13.

4 0 0
                                    

Quand j'arrive, Rosa mange déjà avec beaucoup d'appétit. Au menu : haricot-vert et poisson panés, comme dit Sonia, c'est simple mais ça plaît ! Seul mon père fait des aller-retours un peu agité sur la terrasse, son téléphone à l'oreille. Il s'oblige à rentrer quand Sonia tape du doigt sur la baie vitré.

- Excuse-moi, commence doucement mon père à Sonia, ils ne savent rien faire sans moi j'ai l'impression.

- Tu es en vacances, mon chéri, ils peuvent attendre. Viens à table.

- Tu as raison.

Sonia sert son mari avant de remplir mon assiette. On mange dans un silence quasiment complet, à part quelques questions de Rosa qui viennent rythmer le repas. Heureusement, pour le dessert, Sonia semble un peu plus enjouée.

- J'ai tenté de faire un Fiadone aujourd'hui ! Ça faisait longtemps que je n'en avais pas fait un.

- Qu'est-ce que c'est ? Je demande.

- Oh, c'est un gâteau Corse fait avec du brocciu et du citron.

- Tu en faisais souvent, avant, fait remarquer Sam.

- C'est vrai, j'espère que je n'ai pas perdu la main.

Sam coupe une part pour tout le monde et Sonia s'occupe de les distribuer. Rosa à l'air au ange, je me demande combien de talent caché à Sonia. Quand vient mon tour, je tends le bras pour attraper mon assiette. Elle remarque tout de suite l'encre foncée sur ma peau pâle.

- C'est un joli dessin que tu as, Lola.

- Merci beaucoup.

Mon merci valait autant pour la part de gâteau que pour le compliment. Elle s'attarde encore un peu sur mon tatouage avant de se rasseoir et d'apprécier son dessert. Je la vois s'immobiliser quand mon père prend la parole :

- Quand l'as-tu fait ?

Je le regarde en face. Ses traits sont détendus et ses yeux alternent entre mon bras et mon visage. Il n'a pas l'air fâché. Je ne sais pas si ça devrait m'inquiéter ou non.

- Je l'ai fait hier.

Il hoche la tête et continue de manger sans pour autant me lâcher du regard. Sonia semble rassurer et continue de manger. Je n'arrive pas à croire qu'elle – et rosa – vit dans la peur des colères de mon père. Le repas touche à sa faim, Rosa installe déjà ses jouets dans le salon et Sam s'installe près d'elle après avoir aidé sa mère à débarrasser. Quant à moi, j'ai passé un maillot de bain et je me suis installé sur la terrasse avec ma liseuse.

J'y suis depuis moins d'une heure quand j'entends des pas se rapprocher, derrière moi. Je crois d'abord que c'est Sam qui me rejoint mais je remarque que ses pas son moins lourd d'habitude. Derrière mes lunettes de soleil, je lève les yeux pour voir mon père s'avancer jusqu'au transat à côté de moi et s'asseoir. Je suis sur mes gardes, je n'aime pas être toute seule avec lui. Pendant plusieurs minutes, il me regarde en silence, ce qui suffit à me stresser un peu plus. Je remarque que mon cœur bat plus vite.

- Tu sais, j'ai un ami qui est mort à cause d'un tatouage, dit enfin mon père. Il a attrapé le sida.

- Les temps ont changé depuis l'apparition du Sida.

Je reste concentrée sur ma lecture. Il me fait peur et il le sait, il en joue j'en suis sûre.

- Tu ne devrais pas massacrer ton corps comme ça.

Ignore-le, Lola. Il se lassera à moment. Je sens que mes mains tremblent quand j'appuie sur un des boutons de ma liseuse. Pitié, faites qu'il parte vite, je n'aime vraiment pas qu'il soit si près de moi.

- Lola, je fais beaucoup d'effort avec toi. Réponds-moi s'il te plaît.

- C'est vrai que critiquer mes choix de vie c'est faire beaucoup d'effort.

Il joue avec ses mains, comme un enfant stressé. Je sais qu'il déteste quand je lui parle sans le regarder mais je ne peux pas le supporter. Quand je le regarde, je ne vois que son regard pervers de cette soirée-là.

- Je n'ai rien fait, Lola. Regardes-moi.

C'est la première fois qu'il en parle depuis que maman et lui son séparés. C'est principalement parce que je n'ai jamais voulu en parler mais je ne pensais pas qu'il prendrait l'initiative. Mon cœur bat encore plus vite, je peux voir ma poitrine monter et descendre. Lui aussi s'agite, sa jambe est prise de tics.

- Regarde-moi, dit-il sur un ton doux, trop doux.

En même temps qu'il prononce ces mots, il pose sa main sur mon genou et s'en ai trop pour moi. Je réagis sans vraiment m'en rendre compte. Je crie et lâche ma liseuse pour essayer d'enlever ses doigts sur ma peau mais je tombe du transat et me retrouve les fesses à terre. Je vois mon père s'avancer vers moi, les bras écartés et je rampe aussi vite que je peux pour le fuir.

- Ne t'approche pas ! Je crie, laisse moi !

- Hé ! Fous-lui la paix.

On se tourne tous les deux vers Sam qui s'est levé du canapé pour se mettre entre moi et mon père. Je renifle et je m'aperçois que j'ai les joues trempées de larme, je ne m'étais même pas rendu compte que je pleurais. Je pris pour que Rosa n'ait rien vu mais je ne la vois nulle part.

- Je veux juste parler à ma fille, Samuel.

- Visiblement, elle n'a pas envie.

- Mais pour qui tu prends.

Je crois que le pire va arriver quand mon père fonce sur Sam, le visage crispé et les poings serrés. Mais il repère Sonia du coin de l'œil et change tout de suite d'expression. Elle n'a pas l'air ravi du spectacle auquel elle vient d'assister et se contente de hocher là tête, les bras croisés, avant de s'engouffrer dans sa chambre. Mon père se dépêche de la rattraper.

- Lola, respire, il est parti.

Sam se baisse avec hâte et me prend le visage entre ses mains. Je sens ses pouces faire des aller-retours sous mes yeux, pourtant les larmes ne cessent de couler. Il m'aide à me relever et s'aperçoit que je tremble comme une feuille.

- Lola, est-ce que tu as mal quelque part ?

- Je ne...je ne veux pas rester là. Je ne veux pas rester avec lui.

Il me regarde, perplexe, avant d'entourer ma taille de son bras. Il m'emmène dans ma chambre où il me fait asseoir sur mon lit. Il met plusieurs de mes habits dans un sac, passe par la salle de bain et revient près de moi. Il me demande d'attendre et revient quelques minutes plus tard avec un autre sac. Ma respiration s'est calmée mais les larmes coulent toujours. On entend des éclats de voix en bas.

- On va partir, toi et moi, d'accord ? On va prendre le bateau pour quelques jours.

Je hoche pour dire oui. Je veux être loin de mon père, mais laisser Sonia et Rosa avec lui ne me plaît pas. En sortant de ma chambre, nous entendons une porte claquer et le moteur d'une voiture démarrer.

- On va appeler un Uber.

Je crois entendre des pleurs venant de la chambre des parents mais je ne dis rien. À la place je laisse Sam s'activer. Je me demande ce qu'a pensé Sonia en voyant son fils prendre ma défense. Mais je n'ai pas le temps d'y penser, il laisse un mot à sa mère et nous embarquons dans le taxi quand le chauffeur arrive. 

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

FIN DE LA PARTIE 2! 

J'espère qu'elle vous a plut,

la 3ème risque d'être mouvementée !

Through Your SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant