Chapitre 7

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Chapitre 7 :

Edward m'accueille près de la portière d'une belle voiture bordeaux et argent.
 
– Une nouvelle voiture ?
 
– Non, madame, répond Edward. M. Styles l'a restaurée il y a trois ans.
 
– Vraiment ?
 
Je contemple la voiture en me demandant comment Harry a bien pu en trouver le temps.J'essaie de me le représenter sous le châssis,les mains dans le cambouis. Curieusement, c'est un tableau plus facile à imaginer que je ne l'aurais cru. Comme j'ai pu le voir régulièrement, Harry sait presque tout faire. Et avec élégance, en plus.
 
Question élégance,la voiture n'est pas en reste.Elle n'est que courbes fluides, l'exemple même de la classe et de la grâce automobile. C'est presque un crime qu' Edward soit simplement en costume et non en livrée, et je ne serais pas le moins du monde surprise s'il prenait l'accent british. Il n'a aucune idée de ce qui me passe par la tête.
 
– En principe, nous réservons la Bentley pour les occasions officielles, mais M. Styles a pensé que cela vous plairait d'arriver à votre nouveau travail avec style.
 
Pendant ce temps, l'hélicoptère apparaît au-dessus de la maison, assez loin pour m'empêcher de voir Harry, mais je lui adresse tout de même un petit signe de la main.
 
– C'est chez moi que je dois aller, en fait, pas tout de suite au travail. Mais M. Styles a raison pour le reste, dis-je en montant dans la Bentley. Je vais adorer ça.
 
– M. Styles a clairement stipulé que je devais vous déposer à votre bureau.
 
– Ah bon ? Je suis à deux doigts d'appeler Harry pour lui dire ses quatre vérités, mais cela n'y changerait rien de toute façon. Mais il me faut d'abord passer chez moi.
 
– Bien entendu, mademoiselle Fairchild.
 
Il ferme la portière et je me retrouve dans un cocon de cuir et de ronce de noyer, à respirer le parfum du luxe. Les vitres ne sont pas électriques mais fonctionnent avec une manivelle à l'ancienne en acajou poli. Le cuir blanc est moelleux comme du beurre, et le dossier du siège avant muni d'un plateau. Défiant les conventions,je l'abaisse. Il offre une surface parfaite pour écrire. J'ai terriblement envie d'une plume et d'un parchemin.
 
–De quelle année est la voiture ? je demande,alors qu' Edward s'engage dans l'allée.
 
– C'est une S2 Saloon de 1960, dit-il. Il n'en a été fabriqué que trois cent quatre- vingt-huit, et il n'en reste que très peu en circulation. Quand M. Styles a trouvé celle-ci par hasard chez un casseur, il était déterminé à lui redonner sa splendeur.

 
Je ne sais trop ce que Harry pouvait bien faire dans une casse, mais je n'ai aucun mal à imaginer sa détermination. Ce que Harry veut, il l'obtient, qu'il s'agisse d'une voiture ancienne, d'un hôtel à Santa Barbara ou de moi...
 
Je passe l'index sur la tablette vernie et me rappelle ma petite envie.
 
– Vous n'auriez pas par hasard du papier et un stylo ?
 
– Mais certainement, dit Edward.
 
Il sort de la boîte à gants un nécessaire qu'il me tend. Je l'ouvre et y trouve un stylo à plume ainsi qu'un épais papier à lettres monogrammé aux initiales de Harry. J'hésite. Maintenant que je me retrouve face à la perspective de coucher mes pensées, je me sens démunie. Mais l'occasion est trop belle.
 
« Mon très cher monsieur Styles, je commence. Avant de vous connaître, je n'avais jamais songé à la nature sensuelle d'une voiture. Mais à présent que je suis entourée de cuir souple, dans le cocon chaleureux de ce véhicule gracieux et puissant, c'est enivrant, et je... »
 
Je laisse aller ma plume sur le papier, regrettant presque la révolution technologique. Comme c'était merveilleux de recevoir la lettre d'un amant, de l'ouvrir et de voir son cœur sur la page, dans son écriture ferme et solide. Il y a dans les textos et les mails une immédiateté qu'on ne peut nier, mais ils ne peuvent reproduire l'intimité d'une lettre.
 
Le temps qu'Edward s'arrête à Studio City devant l'immeuble où je vis avec Jamie, j'ai terminé mon petit mot. Je le glisse dans une enveloppe assortie que je cachette et me rends compte que je ne connais pas l'adresse de Harry à Malibu. Curieux, étant donné le temps que j'y ai passé. Mais peu importe. La lettre lui parviendra tout aussi facilement à son bureau, même si je ne me souviens pas du numéro de la tour. J'écris soigneusement au milieu de l'enveloppe, que je timbre :
 
« Harry Styles, CEO Styles International
Styles Tower, Penthouse
S. Grand Avenue
Los Angeles, CA 90071 »
Puis je descends de la voiture et souris à Edward.
 
– Je dois prendre une douche et quelques affaires. Cela va peut-être prendre un peu de temps.
 
– Ce n'est pas un problème, répond-il avant de reprendre sa place au volant.
 
Je ne me sens pas coupable à l'idée de laisser Edward tout seul. Il a sans aucun doute emporté un livre audio, et ce n'est pas comme s'il devait retourner à Malibu pour prendre Harry. Quand il se rendra compte que j'ai filé par l'escalier de secours


récupérer ma propre voiture, j'imagine que la lecture de son livre sera déjà pas mal avancée.
 
Je mets la lettre à la boîte, avant de grimper quatre à quatre jusqu'à l'appartement, tout en calculant le temps dont je dispose pour prendre une douche, me changer et aller au bureau. La circulation est pire que ne le pensait Edward – un accident sur la
405 – et je vais être plus en retard que prévu. Je sais que j'aurais simplement pu choisir une tenue parmi le milliard que Harry a entreposé pour moi, mais ce nouveau travail, c'est mon domaine à moi. Et c'est peut-être idiot, mais je veux porter mes propres vêtements et conduire ma propre voiture.
 
Jamie oublie toujours de verrouiller la porte, et je suis surprise qu'elle soit fermée. Je sors mes clés de mon sac, puis me rembrunis en entrant dans l'appartement plongé dans le noir. Elle doit dormir, et j'espère qu'elle est seule. Même si elle ramène les hommes à la maison comme on recueille des chats égarés, elle a l'habitude de les virer dès qu'ils ont bien épuisé les ressorts de son matelas. C'est dangereux et je m'inquiète, car c'est presque devenu un jeu. Et contrairement à ceux auxquels je joue avec Harry, je ne crois pas que Jamie ait un code.
 
La porte de sa chambre est fermée et je songe un instant ne pas la déranger. Mais c'est mon premier jour de boulot, et je veux la voir. Sans compter qu'elle a sûrement envie de me voir aussi. Je frappe légèrement à la porte, puis je tends l'oreille. Je m'attends à l'entendre gémir ou marmonner une excuse, puis courir à la porte et me prendre dans ses bras. Mais il n'y a que le silence.
 
– Jamie ?
 
Je frappe de plus belle, toujours en vain. Je tourne la poignée en essayant de regarder sans regarder, au cas où elle aurait finalement laissé dormir avec elle le mec ramené la veille.
 
Mais la chambre est vide et obscure. J'essaie de ne pas m'inquiéter. Elle avait probablement quelque chose à faire ce matin. Ou bien elle a dormi chez quelqu'un après avoir fait la fête.
 
Sauf que je ne crois à aucune de ces explications. Jamie n'est pas du matin et dort rarement ailleurs. Elle n'est pas du genre à profiter du canapé, elle préfère le confort de son chez-soi.
 
J'espère que je m'inquiète pour rien, mais lui envoie un texto : « Tu es où ? Je dois lancer une patrouille de recherche ? »
 
J'attends en fixant l'écran, mais mon téléphone reste muet. Merde alors ! Je tombe directement sur sa boîte vocale. À présent, j'ai l'estomac noué. Je ne peux pas appeler la police – je regarde assez la télé pour savoir qu'elle ne bouge pas avant que vingt- quatre heures ne se soient écoulées. Appeler Harry ? Mon doigt hésite au-dessus de son nom. Peut-être qu'il ne peut rien faire, mais si je m'inquiète,je suis presque


certaine qu'il coupera court à sa réunion et viendra me retrouver malgré mes protestations. Je l'imagine peut-être en chevalier blanc, mais je ne suis pas une damoiselle en détresse et n'ai pas envie d'en devenir une.
 
D'accord, pas de problème. Jamie est sans doute tout simplement sous sa douche, ce que je devrais faire aussi. Je vais me laver et me changer, et si elle ne m'a pas rappelée quand je serai prête, je lui téléphonerai ou lui enverrai un autre texto.
 
Et si elle ne répond toujours pas, j'appellerai Ollie. Je ne sais pas ce qu'il pourrait faire, mais comme c'est mon autre meilleur ami, j'ai le droit de l'appeler en cas de crise. Et avec Ollie, le risque d'interrompre une réunion à un milliard de dollars est nettement moindre.
 
Autre point important,même si j'ai du mal à l'avouer: il se peut qu'ils soient ensemble. À ma connaissance, ils ont déjà couché ensemble une fois. Et Jamie a beau jurer que c'était sans lendemain, et Ollie affirmer qu'il était resté fidèle à sa fiancée excepté cette fois-là, je ne sais pas si je peux les croire.
 
Mes doutes me pèsent. Jamie et Ollie sont mes deux meilleurs amis, et je n'ai pas envie que leur petite escapade assombrisse l'atmosphère entre nous trois.
 
Comme je suis en retard et que je n'aime pas m'éloigner trop longtemps de mon téléphone,je prends rapidement ma douche. Je me sèche les cheveux avec une serviette, puis je mets un peu de gel pour maintenir quelques mèches en place.
 
J'ai découvert qu'il est plus facile d'entretenir une coupe courte que les longues boucles qui me descendaient dans le bas du dos.
 
Ceinte d'une serviette, je sors de la salle de bains dans un nuage de vapeur et fais un bond au plafond en entendant de la vaisselle se fracasser dans la cuisine. L'espace d'un instant, je suis terrifiée, imaginant des cambrioleurs. Mais le hurlement que je m'apprêtais à pousser laisse la place à un éclat de rire quand j'entends la voix de Jamie s'élever dans l'appartement:
 
– Oh, merde ! Nikki ! Je viens de péter ton mug préféré !
 
– Je suis là, dis-je en sautant les deux marches pour la retrouver dans la cuisine.
 
Elle me regarde bizarrement, probablement parce que je ris encore. Elle tient l'anse de mon mug des Dallas Cowboys. Le reste de la céramique bleue est éparpillé à ses pieds.
 
– Désolée, fait-elle.
 
– Ce n'est pas grave. Je continue de rire, de soulagement, sûrement.
 
– C'est idiot que ce soit ton préféré, de toute façon, dit-elle, comme si je lui avais fait des reproches. Tu n'aimes même pas le football.
 
– Il était grand, dis-je. Je pouvais y mettre du chocolat chaud et des marshmallows sans que ça déborde quand on y plongeait une cuiller.

 
– Oui, mais à quoi ça sert de boire du chocolat chaud avec des marshmallow, si c'est pour prendre toutes ces précautions ?
 
Je ne peux pas la contredire. J'enfile une paire de tongs au bas des marches et vais chercher sous l'évier la pelle et la balayette que j'ai achetées quand j'ai emménagé ici.
 
– Merci, dit-elle avant de lever les yeux au ciel quand je les lui tends. OK, OK, soupire-t-elle.
 
Tandis qu'elle s'accroupit avec son jean, bien plus commode pour cette tâche que ma serviette, je lui demande où elle était passée.
 
– J'étais inquiète. Tu as dormi ailleurs ?
 
– Sûrement pas. Elle balaie les derniers fragments dans la pelle et me regarde avec un grand sourire. J'ai peut-être découché, mais j'ai pas dormi de la nuit. Et toi ? enchaîne-t-elle plus gravement. Parce que ton lit ne voit pas passer beaucoup de monde, ces derniers temps. Il va déprimer de solitude, si ça continue.
 
– Je vais m'en occuper, j'ironise. Je n'étais pas là non plus.
 
– Oh-oh.
 
– Je n'ai rien dit ! Par contre, moi, quand je découche, c'est toujours avec le même. Toi tu as tellement de mecs différents que tu pourrais faire un groupe sur Facebook.
 
– Pas mal, comme idée. Sauf que je crois que le dernier est peut-être différent des autres.
 
– C'est vrai ?
 
– Carrément. Il est pas aussi canon que ton maître du monde, mais je ne dirais pas non s'il proposait de remettre le couvert. Et plus, si affinités...
 
Jamais je n'ai entendu Jamie envisager d'aussi près une relation. Dire que je suis stupéfaite serait encore loin du compte.
 
– Tu ne peux pas m'annoncer une nouvelle pareille quand je suis en retard. Allez, on va bavarder pendant que je m'habille.
 
Elle me suit dans ma chambre et pose ses fesses sur le rebord de mon bureau devant mon portable. Il est allumé et l'économiseur est un diaporama de photos de Harry que j'ai prises à Santa Barbara. Harry, avec tant de lumière et de bonne humeur dans les yeux que je ne peux regarder ces images sans sourire. Entre cet écran de veille et l'original de Monet qu'il m'a offert – désormais accroché entre ma commode et le bureau –, je ne peux pas entrer dans cette pièce sans me sentir choyée. C'est une impression à laquelle je ne suis pas habituée.
 
À l'université, mon appartement était simplement l'endroit où je vivais. Chez ma mère, ma chambre était l'endroit que je voulais fuir. Mais ici, il y a Jamie et ma nouvelle liberté. De la passion. Du potentiel. Et surtout, il y a Harry.
 
Cette pièce est la preuve que je suis passée à autre chose et que j'avance vers ce qui me plaît.


Jamie tape sur le clavier de mon ordinateur.
 
– Raine, dit-elle finalement. Je débats entre une jupe bleue et une grise devant mon placard, et il me faut un moment avant de comprendre qu'elle ne parle pas de royauté. Bryan Raine, précise-t-elle, comme pour me faire mieux comprendre. Comme j'ai l'air toujours aussi perplexe, elle secoue la tête, agacée, puis tapote l'écran. Mon mec, c'est Bryan Raine.

 
Bien que pressée, je suis assez curieuse pour renoncer à l'examen de ma garde-robe
et aller voir la série de photos qu'elle a sortie. Toutes du même homme. Beau gosse, presque toujours torse nu, avec des cheveux châtains, des yeux et des traits photogéniques. La plupart des photos, d'ailleurs, sont extraites de publicités : voitures, eaux de toilette, vêtements. Je dois avouer que ce type a tout ce qu'il faut pour vous faire acheter un jean.
 
– C'est lui, annonce fièrement Jamie.
 
– C'est le type avec qui tu es sortie hier soir ?
 
– Ouaip ! Elle sourit avec espièglerie. Enfin, sortie... On est surtout restés chez lui. Il est pas canon ?
 
– Incroyable, dis-je en cherchant une petite culotte et un soutien-gorge dans ma commode.
 
J'hésite un instant. Dans le jeu de Harry et moi, je devais suivre ses règles. Et ces deux dernières semaines, je n'ai porté ni culotte ni soutien-gorge. Au début, c'était bizarre, mais indéniablement sexy, surtout quand j'étais avec lui, car il pouvait passer à tout instant une main sous ma jupe, me toucher, me tripoter...
 
Il y a quelque chose de très érotique dans le fait de ne pas porter de sous-vêtements ; et même en l'absence de Harry, mon corps restait en éveil et j'avais conscience du moindre frôlement d'étoffe sur mes fesses, et du moindre souffle d'air sur mon sexe.
 
Aujourd'hui ce n'est pas un jeu, mais le premier jour d'un nouveau boulot, et les règles de vie d'Elizabeth Fairchild sont trop ancrées en moi. J'ai peut-être passé toute ma vie à essayer d'échapper à ma mère, mais elle est toujours plus ou moins présente. Et dans son monde, l'excitation de la liberté sexuelle ne vous dispense pas de la nécessité de porter une petite culotte au bureau.
 
J'en enfile une, soupire puis retourne à mon placard pour choisir ma tenue. Je jette un coup d'œil à Jamie au cas où elle aurait un avis, mais elle continue de contempler l'écran d'un air rêveur.
 
– Ne bave pas sur mon clavier, dis-je. Comment tu l'as rencontré ?
 
– C'est mon partenaire, dit-elle, faisant allusion à la publicité qu'elle s'apprête à tourner. Il est principalement mannequin, mais il a aussi fait quelques figurations à la télé, c'était même un des méchants dans le dernier James Bond.


– Ah bon ?
 
J'ai vu le film, mais je ne me souviens pas de lui.
 
– Oui, bon, on le voyait avec un flingue et ses airs sexy, corrige-t-elle. Mais il était du côté des méchants.
 
–Mais vous n'avez pas commencé à tourner,dis-je, un peu perplexe. Alors comment vous vous êtes connus ? Laquelle ? j'ajoute en brandissant deux jupes.
 
– La bleue. Il m'a appelée. Il a dit que comme la pub était, en gros, une histoire d'amour de trente secondes, il fallait qu'on se voie pour vérifier si l'alchimie fonctionnait entre nous.
 
– J'en déduis qu'elle a particulièrement bien fonctionné ?
 
– Torride, opine Jamie.
 
Même si je ne suis pas enthousiaste devant la facilité avec laquelle Jamie passe de lit en lit, je dois avouer que ce matin, ma coloc' a bonne mine. Étincelante, pétillante... Le nouveau boulot et le nouveau mec y sont sûrement pour beaucoup. Je me sens envahie d'un sentiment protecteur mêlé de soulagement et d'un rien d'inquiétude. Jamie ne s'en est jamais ouverte à moi, mais je suis assez sûre qu'avant d'emménager avec moi, elle choisissait souvent ses mecs non pas en fonction de leur capital séducteur mais de leur capital tout court, pour l'aider à payer ses crédits. Si une vraie relation se développe entre Jamie et Bryan Raine, personne n'en sera plus heureux que moi. Mais s'il finit par lui briser le cœur, j'ai peur que ma coloc' solide et autonome s'effondre.
 
Elle fronce les sourcils. Peut-être a-t-elle lu mes craintes sur mon visage ?
 
– Qu'est-ce qu'il y a ?
 
– Tu comptes vraiment porter une jupe ? Je croyais que les geeks étaient tous en jean et T-shirt avec des équations de maths dessus.
 
Je me renfrogne, car il se trouve que je possède plusieurs T-shirts portant des blagues mathématiques vraiment marrantes.
 
– C'est mon premier jour, et le poste n'est pas techno. Je suis cadre de direction. Je tiens à avoir le profil voulu.
 
J'ai enfilé la jupe bleue, et à présent je chausse mes souliers préférés, puis j'attrape un petit haut en soie blanche et une veste adorable dénichée dans une friperie de Studios où Jamie m'a emmenée faire des folies quand je suis arrivée à Los Angeles. Elle a une coupe classique avec un motif discret gris et bleu. La vendeuse nous a dit qu'elle avait été portée par l' actrice d'une série que je n'ai jamais regardée, mais dont Jamie m'a assuré qu'elle était géniale.
 
– Il faut que tu m'en dises plus sur ce mec, dis-je en m'éclipsant dans la salle de bains. Mais là, je dois filer. Elle me suit et s'appuie contre le chambranle pendant que je me maquille. Une fois le mascara appliqué, j'exécute une pirouette entre la douche et le lavabo. Ça va ?

 
– Comme toujours. Et si on te demande, c'est Lauren Graham qui portait cette veste dans Gilmore Girls.Fais-moi confiance, c'est cool. J'acquiesce, la croyant sur parole. Tu veux qu'on se retrouve après le boulot ? Je te parlerai de Bryan, et toi de tes nuits torrides. Je veux tout savoir.
 
– Bonne idée, je réponds, sans prendre la peine de lui dire qu'en ce qui concerne
Harry, il n'est pas question que je révèle « tout ». On va chez Dupars ?
 
– Tu rigoles ? Je veux prendre un verre. Retrouve-moi au Firefly, dit-elle, faisant allusion au bar de Ventura Boulevard où nous sommes allées lors de ma première soirée en ville.
 
– Je t'envoie un SMS dès que je quitte le bureau, dis-je en l'étreignant.Je suis vraiment contente pour Bryan. J'ai hâte d'entendre la suite.
 
– Et moi de le revoir, ajoute-t-elle avec un sourire coquin. Je t'assure, je pourrais le regarder toute la journée.
 
Je laisse Jamie soupirer,et se remémorer sa nuit passée, pour dévaler l'escalier jusqu'au parking. En sortant, je vois la limousine dans mon rétroviseur. Je garde l'œil dessus jusqu'au virage, mais elle ne bouge pas. Quand je prends Ventura Boulevard, je ne peux m'empêcher de sourire. Après tout, ce n'est pas tous les jours que je réussis à déjouer les manœuvres de Harry Styles.
 
Bien que ma vieille Honda soit très poussive et cale souvent aux feux rouges, je parviens à sortir de Studio City pour rejoindre les bureaux d'Innovative Resources à Burbank en moins de quinze minutes – sans caler. Je considère cela comme un excellent présage pour la journée. Je me gare près d'une Mini Cooper rouge que je lorgne avec envie, puis je gagne le hideux bâtiment en plâtre de quatre étages qui abrite les bureaux d'Innovative et quelques autres sous-locataires. Mon téléphone bipe et je m'arrête au milieu du parking pour le sortir de mon sac. Je souris en voyant que c'est Harry.
 
« Je pense à toi. Sois sage pour ton premier jour. Fais ami-ami avec les autres enfants. Mais ne partage pas tes bonbons. »
 
J'éclate de rire et je tape ma réponse.
 
« Je ne les partage qu'avec toi. »
 
La sienne me fait sourire : « Ravi de l'apprendre. »
 
Je réplique aussitôt : «J'entre dans le bâtiment à l'instant.Souhaite-moi bonne chance. »
 
« Bonne chance, même si tu n'en as pas besoin, répond-il promptement. La réunion reprend. Je file. À ce soir, chérie. En attendant, imagine mes doigts te toucher sensuellement. »
 
« Je ne fais que ça », je réponds avant de glisser mon téléphone dans mon sac avec un soupir d'aise.

 
À ce moment, je vois qu'il est 9 h 45, j'ai donc encore un quart d'heure avant de commencer ma journée. Mon téléphone sonne. C'est de nouveau Harry.
 
J'imagine déjà... dis-je d'une voix sensuelle.
 
Qu'est-ce que tu t'imagines ? demande-t-il, pas sensuel pour un sou.
 
Pour tout dire, il a l'air plutôt furieux. Je fais la grimace. Apparemment, il vient d'appeler Edward.
 
– Je vais travailler, réponds-je.
 
– Je suis censé être en réunion en ce moment.
 
– Alors, pourquoi n'y es-tu pas ?
 
– Bon sang, Nikki !
 
– Non ! Je suis la seule qui ait le droit de dire ça, Harry, et je suis parfaitement capable de conduire toute seule. Si tu veux faire travailler Edward, demande-moi. Tu viens me voir et tu me dis : Nikki, mon chou, lumière de ma vie, est-ce que mon chauffeur peut t'emmener au bureau ?
 
Un silence – j'espère que ma réplique le fait rire.
 
– Et tu aurais dit oui ?
 
– Non, dis-je. Mais c'est comme ça que tu aurais dû t'y prendre. C'est mon boulot, Harry. Je veux conduire, et c'est ce que je compte faire.
 
– Je ne veux pas que tu affrontes les paparazzi toute seule.
 
Oh ! Je me sens un petit peu mieux. Je n'apprécie pas ce qu'il a fait, mais au moins il avait ses raisons.
 
– Il n'y a personne ici.
 
– Mais il y aurait pu y en avoir...
 
– Et je m'en serais occupée, dis-je, probablement un peu trop vivement. Tu ne peux pas être avec moi à chaque seconde de la journée, même si cela me plairait. Il arrivera forcément que je les croise quand je serai seule, et nous devrons nous y faire.
 
– Ça ne me plaît pas, insiste-t-il. Je ne réponds pas. Je ne sais pas quoi dire. Finalement, Harry reprend: Je retourne à ma réunion.
 
Traduction : Je me fais du souci pour toi.
 
– Tout va bien, dis-je. Je te remercie, c'était la bonne émotion, mais la mise en pratique était nulle, c'est tout.
 
Ça le fait rire.
 
– Nous ne serons jamais d'accord là-dessus. Ce n'est pas un débat que je peux mener depuis Palm Springs.
 
Je me rembrunis. Apparemment,à Los Angeles il peut.Génial. Commeil doit vraiment retourner à sa réunion, il raccroche. Et je me retrouve à faire la grimace devant mon téléphone, tout en sachant que je vais devoir m'accommoder non seulement des paparazzi mais aussi de Harry qui joue la baby-sitter, même si je suis ravie qu'il s'occupe de moi.

 
Je balaie le problème et entre rapidement dans le bâtiment. Je n'ai plus le temps de prendre un café, mais ce n'est pas grave, car je ne veux pas risquer de tacher mon chemisier blanc – la voix de ma mère prend toujours le dessus dans ces moments-là.
 
La réception est au quatrième étage. J'appelle l'ascenseur. Les portes finissent par s'ouvrir et je m'efface pour laisser sortir les gens, quand j'entends une voix rauque et familière derrière moi.
 
– Tiens, voilà le Texas dans toute sa splendeur.
 
Je fais volte-face et me retrouve devant Evelyn Dodge, la reine des effrontées, l'une des filles que je préfère au monde. Elle porte un pantalon noir ample et des sandales dorées qu'on dirait importées du Maroc. Le pantalon disparaît en partie sous une tunique bigarrée qui, d'après ce que je vois, a été confectionnée avec des carrés Hermès cousus ensemble. On dirait une gitane aux goûts de luxe.
 
– Je savais que c'était ton premier jour aujourd'hui, mais pas que j'aurais la chance de te croiser.
 
Je reste à la regarder d'un air ébahi et j'en oublie que je bloque l'entrée de l'ascenseur. Je m'écarte pour laisser passer un petit groupe.
 
– Qu'est-ce que tu fiches donc ici ? je demande avec un grand sourire.
 
Ancienne actrice devenue agent puis mécène, Evelyn habite à Malibu, non loin de la nouvelle maison de Harry. Comme elle n'est pas du genre à faire une expédition dans la Vallée, même en cas de fin du monde, je me demande ce qu'elle peut bien fabriquer dans les bureaux d'une entreprise high-tech au nord de Burbank.
 
– Pareil que toi, la Texane.
 
Je hausse un sourcil amusé.
 
– Tu te lances dans les technologies ? Tu as conçu une application pour iPhone qui présente les œuvres de Blaine ?
 
– Pas mauvais comme idée, en fait, et je vais peut-être t'interroger là-dessus plus tard. Mais la réponse est non. Je suis venue voir Bruce.
 
– Pourquoi ?
 
La question a franchi mes lèvres trop vite. Mais Evelyn n'est pas du genre à s'en formaliser.
 
– J'ai besoin d'une de ses clés, dit-elle en riant à gorge déployée. Mais ne t'inquiète pas. Ce n'est pas pour un rendez-vous amoureux. Blaine me suffit amplement de ce côté-là. En l'occurrence, il a décidé de retoucher quelques tableaux pour l'expo de samedi, mais ils sont dans le hangar de stockage de la galerie.
 
– Giselle ne peut pas te faire entrer ? je demande, interloquée.

 
Giselle est l'épouse de Bruce et la propriétaire de plusieurs galeries d'art en Californie du Sud. En plus de mon portrait présenté au cocktail de samedi – même si seuls quelques invités sauront que c'est moi le modèle –, il y aura quelques autres tableaux de Blaine.
 
– Si elle n'avait pas fichu le camp à Palm Springs, oui. Mais elle m'a appelée en route. Apparemment, elle est partie récupérer quelques pièces dans la galerie qu'elle a là-bas, et son assistant n'a pas le double de la clé du hangar. Pourquoi Giselle l'a-t-elle laissée à Bruce et pas à son assistant, ne me le demande pas. Parfois, cette femme me laisse rêveuse.
 
– Harry est à Palm Springs aussi. Il y est parti ce matin.
 
– Dommage que Giselle ne l'ait pas su. Elle aurait pu se décharger de cette corvée sur lui. Cela lui aurait évité de se déplacer... Franchement, j'aurais préféré aller à Palm Springs plutôt qu'à Burbank, et je suis sûre qu'elle le sait, mais je crois qu'elle et le petit Bruce sont repartis pour se faire la tête. S'il est de mauvais poil la prochaine fois que tu le vois, ce sera sûrement à cause de ça. Mais je pense qu'il est trop pro pour le laisser voir.
 
– Pourquoi se font-ils la tête ?
 
– Avec ces deux-là, on ne peut jamais savoir.
 
Elle balaie le sujet comme si c'était de l'histoire ancienne, mais pour moi le sujet
« Giselle » est d'un intérêt indéniable, même si c'est déplaisant. J'ai été jalouse de cette femme pendant cinq minutes quand j'ai fait la connaissance de Harry à la soirée d'Evelyn, parce que je l'avais prise pour sa petite amie. Giselle est raffinée et élégante, et elle me rappelle Audrey Hepburn dans Sabrina. Et franchement,Harry et elle formaient un beau couple. Bien sûr, dès que j'ai su qu'elle était mariée, toute jalousie avait disparu. Je ne dirais pas qu'elle revient à l'instant, mais mon espoir que Bruce et Giselle retrouvent rapidement le bonheur conjugal est plus dans mon intérêt.
 
– Et toi ? continue Evelyn. Je continue d'espérer que toi et ton appareil photo, vous accepterez mon offre de prendre un verre entre filles pour te soutirer des ragots.
 
Quand j'ai été présentée à Evelyn, je faisais des photos du couchant depuis son balcon avec mon iPhone, regrettant de ne pas avoir d'appareil photo digne de ce nom pour capturer l'ahurissante beauté de mon premier coucher de soleil sur le Pacifique. Evelyn m'avait invitée à revenir, et bien que je l'aie revue plusieurs fois au cours de ces deux dernières semaines, je n'y étais pas allée.
 
– Mais je suppose que tu n'as pas besoin de moi, maintenant que tu jouis de la vue chez Harry, ajoute-t-elle.
 
– C'est un sacré panorama en effet, admets-je. Mais je serais quand même ravie de venir chez toi un de ces jours.
 
– Quand tu veux. Apporte ton appareil, si cela te chante. Ou bien viens juste pour


l'alcool et le papotage. Je ne suis avare ni de l'un ni de l'autre. Ni de conseils, si tu en as besoin. Mais d'après ce qu'on me dit, tu t'en sors très bien.
 
– Blaine t'a donc parlé.
 
Je ne peux m'empêcher de sourire. Au premier abord, on ne dirait pas que ce jeune peintre maigrichon et cette grande bonne femme exubérante forment un couple. Et même si Evelyn raconte que Blaine n'est là que pour réchauffer son lit, je suis sûre qu'il ne lui sert pas seulement de bouillotte.
 
– Évidemment que oui. À quoi ça sert d'envoyer le petit explorer le monde, s'il ne me rapporte pas de trucs croustillants ?
 
– Alors ?
 
– Rien de croustillant sur toi. Tu es d'un ennui... D'après ce que je sais, tu nages dans le bonheur.
 
– Ça me convient bien, dis-je en riant.
 
– Tant mieux. Ravie de savoir que je ne suis pas la seule à m'éclater au lit. Je rougis, et je dois me retenir pour ne pas rire. Mais il y a plus que ça, hein ? D'après ce que dit Blaine, tu aurais dompté le fauve ? Je ne réponds pas, mais je suis si ravie que je dois rayonner. Alors, c'est fini, les histoires concernant la petite Padgett ?
 
– Fini, dis-je d'un ton ferme.
 
Elle fait allusion aux récentes tentatives d'un homme d'affaires, qui en veut à Harry et l'implique dans la mort de sa sœur. Heureusement, Harry a tué la rumeur dans l'œuf.
 
– Contente de l'apprendre, dit-elle. Et pas de nouveaux drames en perspective ?
 
– Non, dis-je prudemment. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour lui parler des menaces de Carl. Cependant, d'après son intonation, j'ai l'impression qu'elle est déjà au courant. Pourquoi? Il y a quelque chose que je devrais savoir ?
 
– Rien du tout, fait-elle en balayant l'air d'un geste. Je la regarde attentivement. Evelyn était peut-être bonne menteuse à l'époque où elle était agent, mais elle n'est plus aussi douée. Elle me regarde et éclate de rire. Ah, mais je t'assure que c'est vrai. Tu n'as vraiment pas de quoi t'inquiéter. Pas pour le moment, en tout cas.
 
Plusieurs groupes sont entrés et sortis de l'ascenseur durant notre conversation, et de nouveau les portes s'ouvrent devant nous.
 
– C'est l'heure d'aller bosser, non ? fait Evelyn.
 
– Tu ne t'en tireras pas à si bon compte, dis-je en la suivant.
 
J'ai la ferme intention de l'interroger, mais la montée est trop courte, et les portes qui se rouvrent mettent fin au tête-à-tête. La réceptionniste,une fille de mon âge nommée Cindy – me semble-t-il – se lève immédiatement.
 
– Waouh ! c'est super cool que vous soyez là, me dit-elle avant de rougir. Pardon, je veux dire que vous serez parfaitement à l'aise. Nous pouvons déjeuner ensemble, si vous voulez.

 
– Merci, dis-je en glissant un regard oblique à Evelyn, qui semble amusée. Je crois que j'ai un déjeuner avec Bruce aujourd'hui.
 
– Oh, bien sûr. M. Tolley vous attend. Une seconde, et je vous accompagne. Elle se tourne vers Evelyn avant que j'aie le temps de lui dire que je suis d'abord censée voir la responsable des ressources humaines. Que puis-je pour vous ?
 
– Evelyn Dodge. J'ai appelé Bruce pour venir chercher...
 
– Ah oui, bien sûr, mademoiselle Dodge.
 
Elle va chercher derrière son bureau une enveloppe qu'elle tend à Evelyn, et qui doit contenir une clé. Evelyn la glisse dans son immense sac et pointe l'index vers moi.
 
– On se verra demain, la Texane.
 
– Oui, dis-je. Evelyn est l'une des très rares personnes à connaître l'identité de la femme qu'a peinte Blaine. Tu verras sûrement beaucoup de ma personne demain.
 
Evelyne s'esclaffe et s'engouffre dans l'ascenseur.Je suis Cindy dans le couloir gris, les oreilles encore pleines du rire d'Evelyn.
 

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Voilà le septième chapitre du tome 2. On espère qu'il vous a plu !

Une petite dispute entre Nikki et Harry, un nouveau copain pour Jamie

Mais surtout le retour d'Evelyn ! Vous êtes contentes ?

Bref dites nous tous ce que vous en avez pensé !!



Nous vous embrassons xx

Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant