Chapitre 21

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Chapitre 21 :

C'est le milieu de l'été, mais, à cause de l'absence de Harry, cela pourrait aussi bien être un samedi glacial et pluvieux de décembre. Je sais qu'il sera rentré dimanche après-midi, et que c'est un voyage très court, mais cela me semble une éternité.
 
Je  ne  tiens  pas  en  place  et  me  sens  seule.  Harry  m'a  envoyé  un  texto  à l'atterrissage. Il m'a demandé comment j'allais, et j'ai souri en massant doucement la marque qui entoure désormais mon poignet comme un bracelet bleuté. « Je pense à toi, ai-je répondu. Tu me manques. » C'est vrai, mais ce que je ne lui ai pas dit, c'est que je m'ennuie  à mourir.  Connaissant  Harry,  il aurait été capable d'engager  le Cirque du Soleil pour donner une représentation privée dans le salon.
 
Jamie répond par des cyberbisous à mon texto de SOS, mais elle fait du roller à Venice avec Raine.  J'espère qu'elle réussira à tomber  moins souvent que moi.  Je songe à appeler Lisa, mais je ne la connais pas encore assez bien pour l'inviter à me faire oublier ma solitude du samedi soir.
 
Il ne me reste plus que le travail ou la photo, et comme mon appareil est resté à Malibu j'opte pour le travail. C'est l'occasion de terminer la programmation des deux applications pour smartphone, qui sont presque prêtes à la commercialisation. Mais ça implique que je passe en vitesse à mon appartement. Comme je n'ai pas de voiture chez Harry, c'est plus facile à dire qu'à faire.
 
Le  téléphone  de  la  cuisine  sert  à  la  fois  pour  les  communications  et  comme interphone avec le bureau de Harry. Je l'ai vu s'en servir des dizaines de fois et j'appuie sur le bouton.
 
– Allô ? dis-je d'un ton hésitant.
 
– Oui, mademoiselle Fairchild ? Que puis-je pour vous ? Je souris, c'est vraiment cool, ce truc.
 
–  Euh,  oui.  C'est  Mme  Peters  ?  je  demande  en  me  creusant  la  cervelle  pour retrouver le nom de l'assistante de Harry le week-end.
 
– Comme c'est gentil de vous souvenir de moi. Que puis-je pour vous ?
 
– Je n'ai pas de voiture, et j'ai besoin d'aller chercher quelque chose chez moi. Pourriez-vous appeler un taxi ou...
 
–  Je  vais  demander  à  Edward  de  passer  vous  prendre  en  limousine.  Si  vous descendez par l'ascenseur au parking niveau C, il vous y retrouvera.
 
– Ah, d'accord. Merci.
 
Je raccroche et m'extasie dans la cuisine. Oui, être riche a vraiment des avantages.
 
Comme annoncé, Edward m'attend.
 
– Merci beaucoup, Edward.
 
– Je vous en prie, mademoiselle Fairchild. Où allons-nous ?
 
– Chez moi. J'ai quelques affaires à prendre. Et je préférerais vraiment que vous m'appeliez Nikki.
 
– Certainement, mademoiselle Fairchild, répond-il avec un petit sourire.
 
Je me glisse dans la limousine et me blottis dans un coin en songeant à la nuit où j'ai connu Harry. Ou plutôt retrouvé, sans doute, si l'on doit tenir compte de notre première rencontre six ans plus tôt. Les yeux clos, je me rappelle comment Harry m'a  excitée  en  chuchotant  au  téléphone.  Combien  j'ai été emportée  par  ses  mots suaves, et choquée d'avoir si facilement accepté de faire l'amour à l'arrière d'une limousine.
 
Quand nous atteignons mon immeuble, j'ai eu le temps de repasser cette folle soirée dans ma tête – et Harry me manque encore plus.
 
– En aurez-vous pour longtemps ?
 
– Pas trop. Je dois juste copier quelques fichiers sur mon ordinateur portable, mais c'est tout. Vous avez pris un livre audio ?
 
– J'ai décidé d'essayer un classique, dit-il. Le Comte de Monte-Cristo. Pas mal, jusqu'ici. Pas mal du tout.
 
Je  souris  à  ce  commentaire  sur  l'un  de  mes  livres  préférés,  puis  je  monte rapidement l'escalier.
 
J'entends les coups qui résonnent dans l'appartement de notre voisin Douglas, et je frémis. Je sais que ce n'est pas Jamie qui s'ébat dans son lit, mais je fais tout de même la grimace en passant devant sa porte.
 
Arrivée chez moi, je jette mon sac à main sur le lit qui trône toujours dans le salon, monte les deux marches menant à ma chambre, et pousse un hurlement en voyant la porte de la salle de bains s'ouvrir brusquement sur ma droite.
 
Ollie.
 
– Bon Dieu ! J'ai failli faire une crise cardiaque. Qu'est-ce que tu fiches ici ? Il est dans un état ! Les yeux injectés de sang, la peau marbrée, les cheveux dégoulinant sur le visage. Je m'approche de lui. Ça va ? Une pensée affreuse me vient. Oh, non, Jamie et toi, vous n'avez pas... Elle est avec Raine en ce moment.
 
L'idée  qu'Ollie  et Jamie  aient  fait des  cochonneries  quelques  heures  seulement avant qu'elle ne retrouve son petit ami me perturbe presque autant que celle d'Ollie trompant sa fiancée. À vrai dire, toute cette affaire me donne la nausée et je ne suis pas ravie de trouver Ollie chez moi. Je refuse de penser à leurs histoires. En plus, je suis encore vexée qu'Ollie ne m'ait pas appelée depuis que nous nous sommes vus au Rooftop. Oui, il a le droit d'être occupé, mais quand les journaux ont commencé à parler du tableau à un million de dollars, il aurait au moins pu m'envoyer un texto.
 
–  Je n'ai rien  fait avec Jamie,  dit-il d'un  ton  maussade.  Courtney et moi nous sommes encore disputés.
 
– Oh, je suis désolée, dis-je, bien que n'étant guère surprise.
 
– Et moi donc. Il soupire et consulte sa montre. Nous devons nous voir pour le dîner. Pour nous réconcilier. Enfin, j'espère.
 
– Moi aussi.
 
J'en doute, mais ne le lui dis pas. Ollie n'a pas des antécédents très reluisants, et même si c'est un ami – du moins je le considère encore comme tel – je ne peux m'empêcher de penser que Courtney mérite mieux.
 
– Jamie m'a proposé de rester ici. J'ai dormi dans ta chambre, dit-il.
 
Il jette un regard interrogateur vers le lit qui trône dans le salon entre la table et la porte. Je le laisse poursuivre.
 
– Je me suis dit que tu ne verrais pas d'inconvénient à ce que je dorme dans ton lit.
 
– J'en vois un, moi, je réplique sans réfléchir. Trop énervée, je continue, même si je lis de la peine  dans  son  regard.  Tu  te sers  de mon  lit comme  si rien  n'avait changé  ? Tu  te trompes,  Ollie.  J'avais  besoin  d'un  ami et tu  ne m'as  même  pas appelée.
 
– Peut-être parce que tu ne m'avais pas parlé du tableau. Un million de dollars. C'est vrai, cette histoire ?
 
– Oui.
 
– Styles est dangereux, Nikki.
 
– Pas du tout. Et il ne t'est pas venu à l'esprit que c'est précisément pour cette raison que je ne t'ai pas parlé du tableau ?
 
– Pourquoi tu es aussi têtue, merde ! Tu as peur d'apprendre la vérité sur lui ? Ou bien que j'apprenne la vérité sur ce que tu fais avec lui ?
 
Il me crache ça en plein visage, manifestement aussi fâché que moi. Puis, sans prévenir, il m'empoigne par le bras et m'attire à lui. Il pose brutalement l'index sur le bleu qui fait le tour de mon poignet. Je retire mon bras en rougissant, ce qui ôte à Ollie le moindre doute sur la cause de ces marques.
 
– Tu te comportes comme une idiote, dit-il. Il m'effleure les cheveux, puis fixe ostensiblement  mes  cuisses.  Combien  de  temps  va-t-il  se  passer  avant  que  tu  te refasses du mal à cause de ce mec ?
 
La gifle part toute seule.
 
– Fiche le camp de chez moi !
 
Il reste pétrifié, bouche bée, haletant.
 
– Oh, merde, merde... Nikki, je suis désolé, murmure-t-il.
 
– Non tu ne l'es pas. Tu serais fou de joie si Harry et moi n'étions plus ensemble.Je ne sais pas pourquoi tu le détestes à ce point...
 
– Et moi, pourquoi tu es aussi aveugle.
 
– Je ne suis pas aveugle. Je vois très bien.
 
– Tu vois ce qu'il veut bien te laisser voir. Mais tu oublies où je travaille. Tu oublies que mon patron est son avocat. Les emmerdes sont en train de pleuvoir sur Styles, et je ne veux pas que tu en pâtisses. Il soupire. Je t'ai prévenue, non ? Tu es sous le feu des projecteurs, à présent, et ce n'est pas ce dont tu as envie. Ta place n'est pas là.
 
Je suis prise de vertige.
 
– Va-t-en, dis-je.
 
–  Très  bien,  comme  tu  voudras.  Je vais  prendre  mes  affaires  et me barrer.  Il retourne dans ma chambre, en ressort avec un attaché-case, gagne la porte, puis se retourne. Tu sais quoi ? Je comprends que c'est grillé entre nous, et j'en suis désolé. Mais je ne peux pas laisser passer ça. Tu sais où il est, en ce moment, au moins ?
 
– À Londres, je réponds en croisant les bras.
 
– Pour quoi ?
 
– Pour ses affaires.
 
– Ah oui ? Il sort son iPad de son attaché-case et me montre une page de Hello ! Tiens,dit-il en me tendant la tablette.
 
C'est une photo de Harry : il tient une femme par l'épaule, elle a la tête baissée, porte des lunettes noires et une casquette cache la moitié de son visage. Je ne sais pas qui c'est, mais je peux deviner. Apparemment, Hello ! n'en est même pas capable, car la légende dit :
 
« Harry  a-t-il plaqué sa petite chérie ? Est-ce la fin  du  couple que formaient
Harry Styles et la reine de beauté du Texas Nikki Fairchild ? Selon nos sources, Styles  semblait  plus  qu'intime  avec  cette  inconnue  avec  qui  il  se  promenait  à Hampstead Heath aujourd'hui. Il est arrivé à Londres sans la femme dont il a payé le portrait un million de dollars. Des regrets après une folle dépense, peut-être ? »
 
Je lui rends la tablette.
 
– C'est une de ses amies, dis-je.
 
– Je croyais qu'il était en voyage d'affaires.
 
– Il n'a pas le droit de voir ses amis quand il est en voyage d'affaires ?
 
Un coup violent ébranle la cloison entre notre appartement et celui de Douglas, suivi d'un bruyant gémissement très satisfait. Ollie et moi échangeons un regard et, sans nous concerter, nous éclatons de rire. Durant quelques secondes, nous sommes redevenus les Ollie et Nikki d'autrefois. Mais cela ne dure pas.
 
– Je ne veux pas tout bousiller, dit enfin Ollie.
 
– C'est trop tard. À présent, tu peux tout au plus essayer de réparer ce que tu as fait. L'espace d'un instant, il s'apprête à répondre un truc cinglant. Puis il acquiesce.


















Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant