La maison semble vide maintenant. Il n'y a pas de bruit excepté Rosa qui joue avec ses petites voitures en métal. Sam est parti peu après le repas, je crois qu'il est retourné sur le bateau avec ses amis. Je lui aurais bien demandé de rester après ce qu'il s'est passé, j'ai l'impression que mon père va surgir de nulle part. Mais je ne l'ai pas fait, je n'ai pas osé, il fait déjà beaucoup pour moi depuis qu'on est ici.
Il fallait que je me détende, alors j'ai attrapé ma liseuse et je me suis installé sur un transat. Je n'aurais pas la chance d'avoir ce cadre de vie à Rouen, alors autant profiter un peu de la terrasse. Mais c'était mal connaître une famille recomposée : Sonia s'approche de moi avec un air pâle.
- Excuse-moi, ça te dérangerait de veiller sur Rosa un moment ? J'ai mal à la tête, j'ai besoin de me reposer.
- Non, pas du tout.
- Mais maman, tu m'avais promis qu'on irait manger une glace !
Rosa a visiblement tendu l'oreille. Elle s'est levée d'un seul geste, abandonnant au passage ses jouets sur le tapis. Je m'empêche de rire en la voyant faire la moue.
- Je t'y emmènerai, si tu veux. On ira entre sœurs comme ça.
Elle s'est alors tourné vers moi, les yeux emplis d'une nouvelle excitation.
- Merci, Lola.
Sonia traîne alors les pieds jusqu'à sa chambre et ferme la porte derrière elle. Je m'étire une seconde avant de me tourner vers Rosa. Elle n'a pas bougé et me regarde, comme si elle voulait que je parle en première. Soudain mal à l'aise, je ne sais pas bien quoi dire.
- Heu, est-ce que tu veux qu'on sorte maintenant ?
- Ouais !!
Comme si c'était le top départ d'une course, elle court jusqu'à disparaître dans sa chambre et ressort moins d'une minute après, un sac en forme de grenouille sur le dos. Elle se plante devant moi, queue de cheval de travers et du chocolat sur la joue. Je ris toute seule.
- Attends, viens là.
Elle fait un peu la tête, mais elle ne dit rien quand je lui brosse ses cheveux blonds.
****
Rosa marche fièrement avec son cornet de glace qu'elle tient des deux mains. Elle mange ça comme une experte : rien ne coule sur ses petits doigts. Elle s'était acheté un bracelet avec ses propres sous – même si j'ai donné un euro au vendeur sans qu'elle le voit – et elle le touche toutes les trois secondes.
- Lola, est-ce que je peux aller aux jeux sur la plage ?
Je regarde l'endroit qu'elle me montre du doigt. Sur la plage sont installé des jeux d'extérieurs pour enfants : une grande toile d'araignée, plusieurs toboggans et d'autres jeux que je n'ai jamais vus. Mon regard revient sur elle.
- D'accord, mais tu finis ta glace en premier. Viens, on va s'asseoir sur ce banc.
Je déniche un banc à quelques mètres des jeux, comme ça je pourrais continuer à la surveiller de là. Elle se dépêche donc de finir sa glace, me donne son sac et part en vitesse jouer avec les autres enfants.
Je n'ai pas vraiment l'habitude des enfants mais je trouve que je m'en sors plutôt bien. De temps à autre, elle s'arrête pour me saluer de loin. Et dire que nous avons le même sang. Ça aussi, j'ai dû mal à m'y faire. Pour moi j'ai toujours été fille unique. Mais maintenant que je la connais un peu plus, je n'ai plus vraiment envie de l'être.
- Lola ! Comment tu vas ?
Je me retourne en entendant mon prénom. Marie, Louis et Nell sont là, des sacs plein les bras. Je me lève pour les prendre dans mes bras.
- Ça fait plaisir de vous voir, dis-je.
- Pareil, ça doit faire une semaine qu'on t'a pas vu. Où tu étais passée ?
Je regarde soudainement mes pieds. J'avais eu tellement à penser entre Sam et mon père que j'en ai oublié mes amis. Je suis vraiment de piètre compagnie.
- Oh, je suis désolée. J'ai eu quelques soucis familiaux, mais ça devrait aller mieux maintenant.
- Dans ce cas t'es chaude pour venir faire la fête avec nous demain ? Me demande Louis.
Je réfléchis tout en jetant un regard à Rosa, toujours en train de jouer. Je ne crois pas avoir quelque chose de prévu demain soir. Maintenant, si.
- Oui, pourquoi pas ! J'en ai besoin en ce moment.
- Génial ! Marie m'enlace une deuxième fois, comme toujours, rendez-vous chez moi quand le soleil sera couché.
Je rigole avant d'acquiescer. Il me parle encore un peu et j'apprends qu'ils n'ont pas faire grand-chose d'autre que des soirées depuis le début du mois. Il faudra que je demande à Sam si on peut les prendre sur le bateau, je suis sûre qu'ils adoreraient.
Après avoir échangé quelques paroles, ils repartent en me rappelant plusieurs fois la fête de demain. Le timing est parfait car Rosa arrive à ce moment-là, un air triste sur le visage. Je me baisse à son niveau pour pouvoir lui parler.
- Qu'est-ce qui t'arrive, Rosa ?
- Un garçon à cassé mon château de sable
- Quoi ? Où est-ce qu'il est ?
Je me suis redressé et cherche des yeux l'enfant qui aurait pu rendre triste Rosa, mais elle m'arrête.
- Non, s'il te plaît. Ne fais pas comme papa.
Je peux voir de la peur sur son visage. Je me fige. J'ai soudain honte de moi, mais je l'interroge du regard.
- Un jour, papa il a crié sur un garçon qui m'avait pincé et sa maman à plus voulu qu'il joue avec moi après.
- Oh.
Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Est-ce qu'elle me voit comme notre père ? Agressif et impulsif ? Et merde, ce n'est pas du tout ce que je voulais. Je prends un air aussi gentil que possible avant de lui demander :
- Tu veux qu'on rentre à la maison ?
- Oui.
- D'accord, alors on y va.
Elle a soudain l'air fatigué. Une colère commence à monter en moi : j'espère que ça ne lui arrive pas souvent de piquer une colère devant sa fille. Rosa prend ma main et nous retournons tranquillement à la maison.
****
J'ouvre la porte et manque de frapper Samuel avec. Il est en train d'enlever ses chaussures dans l'entrée. Rosa lui saute dessus et ils manquent de tomber par terre. Elle lui montre son nouveau bracelet et il la regarde avec beaucoup d'admiration. Il lui chuchote quelque chose à l'oreille et elle s'en va en courant. Je plisse les yeux quand il se retourne vers moi. Il lève les mains devant lui.
- Secret de frère et sœur !
Je ne peux m'empêcher de rire. Son regard s'attarde sur mon ventre découvert avant de revenir sur mon visage. Il semble gêné. J'ai soudain envie de lui parler sans vraiment savoir quoi lui dire. Alors je lui parle de la première chose qui me vient en tête.
- Je vais à une fête demain, tu veux venir ?
Il prend son temps pour me répondre. On dirait que je l'ai gêné encore plus. Je ne suis bonne à rien, aujourd'hui, on dirait que je parle une langue étrangère. Mais il finit quand même par répondre.
- Désolé, j'ai quelque chose de prévu demain.
- Ce n'est pas grave, je le rassure, ne t'inquiète pas.
Je lui presse le bras pour lui faire comprendre que je ne suis pas fâchée. Puis je me détourne de lui pour aller vers le salon, mais avant d'avoir fait un pas, je sens sa main posé sur la mienne.
Une boule de chaleur me parcourt le corps, mais j'avance sans le regarder. Parce que c'est trop dur d'affronter son regard. Et parce que j'aurais aimé danser avec lui, à cette soirée.
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Through Your Soul
RomanceLola est obligée de suivre son père - qu'elle n'aime pas - et sa femme dans leur nouvelle villa pour les vacances d'été. Elle ne pensait pas que Samuel, le fils de sa belle-mère, fasse parti de l'aventure. Entre désespoir et vacances, Lola pensait s...