leurs idées. Il ne pouvait pas encore laisser son frère grandir dans un environnement toxique. Sinon, qui sait ce qu'il deviendrait ?

— Je vais y réfléchir. Mais je ne le ferais pas sans Christian, sachez-le.

— N'importe quoi ! Thérèse, tu ne peux pas le laisser faire ça !

— Je peux, répondit sa grand-mère paternelle, vous ne pensez pas que vous avez tous déjà assez gâché la vie de ce jeune garçon ?

De nouveau, il y eut un long silence. Alexei se mordit la lèvre. Thérèse avait raison. Tout le monde l'avait moqué, martyrisé, parce qu'il avait des yeux étranges, une maladie étrange... Son coming out n'avait été qu'une excuse pour enfin chasser le monstre. Les quelques personnes assises échangèrent des regards gênés. Oui, ils savaient qu'ils lui avaient fait du mal et que leurs conditions étaient exagérées. Mais de là à le reconnaître et à s'excuser, c'était trop leur demander.

— Nous verrons ce que Nicolas en pense après avoir passé un peu de temps avec vous. Je te laisse en discuter avec ton mari, mon petit, pour le moment Nicolas restera avec moi. De toute façon, il y a plein de paperasses à faire.

— Merci, grand-mère.

La vieille femme hocha la tête en lui souriant. C'était le signe que la discussion était close. Avec un soupir de soulagement, il vit l'assemblée se dissoudre. Il lui sembla capter un mouvement dans les escaliers, une petite touffe blonde remontant rapidement à l'étage avant qu'on ne la remarque. Comme lui à son âge, quand il espionnait ses parents pour comprendre ce qu'ils se disaient, Nicolas avait sûrement dû écouter leur conversation. En même temps, la décision le concernait lui plus que n'importe qui et il avait à peine eu son mot à dire. Alexei grimaça. Ils auraient au moins pu le laisser assister à ce petit conseil de famille.

Le blond retint un nouveau soupir. Ce n'était pas le moment d'y penser. Il se dépêcha de retourner dans la cuisine. Christian tournait dans la pièce comme un lion en cage, marmonnant plusieurs insultes en faisant craquer ses doigts.

— Je suis là.

Son mari releva la tête vers lui et toute sa tension disparut aussitôt. Il s'était fait un sang d'encre en l'entendant crier, mais il savait que si Alexei avait eu besoin d'aide il aurait utilisé son safeword donc il n'était pas intervenu. Et comme il avait l'air d'aller bien, il était soulagé.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— On peut en parler chez nous ? Je veux juste partir d'ici...

— Bien sûr. On y va.

Le blond attrapa le bras de Christian. Il avait besoin de le sentir contre lui. Jamais il n'aurait pu penser que sa famille reviendrait essayer de briser ce qu'il avait réussi à construire. Il regrettait presque de ne pas s'être fait passer pour mort et d'avoir changé d'identité. Le châtain embrassa son front et glissa sa main libre dans sa nuque pour le coller contre lui. Il massa doucement la base de ses cheveux, jusqu'à entendre un soupir de bien-être.

— Ça va mieux ?

— Oui... merci, Maître.

— C'est normal, Kitty. Allez, on rentre. Cet endroit te met mal à l'aise.

Alexei se mordit la lèvre. Parfois, il était étonné de la facilité avec laquelle Christian le comprenait mais ce n'était pas son dominant pour rien. Le châtain l'entraîna vers la sortie de la maison et il garda fermement sa main dans la sienne. Il sentit son cœur battre un peu plus vite. Tant que son mari était à ses côtés, il était prêt à tout affronter. Ils avaient déjà vu pire de toute manière, ce n'était pas une petite dizaine de personnes âgées qui allait leur faire peur.

Quand la porte se referma derrière eux, Alexei ne put s'empêcher de se retourner vers la maison. D'un regard extérieur, elle semblait parfaitement normale. Mais de son point de vue à lui, trop de choses s'y étaient déroulées. Beaucoup de mauvaises, quelques bonnes qui se comptaient sur les doigts d'une main. Il leva les yeux vers la fenêtre de son ancienne chambre. C'était la première fois de la journée qu'il croisait ces deux grands yeux bleus qui le fixaient curieusement. Mais l'instant ne dura que quelques secondes, puisque son petit frère s'empressa de reculer.

— C'était lui ?

— Oui. C'était Nicolas.

— Ne t'inquiète pas trop pour lui, Kitty. Ils trouveront quelqu'un pour le garder.

— C'est nous.

— Quoi ?

— C'est nous qui allons avoir sa garde. On peut en parler à la maison ?

— Tu... très bien, céda Christian dans un soupir.

Alexei sentit dans ce soupir que son dominant était contrarié. Il lui répondit par un sourire contrit avant de reprendre leur marche vers la voiture. Soudain, un doute l'assaillit. Et si Christian le laissait parce qu'il ne voulait pas d'un enfant avec eux ? Son cœur se serra et il se mordit la lèvre. Il ne devait pas y penser. Ce n'était pas la pire des choses qu'ils avaient eu à affronter. Son couple ne se briserait pas à cause de ça... du moins, il espérait de toutes ses forces. 

KittyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant