Chapitre VIII

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Assis à son bureau, Christian broyait du noir. Les mots de Alexei tournaient en boucle dans sa tête. Comment avait-il pu passer à côté de ça ? Il aurait dû remarquer que son soumis avait plus de mal à quitter le lit le matin, le suppliant de rester contre lui un peu plus longtemps. Il avait trouvé ça mignon, alors que c'était clairement un des nombreux signes du trouble qui l'agitait. Il avait aussi manqué ses traits plus tirés, les cernes sous ses yeux, son air de chaton effrayé au moindre bruit dans cette maudite maison... Plus il énumérait ce qu'il avait manqué, plus il se haïssait. Quel genre de personnes ne voyait pas quand sa moitié souffrait ? Était-il à ce point incapable de comprendre les sentiments des autres ? Était-il seulement fait pour être Alexei ? Un grognement de douleur lui échappa à cette pensée. Il aurait aimé ne jamais l'avoir. Pourtant, il fallait regarder la vérité en face. Il n'avait pas saisi l'ampleur du mal être de son compagnon. Il l'avait même aggravé.

Il s'ébroua et passa les mains sur son visage. Il ne devait pas penser comme ça. Il avait été incapable de remarquer que Alexei était déprimé, d'accord. Il avait fait une erreur. Mais maintenant il savait, alors il devait soutenir son soumis. Déjà, il allait devoir discuter avec Nicolas et le persuader de déménager. Si son frère le demandait à Alexei et à sa famille, peut-être qu'ils accepteraient, son mari serait déjà plus tranquille. Ensuite, s'il était d'accord, il emmènerait Alexei chez un psychologue, il fallait qu'il puisse se confier à quelqu'un. Et il ne pourrait pas lui en vouloir de choisir quelqu'un d'autre que lui pour parler de ce qui le tracassait. Ils allaient s'en sortir, quoi qu'il arrive.

~~~

Sourire. Sourire. Sourire. Sourire. Sourire. Ce mot tournait en boucle dans la tête de Alexei. Il devait sourire. Ne rien laisser paraître. Il avait craqué dans les bras de Christian la nuit dernière mais il s'en voulait. Il n'aurait pas dû, maintenant son mari allait s'inquiéter. Il allait s'en vouloir de ne pas avoir été là pour lui, de ne pas avoir compris. Pourtant, le mannequin ne lui en portait pas rigueur. Il savait faire mine d'aller bien, c'était normal que Christian n'ait rien remarqué. Il soupira longuement. Il ne devait plus craquer. Il devait être fort. Il allait y arriver.

Il arriva devant le portail de l'école primaire avec un grand sourire qui manqua de disparaître quand il vit son mari en grande discussion avec l'institutrice tenant la main de son petit frère. Il ne savait pas trop ce qu'il se passait car d'ici il voyait juste Christian faire de grands gestes avec un air légèrement énervé, mais les murmures des autres adultes autour du portail ne lui indiquait rien de bon. Il s'approcha donc, se frayant comme il le pouvait un chemin entre les gens qui regardaient la scène. Quand il fut assez prêt, il entendit le châtain expliquer d'une voix où il sentait toute la colère qu'il essayait de maîtriser :

— Mais enfin, puisque je vous dit que je suis le mari de son grand-frère et que je suis venu le chercher. J'ai envoyé un message à Alexei pour le prévenir en plus.

— Ce n'est pas ce que Nicolas me dit, Monsieur. Veuillez vous éloigner de cette école.

Il vit Christian serrer les poings et lancer un regard noir vers son frère. Ce dernier faisait tout pour se cacher le plus possible derrière son institutrice. Le mannequin se mordit la lèvre et tenta de s'extraire de la foule pour intervenir et aussi parce qu'il avait l'impression d'étouffer entre les murmures outrées de tous ces gens.

— Christian !

Tous les visages se tournèrent vers lui quand il cria le prénom de son mari et il se sentit rougir de gêne. Il avait pourtant l'habitude d'être au centre de l'attention, mais pas quand il avait entendu la plupart des personnes qui le regardaient juste avant soufflait que Christian n'était qu'un pauvre homo complétement détraqué. Un sentiment de honte qu'il avait longtemps cru disparu refit surface et il se mordit la lèvre. Il n'avait pas envie que ces gens sachent qu'il était gay, aussi étrange que cela puisse paraître. C'est pour ça que quand il se rapprocha il ne prit pas la main de son dominant, qui fronça légèrement les sourcils.

— Désolé pour le désagrément, Madame, j'aurais dû appeler pour prévenir mais j'ai oublié mon portable à la maison donc je n'ai pas vu ce message. Je peux récupérer Nicolas ?

— Oh... euh... Oui, c'est bon... mais ce Monsieur est...

— Christian m'aide à m'occuper de Nicolas. Il arrivera que ce soit lui qui vienne le chercher. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi il vous a dit qu'il ne le connaissait pas. Mais on va tirer tout ça au clair en rentrant.

Il attrapa la main de son frère et le bras de Christian avant de s'éloigner. Une fois assez loin de l'école, il lâcha son mari en soupirant et releva les yeux vers lui, inquiet de ne pas l'avoir entendu parler pendant le trajet. Les yeux émeraude de son dominant n'arrivait pas à masquer toute la peine qu'il éprouvait et il fut surpris de le trouver ainsi.

— Chris' ? Quelque chose ne va pas ?

— Je t'aide simplement à t'occuper de ton frère ? Je sais que la situation est compliquée Alexei mais quand même je...

— Désolé, chéri, je ne voulais pas m'éterniser. On rentre ?

— Mais pour ton frère ? Il m'a fait passer pour un...

— C'était juste une mauvaise blague, Christian. Je suis sûr que ça n'arrivera plus. Hein, Nicolas ?

— Oui... désolé, souffla le bambin en agrippant plus fort la main de son frère et en jetant un regard affolé vers Christian.

— Le problème est réglé. Rentrons.

Christian regarda son mari s'éloigner dans la rue et serra les poings. Non. Le problème n'était absolument pas réglé. Ce petit n'avait pas juste fait une mauvaise blague. Il avait encore plus enfoncé son frère et il avait la confirmation de quelque chose. Il ne l'aimait pas. Ce sale gamin d'à peine sept ans ne l'aimait pas et semblait avoir décidé de lui faire vivre un enfer. Dommage pour lui, il ne savait pas à qui il avait affaire. 

KittyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant