Chapitre 3 :
Harry ne dit rien de plus jusqu'au restaurant, et dans l'ascenseur l'atmosphère est lourde. Je suis sûre que l'homme qui nous escorte, à la fois propriétaire des lieux et ami de Harry, doit se sentir mortifié que l'un de ses employés ait tuyauté la presse. Que Harry ne nous ait pas officiellement présentés prouve combien l'incident l'a contrarié. Harry a toujours des manières exquises.
Quant à moi, je ne peux m'empêcher de regretter que nous soyons sortis. La présence des paparazzi était déplaisante, mais cette atmosphère pesante est pire.
Je serre la main de Harry :
– Ils se fatigueront bien assez tôt. Un couple de stars de cinéma va divorcer, ou bien une star de la téléréalité se fera prendre en flagrant délit de vol à l'étalage. Nous sommes barbants, en comparaison.
Pendant un instant, je me dis que mon stratagème n'a pas fonctionné. Puis il dépose un baiser sur mes doigts.
– Pardonne-moi, dit-il. C'est moi qui devrais te réconforter.
– Je suis avec toi, dis-je, je ne peux pas rêver mieux. Il prend ma main, puis lève les yeux vers l'homme.
– Alaine, dit-il, j'ai oublié tout savoir-vivre. Je voudrais vous présenter ma petite amie, Nikki Fairchild. Nikki, voici mon ami Alaine Beauchene, l'un des meilleurs chefs de la ville, propriétaire du Caquelon.
– C'est un très grand plaisir de faire votre connaissance, dit celui-ci. Harry m'a dit tant de bien de vous !
– Oh !
Je ne sais pas pourquoi, mais ses paroles me surprennent. Je peux sans peine me représenter Harry parlant avec Jamie, mais je ne sais pas pourquoi, l'idée de Harry bavardant avec ses amis à mon propos ne m'est jamais venue. Je ne peux nier que c'est agréable – un fil de plus dans la tapisserie tissée par Nikki et Harry.
– Merci de nous avoir sauvés, dis-je. Comment vous êtes-vous connus, tous les deux ?
– Le père d'Alaine pratique la médecine du sport. Nous avons fait connaissance durant les tournois.
– Deux jeunes hommes sillonnant l'Europe, dit Alaine avec nostalgie. C'était le bon temps, mon vieux.
J'observe Harry avec attention. Je ne sais peut-être pas grand-chose, je sais cependant que les années où il a joué au tennis n'ont pas débordé de souvenir douillets et agréables. Mais son sourire semble sincère.
– C'étaient nos plus belles années, dit-il.
Je suis bizarrement soulagée que ses années dans le milieu du tennis n'aient pas été qu'un enfer. Qu'un ou deux rayons de soleil aient percé ces sombres nuages.
– Nous deux et Sofia, dit Alaine en riant. Il me jette un regard. Deux ans de moins que nous, mais ce petit diablotin était bien décidé à s'incruster. Tu as eu des nouvelles ? Comment va-t-elle ?
– Bien, répond Harry.
Alaine a dû percevoir le ton sec de sa réponse, car une moue imperceptible passe fugitivement sur ses lèvres.
– Quoi qu'il en soit, reprend-il, essayant de paraître enjoué alors que l'ascenseur s'immobilise, laissons là le passé. Tu es venu pour dîner, pas pour ressasser des souvenirs.
Les portes s'ouvrent, Alaine s'efface pour me laisser passer. Je me retrouve au milieu d'une salle de réception spectaculaire, pas vraiment élégante, mais loin de l'ordinaire. Elle a du caractère, un toit de verre ouvert sur le ciel nocturne sillonné de faisceaux de couleur. À l'accueil trône un aquarium, aux poissons aussi colorés que les cheveux de l'hôtesse.
La paroi entièrement vitrée, à gauche, révèle une partie de Santa Monica et du Westside ainsi que la plage, presque jusqu'au bout de la jetée. Sur le mur opposé, des panneaux lumineux répondent aux couleurs du toit. Je ne saurais dire si c'est un décor moderne ou futuriste, mais cela me plaît. C'est dynamique, différent, si vif et multicolore que je ne vois pas comment notre soirée resterait dans la grisaille.
– Je dois retourner en cuisine, dit Alaine. Mais Monica va vous conduire à votre alcôve. Mademoiselle Fairchild, j'ai été ravi de vous rencontrer. J'espère que vous apprécierez ce dîner et que je vous verrai tous les deux vendredi prochain à l'inauguration.
D'après son intonation, je comprends qu'il nous pose une question, mais je ne peux pas répondre, car je n'ai pas la moindre idée de ce dont il parle.
– Je ne pourrai pas y être, répond Harry. Mais je t'appellerai la semaine prochaine. Pour prendre un verre. Cela fait trop longtemps.
Ces paroles, parfaitement courtoises et amicales, sont prononcées derrière un masque. Alaine le voit-il ? Connaît-il vraiment Harry ? Ou bien ne connaît-il que les menus fragments que Harry a choisi de révéler au fil des années ?
Je pencherais pour la seconde réponse. Je doute que quiconque aie jamais pu découvrir tout ce qui se cache derrière son masque, et l'idée de ne pas avoir eu moi- même ce privilège m'attriste. J'ai tellement envie de braquer un peu de lumière dans ces tréfonds obscurs, et j'ose même croire que Harry souhaite que je le fasse. Mais il a mis si longtemps à élever des murailles pour protéger sa vie privée... je crois bien qu'il a oublié d'y ménager une porte. Il me reste à espérer que nous pourrons creuser ensemble une brèche dans ces murs.
Nous avons suivi l'hôtesse dans la salle, zigzaguant entre les tables jusqu'à une paroi lumineuse verte. Poussant une poignée que je n'avais pas remarquée, elle fait glisser le panneau, un peu comme la cloison japonaise d'une alcôve où se trouvent une table et deux banquettes derrière lesquelles une vaste baie laisse apparaître la jetée illuminée de Santa Monica.
Je suis Harry jusqu'à la vitre, attirée autant par l'homme que par les couleurs.
– Nous avons mis votre vin à décanter, dit Monica en indiquant la table, et je vais vous faire apporter de l'eau plate et de l'eau gazeuse. Ce sera comme d'habitude, monsieur Styles ?
– Juste l'entrée et le dessert, répond-il. Pour deux.
– Votre serveur vous apportera le premier plat dans quelques minutes, dit-elle en s'inclinant. En attendant, je vous laisse apprécier le vin et le panorama.
Elle nous laisse, referme la cloison et Harry se place à côté de moi, bouillonnant de colère. Soudain, il assène une grande gifle du plat de la main sur la vitre.
– Harry !
Je m'attends à ce que l'hôtesse surgisse, alertée par le bruit. Mais personne ne vient. Apparemment, l'endroit est bien mieux insonorisé que je ne l'aurais pensé.
– Sais-tu combien je vaux ? demande Harry.
– Je... Non, pas exactement, je réponds en clignant des paupières devant cette question surgie de nulle part.
Cela me vaut un petit sourire.
– Exactement. Je t'avoue que je l'ignore aussi. C'est plus que le PIB de nombreux pays, et sûrement bien suffisant pour que je sois largement à l'aise jusqu'à mon dernier jour. Il se retourne vers moi. Mais cela ne suffit pas pour empêcher ces salauds de se jeter sur toi.
– Harry, dis-je, touchée. Tout va bien, je n'ai rien.
– À cause de moi, tu es sur Internet en maillot de bain.
– Je suis sur Internet en maillot de bain parce que ma mère me forçait à participer à des concours de beauté depuis mes quatre ans. Et parce que je n'ai pas eu le courage de lui tenir tête, même plus âgée. Je suis sur Internet à cause de tous les cons qu'il y a dans le monde. Pas à cause de toi.
– Je n'aime pas que l'on te nuise à cause de moi, je n'aime pas ça du tout, répète-t- il. Mais je ne suis pas sûr d'avoir la force d'y changer quoi que ce soit.
– La force ? Il ne répond pas. Je vois une ombre passer sur son visage avant qu'il ne se retourne vers la baie vitrée. Harry Styles, l'homme le plus fort que je connaisse, est en proie au tourment, et brusquement j'ai peur. Harry ?
Sa paume posée sur la vitre se referme en un poing serré et ses muscles se crispent.
– Dans le temps, je possédais une petite entreprise de vins et fromages gastronomiques, dit-il. Ou plutôt, c'était la propriété de Styles International.
Je suis étourdie par ce brusque changement de sujet. Je ne sais pas pourquoi il m'en parle, mais il doit y avoir une raison. Je me glisse derrière lui et me colle contre son dos, mes bras autour de sa taille et mes lèvres sur sa nuque.
– Raconte-moi, dis-je.
– C'était une vieille entreprise familiale de bonne réputation. J'adorais leurs produits, et je me suis dit que cela pourrait être un partenariat rentable. Et ç'a été le cas, pendant un an.
– Qu'est-ce qui s'est passé ?
– Quand la presse a appris que Styles International était derrière cette petite entreprise, elle s'est déchaînée. Nous ne faisions pas de production industrielle et n'avions rien changé à l'entreprise. Nous avions simplement apporté assez de capitaux pour laisser l'affaire grandir à sa guise. Mais on nous a accusés d'être de grands capitalistes déguisés en entreprise familiale pour tromper les consommateurs. Tous ces commentaires négatifs ont stoppé net sa croissance. Et du jour au lendemain, une affaire qui était rentable s'est retrouvée dans le rouge.
– Qu'est-ce que tu as fait ?
Je retiens mon souffle, car je sais où il veut en venir, et cela ne me plaît pas.
– Je me suis retiré. Publiquement et ostensiblement. Malgré cela, il a fallu du temps pour que l'entreprise se redresse. Être associé à Styles International a failli anéantir un commerce dont j'adorais le vin et les fromages.
– Je ne suis ni un vin ni un fromage, dis-je doucement. Et je ne suis pas en chute libre. Jamais cela ne pourrait m'arriver avec toi à mon côté. Tu me soutiens, Harry. Nous le savons tous deux.
Il reste silencieux un moment. Puis, avec une brusquerie qui me coupe le souffle, il tire sur la cordelette autour de mon cou, me plaquant le dos contre la vitre glacée. Il recule pour me contempler, et soudain m'embrasse.
– Je le ferai, dit-il. Si c'est nécessaire pour te protéger, je te quitterai. Même si cela doit me tuer.
– Tu ne partiras pas, je proteste, haletante. Tu ne le feras pas, parce que cela me tuerait aussi.
– Oh, Nikki ! Il baisse la tête et referme ses lèvres sur les miennes. Je me cambre, éperdue. Je suis comme un interrupteur : il suffit qu'il me touche pour qu'un courant électrique me parcoure et m'illumine. Est-ce que tu imagines ce que j'ai envie de te faire, là tout de suite ?
– Dis-le-moi.
– Je veux te dépouiller de tous tes vêtements, caresser ton corps du bout des doigts, juste assez pour que tu t'éveilles à mon contact. Je veux voir les lumières de la jetée scintiller derrière toi et voir mon reflet dans tes yeux pendant que tu jouis... Mais je ne peux pas. Je crois t'avoir dit que je n'allais pas te toucher.
Je dois me retenir pour ne pas gémir.
– Vous jouez avec moi, monsieur Styles.
– Oui, répond-il. En effet.
– J'imagine que c'est juste, monsieur, dis-je. Je suis à vous, après tout. Du moins pour la soirée. Mais demain, je serai une femme riche et le jeu que nous jouerons aura de toutes nouvelles règles.
Un instant, il reste de marbre. Puis il hoche lentement la tête.
– Vous avez raison d'en parler, mademoiselle Fairchild. Je dois m'assurer que j'en aurai pour mon argent.
– Pour votre argent ?
– Avez-vous lu l'article de Forbes que je vous ai envoyé ? demande-t-il. Le journaliste a parfaitement su décrire ma philosophie en affaires.
– Je l'ai lu, oui.
À vrai dire, je l'ai même lu plusieurs fois, savourant chaque anecdote que j'apprenais sur Harry homme d'affaires.
– Oui, monsieur, corrige-t-il.
– Oui, monsieur... J'ai lu l'article.
– Alors vous savez que j'attribue une grande partie de ma réussite à ma capacité à tirer autant de valeur que possible de chaque transaction financière.
Je m'humecte les lèvres.
– Et je suis une transaction financière ?
– En effet.
– Je vois. Et comment envisagez-vous d'en tirer de la valeur ?
– Je vous l'ai déjà dit. Si vous avez décidé de ne pas faire attention...
– Vous avez dit que vous alliez me faire jouir. Sa bouche s'incurve en un petit sourire paresseux et les coins de ses yeux se plissent.
– C'est bien ce que j'ai dit. Brave fille. Vous aurez une bonne note, finalement.
Puis, avec une lueur machiavélique dans le regard, Harry s'empare de la cordelette au bas de mon dos et commence à tirer lentement dessus.
Oh ! mon Dieu !
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Trilogie Styles [Tome 2]
RomanceVoici la réécriture de la Trilogie Starck de Julie Kenner version Harry Styles des One Direction. Le Tome 2. « Pour Harry, notre passion est un jeu. Pour moi, c'est féroce, aveuglant et réel. Ses envies sont claires : besoin de jouissance, de contrô...