Chapitre 19

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Chapitre 19 :

Réveillée  par  l'odeur  du  bacon,  je découvre  que non  seulement  mes  bras  sont détachés mais en plus je suis blottie sous les draps. Je m'étire en souriant, comblée.
 
Je me laisse glisser hors du lit, déniche une chemise dans le placard et suis l'odeur jusqu'à l'immense  cuisine noire et acier.  Un  gril électrique  grésille sur  le plan  de travail central en granit, pendant qu'Harry prépare une omelette. J'aperçois sur une planche à découper, de l'avocat et du fromage coupés en dés, et un autre ingrédient que je ne reconnais pas.
 
Deux  flûtes  de  champagne  à  moitié  pleines  trônent  près  d'une  carafe  de  jus d'orange.
 
On fête quelque chose ? Je m'enquiers en arrivant derrière lui et en jetant un coup d'½il à la poêle.
 
- Oui. Après la journée que nous avons eue hier, je me suis dit que nous devions fêter ce qui était important.
 
- La journée ? Je répète en m'étirant avec un sourire, le corps encore délicieusement endolori. Et pas la nuit ?
 
- C'était en soi une célébration.
 
Son regard s'attarde sur moi. Je porte l'une de ses chemises, qui m'arrive à mi- cuisses. J'ai roulé les manches et les boutons ouverts révèlent un profond décolleté. Je lis le désir dans ses yeux, et son sourire sexy me fait littéralement fondre. Il suit du doigt l'encolure de la chemise.
 
- J'aime te voir porter mes vêtements.
 
- Moi j'aime les porter.
 
- J'aime aussi quand tu les enlèves.
 
Je ris et recule en dansant hors de sa portée.
 
- Ne t'en avise pas, dis-je. Je meurs de faim. Il éclate de rire. Alors, que fêtons- nous exactement ?
 
Il frôle mes lèvres d'un baiser.
 
- Nous.
 
Ce simple mot me fait frissonner de plaisir.
 
- Je lève mon verre en cet honneur, dis-je.



- Parfait. Tu peux te servir du jus d'orange. Ensuite, va t'asseoir, dit-il en indiquant l'un des tabourets au comptoir, d'où je peux l'admirer en pleine préparation.
 
- J'ignorais que tu savais faire la cuisine.
 
- Je suis un homme plein de mystère, dit-il.
 
- Je suis nulle en cuisine. Ça ne sert pas à grand-chose d'apprendre, quand on a une mère convaincue qu'on a seulement besoin de manger de la salade et des carottes.
 
- Après la mort de ma mère, mon père nous emmenait au restaurant à chaque repas, dit Harry. Comme je ne supportais pas d'être auprès de lui pendant un temps aussi long, je lui ai dit que s'il voulait que je sois meilleur au tennis, il fallait que je mange mieux. Je cuisinais, puis j'emportais mon assiette dans ma chambre et lui la sienne devant la télévision. C'était parfait.
 
- Et tu as appris quelque chose de précieux.
 
Je souris, mais j'ai le c½ur déchiré. Mon enfance est loin d'avoir été sublime, mais au moins j'ai eu Ashley. Harry n'avait personne, excepté un père ignoble et un entraîneur pervers.
 
- Tu avais des copains ? Je demande. Au tennis, je veux dire. Tu t'es fait des amis parmi les autres joueurs ?
 
- En dehors d'Alaine et de Sofia ? Pas vraiment.
 
Il ajoute le fromage, l'avocat et l'ingrédient mystérieux dans l'omelette, et la replie d'une main experte sur une assiette.
 
- Parle-moi de Sofia.
 
- Nous avions beaucoup en commun, dit-il avec un triste sourire. Nous avions tous les deux des salauds comme pères.
 
- C'était une simple copine ou une petite copine ?
 
- Simple copine, puis petite copine, puis de nouveau simple copine.
 
Je hoche la tête en absorbant avidement les fragments du passé d'Harry.
 
- Était-elle la première ? Il se rembrunit.
 
- Oui, mais cela n'a été ni une joie ni un bonheur pour nous. Nous étions jeunes et de toute évidence pas prêts.
 
- Pardon... Je ne voulais pas raviver un souvenir douloureux.
 
-Ce n'est rien, dit-il avec un bref sourire qui atténue la sécheresse de sa réponse.Vraiment. Il boit une gorgée de champagne, ajoute le bacon dans l'assiette et me sert.Alors ?
 
Je prends la fourchette qu'il me tend, goûte un petit morceau et laisse échapper un gémissement ravi.
 
- C'est génial. Qu'est-ce qu'il y a dedans ?
 
- Du homard.
 
- Parce que tu as du homard dans ton frigo ?
 
- Évidemment, répond-il en gardant tout son sérieux. Pas toi ?
 
- Sûrement pas. Apparemment, les  voitures, hôtels, jets privés et fabriques de chocolat ne sont pas les seuls avantages des riches.
 
Il éclate de rire et j'attaque mon petit déjeuner pendant qu'il surveille son plat. Je suis surprise que mon téléphone sonne et remarque qu'Harry  l'a branché à un chargeur et laissé sur le comptoir. Je préférerais laisser l'appel passer sur boîte vocale, mais comme c'est Jamie, je réponds.
 
- Putain de bordel ! dit-elle sans s'embarrasser d'un 'bonjour'. Douglas vient de passer me dire que tu es partout sur le Net. Comme si je ne savais pas déjà. Douglas ! répète-t-elle comme si c'était le pire affront qui soit.
 
Si notre voisin collectionneur de coups d'un soir l'agace à ce point, elle n'aurait pas dû coucher avec lui. Mais je m'abstiens de l'embarrasser avec ça. Nous en avons assez parlé.
 
- Alors, c'est vraiment partout ? Je n'ai pas voulu regarder.
 
- Désolée, compatit-elle. Ta mère m'a même appelée.
 
- Toi ?
 
- J'ai de la veine, hein ? Elle m'a dit qu'elle était trop contrariée pour te parler pour l'instant, mais qu'elle... oh, et puis merde, Nikki ! Qu'est-ce que tu en as à foutre, de ce qu'elle pense ?
 
- Je sais ce qu'elle pense. Que je suis une immense déception. Que j'ai sali le nom de la famille. Qu'elle ne m'a pas élevée pour que je devienne une salope.
 
Au silence de Jamie, je devine que j'ai vu juste. Harry me dévisage, mais ne s'approche pas de moi. Comme s'il avait peur que je m'effondre.
 
Il n'en est rien. Le simple fait de penser à ma mère me met en rage et me donne de la force.
 
Enfin, plus de force, en tout cas.
 
- Bref, c'est partout, alors ?
 
- Ouais. Ils n'ont pas perdu de temps. Les tabloïds, les réseaux sociaux, même les infos sérieuses. Tu reçois un million de dollars d'un mec comme Harry pour poser nue, et même CNN va en parler. C'est vrai quoi, pense à l'audience.
 
- Jamie !
 
- Pardon, pardon ! Bon, alors ça va ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- Ça va. J'ai les joues en feu pendant que je regarde Harry en songeant à la manière dont il a réussi à me remettre d'aplomb. Pour le moment, en tout cas.
 
Je n'ai pas allumé la télévision. Je n'ai même pas consulté mes mails. Je surprends le regard de Harry, sachant pertinemment qu'il se pose la même question que moi : que va-t-il se passer quand je vais revenir dans le monde réel ?
 
- Tu ne sors pas aujourd'hui ? demande-t-elle.
 
- Je dois aller travailler.
 
- Prends ta journée, intervient Harry. Bruce comprendra.
 
- J'ai entendu, dit Jamie. Écoute Harry. Il est intelligent. Et il faut que tu appelles
Bruce avant d'aller au bureau, de toute façon. Il a téléphoné ici, il voulait te parler.
 
- Je vais l'appeler, mais j'irai au bureau quand même.
 
Apparemment, non. Quand j'appelle Bruce, il me dit qu'il serait préférable pour l'entreprise que je prenne un congé.
 
- Je suis désolé, dit-il, mais ce ne sont plus seulement quelques photographes qui veulent  mitrailler la petite amie d'Harry Styles. C'est une meute appâtée par l'affaire. Et je ne peux  pas me permettre d'avoir la presse qui rôde autour de l'immeuble pour essayer de vous attraper. Pas en ce moment.
 
- En ce moment ? Qu'est-ce qu'il y a de si particulier en ce moment ? Il pousse un long soupir.
 
- Giselle et moi allons divorcer. Je ne voulais pas en parler, mais il faut que je sois impeccable, et mon avocat estime que...
 
- J'ai compris, dis-je. Je suis virée.
 
- En congé, dit-il. S'il vous plaît.
 
- La journée s'annonce merdique, Bruce. On pourrait au moins avoir la franchise de se dire les choses comme elles sont.
 
- Je suis vraiment navré, Nikki, dit-il après un silence. C'est un magnifique tableau, et c'est injuste que vous soyez traitée ainsi. Et j'aurais bien besoin d'une personne ayant votre talent chez Innovative. Mais vous allez retomber sur vos pieds.
 
- Oui, je sais, dis-je en regardant Harry.
 
- Je crois que je vais prendre ma journée aussi, dit celui-ci quand je raccroche.
 
- Tu n'es pas obligé de me dorloter. D'un signe de tête, j'indique la porte qui conduit à son bureau au fond de l'appartement. Vas-y. Va gagner de l'argent.
 
- J'ai la chance d'avoir  fait assez d'excellents  investissements et de ne pas être obligé de faire quoi que ce soit pour gagner de l'argent. Il incline la tête sur le côté comme s'il tendait l'oreille. Tiens, tu entends ?
 
- Quoi ?
 
- Le tintement des pièces : je viens d'en récolter un millier de plus. Je lève les yeux au ciel.
 
- Je suis sérieuse. Si tu  prends ta journée, je vais avoir l'impression d'être un fardeau.
 
- Peut-être la Suisse. Ou la Grèce.
 
- Harry !
 
- Hawaï, c'est bien aussi, et en plus j'y ai une maison. On parlait d'aller manger des sushis, l'autre soir. On pourrait aller au Japon ?
 
- Je crois que si j'ai envie de sushis, nous pouvons nous contenter d'aller à ce petit restaurant de Sunset qu'on aime bien, dis-je en souriant.
 
-  C'est vrai.  Mais je suis sérieux, pour les vacances. Les journalistes sont des requins. Quand  la proie a quitté les parages, ils s'en vont. Il y aura un nouveau scandale lundi, et tu pourras rentrer dans un Los Angeles beaucoup plus calme.
 
C'est tentant, je ne peux le nier. Mais non. Je ne suis pas du genre à fuir.
 
- Je suis partie du Texas pour échapper à ma mère, dis-je. Je suis venue à Los Angeles parce que je voulais y commencer une nouvelle vie. C'est moi qui ai choisi cette ville. J'y suis, j'y reste. Comme tu l'as dit, ça va se calmer. Je vais faire profil bas. Il me regarde avec une drôle d'expression. Qu'est-ce qu'il y a ?
 
- On te jette dans la fosse aux lions, et tu les affrontes. Si jamais tu me redis un jour que tu n'es pas forte, je te couche en travers de mes cuisses pour te donner la fessée.
 
- Des promesses, toujours des promesses, je chantonne en descendant de mon tabouret. Si tu es décidé à prendre un congé aussi, j'ai pensé à quelque chose que nous pourrions faire aujourd'hui.
 
- Je vois d'ici toutes sortes d'activités que nous pourrions entreprendre, dit-il avec un regard gourmand.
 
- Pas ça. Même si je pense que ce que j'ai en tête te fera bander aussi.
 
- Quelle allumeuse ! Alors, dis-moi, comment allons-nous passer cette journée ?
 
- Eh bien, j'espérais que nous pourrions parler finances.
 
- Tout dépend de tes objectifs, dit Harry en tapotant du bout de son crayon la feuille couverte de chiffres.
 
Je suis bien décidée à en apprendre autant que possible. Pour le moment, je n'ai pas de salaire, mais Jamie a raison. Je possède un million de dollars. Et si on doit me regarder comme une bête curieuse et faire circuler toutes sortes de ragots sur mon compte à cause de cette somme, autant bien l'utiliser.
 
- Le million est pour mon entreprise, dis-je. Tu le sais déjà, mais je veux que nous soyons bien clairs. Je ne veux pas qu'il soit englouti.
 
- Le principal, dit-il.
 
- Oui. Le principal doit rester disponible quand j'en aurai besoin. Mais si je n'ai plus de travail, je dois pouvoir vivre sur les intérêts et les dividendes. J'ai un peu d'argent qui tombe chaque mois grâce à mes applications pour Smartphone, et je vais en sortir deux autres. Je ne les ai pas lancées parce que je n'avais pas de temps, mais je crois que ce n'est plus une excuse, maintenant.
 
- Tout ira bien, me rassure-t-il en me prenant la main.
 
- Tout va bien, dis-je d'un ton ferme.
 
J'ai décidé de procéder étape par étape. Je ne sais pas encore à laquelle je dépasserai l'humiliation d'avoir servi de pâture à la presse, mais le reste, au moins, je peux m'en occuper.  Et si je dois être conspuée pour l'avoir gagné, je tiens à le protéger,  c'million.
 
- Bon, alors, tu peux m'aider à organiser tout ça ? Je veux savoir quel pourcentage de l'argent je dois placer en actions et en titres, et tout ça.
 
- Je t'apprendrai tout ce qui est nécessaire.
 
Je hoche la tête en hésitant, et Harry me dévisage avec inquiétude.
 
Les courtiers se paient sur les transactions, n'est-ce pas ?
 
Je suis peut-être brillante en maths, mais je n'ai jamais réussi à piger les stratégies d'investissement. Je n'ai jamais essayé, à vrai dire. J'ai toujours eu peur de commettre les mêmes erreurs que ma mère, et l'idée de lui ressembler me rend malade.
 
- Très bien, dit-il. Nous pouvons recruter un gestionnaire de patrimoine. Il prendra un pourcentage, mais s'il connaît son métier, l'argent gagné permettra de le payer.
 
- C'est là que ma mère a merdé...
 
Je n'avais pas l'intention de le dire à voix haute, mais je vois au regard de Harry qu'il me comprend.
 
- Elle a pris de mauvaises décisions, dit-il. Tu ne feras pas comme elle.
 
- Je n'en suis pas si sûre. J'ai pris quantité de mauvaises décisions par le passé.
 
Mon   geste  n'est  pas  intentionnel,   mais  je  me  rends  compte  que  je  gratte distraitement la cicatrice à l'intérieur de ma cuisse avec mon pouce.
 
- Le simple fait que tu sois si prudente et que tu te poses autant de questions me prouve que tu t'en tireras très bien. Et que ton argent ne risquera rien. Je travaille avec plusieurs courtiers et gestionnaires. Si tu veux, je peux demander à Sylvia d'arranger des rendez-vous, les faire venir aujourd'hui au bureau si nécessaire.
 
- Ce serait génial, dis-je. Non, en fait. Laisse tomber...
 
- Comme tu voudras.
 
Je vois qu'il est tout de même blessé.
 
- C'est le problème, dis-je. Je sais déjà ce que je veux. (Je soupire.) Tu veux bien le gérer pour moi ? Je ne vois personne en qui j'aie plus confiance.
 
Son expression peinée disparaît pour laisser la place à de la tendresse. Il secoue lentement la tête en souriant.
 
- Non, dit-il à ma grande surprise. Ce n'est pas mon métier. En revanche, je surveille mes propres gestionnaires si méticuleusement qu'ils doivent me considérer comme l'un de leurs plus agaçants clients. Heureusement, le pourcentage qu'ils empochent est suffisant  pour les calmer. Je ne gérerai pas ton argent, mais je le surveillerai. Je te présenterai à mon gestionnaire, nous organiserons tout, nous expliquerons tes objectifs, et ensuite je surveillerai tes biens. Ça te va ?
 
- Tu m'expliqueras les décisions d'investissement ?
 
- Je t'expliquerai tout ce que tu veux. Nous le ferons ensemble, d'accord ? Et qui sait, peut-être que sous peu tu me demanderas de t'aider pour ta start-up.
 
- Ne me mets pas la pression.
 
Je lui ai expliqué que je voulais y aller doucement, même si je pense qu'il est du même avis que Jamie sur le sujet. Harry se lancerait tout de suite et réussirait. Je veux avancer à petits pas prudents et réussir. Il m'arrête d'un geste.
 
- Je ne te mets pas la pression. Pourquoi te forcerais-je à te lancer, alors que je préférerais nettement t'installer à la tête d'une filiale de Styles Applied Technology ?
 
J'éclate de rire.
 
- Quand je me serai lancée et que je ramasserai les dollars à la pelle, tu pourras me racheter pour une somme indécente. Mais je commence toute seule.
 
 - Je ne vais pas te le reprocher. Je veux juste te voir te lancer vraiment. J'attends, tu sais. J'ai l'intention de prendre certains de tes logiciels pour mes bureaux. Le logiciel de calepin multiplate-forme dont tu m'as parlé me serait très utile.
 
- Voilà une raison de plus pour ne pas me précipiter tant que je ne suis pas prête,dis-je d'un ton ferme. Je ne veux pas que tu sois déçu.
 
- Jamais tu ne me décevras, répond-il en m'attirant contre lui pour m'embrasser. Et puis, merci aussi, Nikki.
 
- De quoi ?
 
- De me faire confiance pour te conseiller financièrement.
 
J'acquiesce. Ai-je pris cette décision parce que l'homme en qui j'ai confiance se trouve être un virtuose de la finance ? Ou bien est-ce, comme hier soir, une autre manifestation de ma tendance à laisser les rênes à Harry au lieu d'affronter les situations moi-même ?
 
Il m'a dit plus d'une fois qu'il y avait de la force en moi. Et même si ces paroles sont réconfortantes, je ne sais si je dois le croire. Je ne me suis pas sentie forte, hier soir. Et dès que je pense à la presse qui fait ses choux gras de ma vie privée, je suis prise de nausée. Mais Harry me regarde avec une telle tendresse que je ne lui dis rien à ce sujet.
 
- Je t'ai confié mon c½ur, dis-je, c'est absolument vrai. Pourquoi ne te confierais-je pas mon argent ?
 
J'ai adopté un ton léger, mais son expression est sérieuse.
 
- Tu sais que je te fais confiance, moi aussi ?
 
- Bien sûr, dis-je.
 
- Ce n'est pas parce que ça me prend du temps que je te fais moins confiance.
 
- Je sais bien.
 
Je comprends, et je dois avouer qu'il m'a déjà confié beaucoup de choses. Mais dans mon c½ur, je veux qu'il me dise tout ce qu'il garde encore pour lui. Est-ce pour pouvoir le soutenir autant que lui me soutient ? Ou bien  est-ce simplement de l'égoïsme, le besoin qu'il me confirme ses sentiments pour moi, même si le moindre de ses gestes et regards me le prouve déjà ?
 
Durant le reste de l'après-midi,  nous ne faisons pas grand-chose d'autre que de paresser au lit.
 
Harry lit divers rapports que Sylvia lui envoie par e-mail sur son iPad. Je feuillette des magazines en cornant les pages où figurent des vêtements qui me plaisent ou qui iraient bien à Jamie. De temps en temps, je trouve un meuble intéressant et je montre la photo à Harry, qui me demande de marquer la page et me promet que nous irons sous peu au Pacific Design Center pour essayer de trouver ce mobilier pour la maison de Malibu.
 
- Je croyais que tu voulais t'occuper seul de la décoration de ta maison ?
 
- Non. J'ai dit que tout ce qu'il y avait dans la maison représentait quelque chose de particulier pour moi. Et si nous choisissons quelque chose ensemble, ce sera bien plus précieux encore.
 
Ses paroles ont la douceur d'une caresse et je me blottis contre lui. Il passe un bras autour de mon épaule tout en continuant de consulter son iPad.
 
- Je croyais que tu prenais ta journée ? Dis-je.
 
- Tu as une meilleure suggestion ? rétorque-t-il d'un ton délicieusement coquin.
 
- Pour le coup, oui.
 
Je n'imaginais pas que Harry prendrait plaisir à préparer du pop-corn et à nous resservir des mimosas, pendant que, installés dans le lit, nous regardons de vieux films de la série L'Introuvable. Mais il s'y plie de bonne grâce. Et je suis surprise d'apprendre qu'il les connaît aussi bien que moi.
 
- William Powell est brillant, dit-il, mais je crois que j'en pince pour Myrna Loy.
 
- Moi j'en pince pour sa garde-robe, dis-je. J'aurais pu vivre à cette époque. Fourreaux ajustés et robes du soir froufroutantes.
 
- Peut-être devrais-je t'emmener faire du shopping...
 
- J'adorerais, mais tu as déjà rempli un placard entier pour moi à Malibu, alors que la maison est encore vide. Si nous faisons des courses, autant que ce soit du mobilier, dis-je en lui tendant l'exemplaire d'Elle Décoration que j'ai feuilleté plus tôt.
 
- D'accord.
 
Mais nous ne décidons pas quand nous irons. C'est ridicule de nous terrer dans l'appartement de Harry : si je voulais que nous nous cachions, j'aurais accepté sa proposition de partir en voyage à l'étranger. Je ne suis jamais allée en Suisse, après tout. Cependant, ce ne sont pas les horreurs du monde extérieur qui me forcent à rester à paresser en sa compagnie, mais le plaisir d'être à son côté.
 
Nous  venons  de  terminer  le  premier  film  et  lançons  le  deuxième  volet, Nick, Gentleman détective, quand mon portable sonne. Ne reconnaissant pas le numéro, j'hésite à répondre ; mais si j'ignore les appels, ce sera la preuve que je me terre dans l'appartement – ce que je refuse.
 
- Allô ? Dis-je d'une voix hésitante.

- Nikki ? C'est Lisa. Nous nous sommes rencontrées à la cafétéria.

Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant