Chapitre II

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Une fois la porte de leur appartement passée, Alexei sentit le poids du regard de son dominant peser sur lui. C'était le type de regard qui voulait dire il faut qu'on parle. Et il détestait le sentir, parce que ça voulait dire qu'il avait fait quelque chose qui l'avait déçu. Là en l'occurrence, il avait pris une décision importante qui influerait sur leur couple sans le consulter. Il grimaça légèrement et prit la route de la cuisine.

— Je nous fais des cafés.

— Tu ne fais que retarder les explications, Alexei.

Ah. Il utilisait son prénom. Mauvais signe. La grimace du blond s'accentua. Il espérait que c'était juste parce qu'il n'en avait pas parlé avec lui avant. Il espérait qu'au fond, il serait d'accord. Il ne voulait pas choisir entre son frère et son mari. C'était ce que sa famille voulait, et il était hors de question de la laisser gagner. Il fallait juste que Christian soit compréhensif...

Quand les cafés furent prêts, il rejoignit son dominant sur le canapé. Il lui donna sa tasse et s'installa près de lui. Il ne lui restait plus qu'à trouver les bons mots, ça ne devrait pas être compliqué. Il devait se calmer. Tout irait bien.

— Ils m'ont demandé d'être le tuteur de Nicolas. Il est tout seul maintenant, et je ne peux pas le laisser avec eux, ils vont finir par lui gâcher la vie à lui aussi. Et ils sont trop vieux, alors il risquerait de finir en foyer et je ne veux pas.

Il se rendit compte une fois qu'il eut fini de parler qu'il avait débité à toute vitesse ce qui lui passait par la tête. Ce qu'il venait de dire n'avait presque aucun sens, si tant est que Christian ait pu tout comprendre. Il s'apprêtait à répéter mais le châtain lui coupa la parole :

— On n'a pas de place pour un enfant ici, tu le sais bien.

— Ils veulent qu'on reste dans la maison de mes parents. C'est pour ne pas trop le perturber, tu comprends ?

— Tu détestes cette maison. Il suffit de t'y voir cinq minutes pour le savoir.

— C'est pour mon frère, Christian.

— Et moi je pense à toi avant tout. Tu te sens prêt à vivre dans cette maison jusqu'à sa majorité ? Tu te sens prêt à t'occuper de lui ? Parce que si tu acceptes, tu t'engages sur au moins une douzaine d'années.

Alexei baissa la tête. Oui, il en avait conscience. Il détestait cette maison. Chaque pièce abritait un souvenir désagréable. C'est sûr que c'était bien loin du petit nid dans lequel il était maintenant. Mais là où il y avait Christian, il ne pouvait qu'aller mieux. C'est pour ça qu'il avait insisté pour qu'il puisse rester à ses côtés, comme ça ils pourraient effacer tous les mauvais souvenirs qu'il avait là-bas. Mais s'il ne le soutenait pas, alors ça ne servait à rien. Il n'y arriverait jamais s'il n'avait pas son dominant à ses côtés.

— J'y arriverai avec toi.

— Alexei... Je ne pense pas que... je sois une personne très recommandable pour élever un enfant.

— Christian, c'est du passé. Je t'en prie. Je ne veux pas avoir à choisir entre mon frère et toi.

— Pourquoi est- il aussi important pour toi ?

Le mannequin remarqua la mâchoire contractée de Christian et ses yeux dans le vague. N'importe qui aurait dit qu'il était en colère et qu'il se retenait. Mais lui, il savait qu'il réfléchissait froidement, calculant les avantages et les inconvénients. Et s'il voulait savoir pourquoi c'était important pour lui, c'était pour ajuster au mieux son résultat. Il avala une nouvelle gorgée de café pour se donner du courage. La réponse honnête était sa seule option de toute manière, alors autant y aller franchement.

— Parce qu'on m'offre une autre chance de le connaître. On m'offre une autre chance d'être dans sa vie. Il n'est pas coupable de ce que mes parents m'ont fait, je n'ai pas à le détester. Je veux faire être un grand-frère pour lui, comme j'ai toujours voulu l'être.

— En imaginant que tes parents ne lui aient pas bourré le crâne d'inepties à ton sujet, tu penses vraiment qu'il sera bien avec nous ?

— Ma grand-mère a décidé que ce serait temporaire pour le moment, s'il veut rester avec nous, on le prendra en charge, autrement... Je suppose que les services sociaux feront leur travail.

— Si c'est temporaire, ça nous permettra si nous aussi on peut s'en charger.

— Alors c'est d'accord ?

Christian soupira. Alexei le fixait, ses grands yeux vairons plein d'espoir et il était incapable de lui résister quand il faisait ça. Pourtant, son cœur se serra. Il avait l'impression atroce que ce n'était pas la bonne décision. Mais il ne pouvait pas faire de mal à son chaton, alors si ça pouvait le rendre heureux...

— C'est d'accord. Mais il y aura des règles à respecter.

— Des règles ?

— On ira au club ensemble au moins deux fois par semaine. Ton frère sera gardé par quelqu'un. Et si à la fin de cette sorte de période d'essai, on voit qu'on n'y arrive pas, on laisse tomber. Tu pourras toujours le voir ou le contacter s'il est ailleurs, et tu feras quand même partie de sa vie.

Le blond hocha vivement la tête. Il ne demandait rien de plus. Et si ça marchait, alors il en serait ravi. Il était tellement heureux qu'il ne remarqua pas le trouble qui habitait les yeux émeraude de son époux.

Christian était en proie au doute. Il ne savait pas s'il était capable d'élever un enfant. Il ne savait pas si Alexei en serait capable aussi. Leurs modèles parentaux n'avaient pas été les plus excellents, et il avait peur. La dernière fois que cette peur l'avait habitée, c'était quand son oncle avait contacté Jean et que son cousin était parti seul l'affronter. Mais cette fois, il avait peur de perdre son mari. Que se passerait-il si Nicolas voulait rester avec Alexei mais pas avec lui ? Est-ce que son soumis le chasserait de sa vie pour pouvoir s'occuper du jeune garçon ? Est-ce qu'accueillir une troisième personne dans leur vie ne fragiliserait pas leur couple ? Il se mordit la lèvre et regarda son amant. Ils avaient combattu bien des choses, mais est-ce que leur mariage résisterait à ça ? Il n'en savait rien. Et il était terrifié. 

KittyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant