Chapitre 1

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Chapitre 1 :

– Ça y est ? je demande.

Ça fait au moins cinq minutes que le soleil est couché. À quelques mètres, Blaine se penche et pointe son nez de derrière la toile. Je ne bouge  pas,  mais  du  coin  de  l'oeil  j'aperçois  ses  épaules,  son  crâne  chauve  et  sa barbiche d'un roux flamboyant. 

– Mentalement, je te vois toujours baignée de lumière. Maintenant, ne bouge plus et tais-toi. 

Pas de problème. 

Ma réponse, qui enfreint ses règles avec insolence, me vaut un grognement irrité. Bien que je sois nue dans l'embrasure d'une porte, notre échange semble tout à fait normal. J'ai l'habitude,  à présent. L'habitude que la brise fraîche de l'océan  fasse pointer mes tétons. Que le couchant éveille en moi quelque chose de si profond et passionné que je meurs d'envie de fermer les yeux et de m'abandonner à cette violente tapisserie de lumière et de couleur. Cela ne me fait plus rien que Blaine me toise, et je ne tressaille plus quand il se penche si près qu'il frôle mes seins ou mes hanches, quand il ajuste ma posture à l'angle qui lui convient. Même ses « Parfait. Nikki, tu es parfaite » ne me nouent plus l'estomac, et j'ai cessé d'imaginer mes poings se serrer de fureur et mes ongles enfoncés dans mes paumes. Je ne suis pas parfaite, il s'en faut de beaucoup. Mais cela ne me rend plus dingue d'entendre ces simples mots. Dans mes rêves les plus fous, jamais je n'ai imaginé que je pourrais me sentir aussi à l'aise en m'exhibant à ce point. Certes, j'ai passé la majeure partie de ma vie à parader sur un podium mais à l'époque des concours de beauté j'étais toujourshabillée, et même lors des passages en  maillot  mon  intimité  était  pudiquement couverte. Je ne peux pas imaginer combien ma mère serait mortifiée si elle me voyait en ce moment, menton levé, reins cambrés, un cordon de soie rouge retenant mes poignets dans mon dos,et coulant entre mes jambes pour s'enrouler  délicatement autour d'une cuisse. Cela fait des jours que je n'ai pas vu la toile de Blaine, mais je connais son style et je vois d'ici ce qu'il a fait de moi avec ses pinceaux et ses couleurs. Une déesse captive. Cela ne fait aucun doute, ma mère en ferait une maladie. Moi, en revanche, ça me plaît. Mince, peut-être est-ce pour cette raison que ça me plaît ?

J'ai jeté les oripeaux de Nikki la princesse pour devenir Nikki la rebelle, et cela me fait un bien fou. J'entends des pas dans l'escalier et je me force à garder la pose, même si je meurs d'envie de me retourner pour le regarder.

Harry. 

Harry Styles est l'unique sujet sur lequel je me refuse la moindre concession. 

– L'offre tient toujours. Les paroles de Harry remontent dans l'escalier de marbre jusqu'au troisième étage.

Il n'a pas haussé la voix, et pourtant elle est animée d'une telle force et d'une telle assurance qu'elle emplit la pièce.

- Dites-leur de bien regarder leurs comptes. Il n'y aura aucun bénéfice, et avant la fin de l'année il n'y aura même plus d'entreprise. Ils sont en chute libre, et quand ils s'écraseront en flammes, tous leurs  employés  seront au  chômage  jusqu'au  dernier,  l'entreprise  sera morte et les brevets bloqués pendant des années,  le temps que les créanciers  se disputent leur dépouille. S'ils acceptent l'offre, je leur apporterai un sang neuf. Vous le savez. Je le sais. Et ils le savent. 

Les pas s'arrêtent, je me rends compte qu'il est maintenant en haut de l'escalier. La pièce ouverte  sert  de  réception,  et  celui  qui  monte  ces  marches  est  gratifié  du panorama sur l'océan Pacifique qui occupe tout l'autre bout de la pièce. Mais là, ce que voit Harry, c'est moi. 

Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant