Trilogie Styles [Tome 2]

Chapitre 8

Chapitre 8 :

Nous ne sommes pas arrivées dans le bureau de Bruce qu'il en sort déjà. Quand nous nous sommes vus pour l'entretien, il était l'image même du businessman zen. Là, il a manifestement l'air épuisé.
 
– Nikki, quel plaisir de vous voir ! dit-il en me tendant la main.
 
La poignée est ferme et sans chichis, ce qui augure bien de notre avenir professionnel. Cindy retourne à la réception et Bruce m'entraîne vers les entrailles de l'entreprise. Il marche vite, et j'ai du mal à le suivre. Si ses chamailleries  avec sa femme  le tracassent, ça ne se voit pas. On dirait qu'il a des difficultés professionnelles, pas conjugales.
 
– Si je tombe mal... Je veux dire, je crois que les ressources humaines m'attendent.
 
– J'ai parlé à Trish, m'informe Bruce. Elle s'occupera de votre paperasse cet après- midi. Pour le moment, je voudrais vous confier quelque chose. Il s'arrête devant un bureau dont la porte fermée est couverte d'autocollants de personnages de BD et de logos de groupes. J'espère que cela ne vous ennuie pas que je vous livre aux fauves.
 
Je regarde la porte avec curiosité. Le fait est que j'ignore absolument de quoi il parle, mais je sais quelle réponse il faut donner à son nouveau patron quand il vous pose ce genre de question :
 
– Pas du tout. De quoi s'agit-il ?
 
– Problèmes d'agendas : j'ai deux rendez-vous à la même heure. Il faut que Tanner et vous descendiez en ville pour voir l'équipe informatique de Suncoast Bank. Ils s'intéressent à l'algorithme de cryptage sur 128 bits que nous bêta-testons. Vous allez vous occuper du marketing du produit, de toute façon, mais j'espérais vous laisser du temps pour vous acclimater avant de vous le confier. Désolé de vous flanquer tout ça sur le dos dès le premier jour.
 
– Aucun problème, dis-je.
 
J'ai répondu calmement, mais intérieurement j'exulte. Bruce m'a parlé du logiciel de cryptage de pointe d'Innovative durant mon entretien, et je sais qu'il est destiné à devenir le fer de lance de l'entreprise. Je ne pensais pas avoir droit à une mission aussi précieuse dès le début, mais puisque c'est le cas, j'ai bien l'intention de profiter de cette réunion pour prouver à mon patron que je peux faire ce boulot, et le faire bien.
 
–  Cela  ne  devrait  pas  être  trop  difficile  à  vendre,  ajoute-t-il.  Le  produit  est exactement ce qu'il leur faut, mais nous voulons que notre équipe travaille sur site pour veiller à ce que leur service informatique soit convenablement formé. Et avoir des yeux et des oreilles sur place pour réagir rapidement au moindre bug ou incident de fonctionnement.
 
– Bien sûr...
 
– C'est pour ça que j'envoie aussi Tanner, ajoute-t-il en frappant à la porte. Il a travaillé sur le développement du projet, et franchement je crois que ce serait bien pour lui de travailler pendant six mois sur le site du client.
 
– Pourquoi ?
 
– Si cela ne vous gêne pas de mélanger travail et plaisir, nous pourrons en discuter demain, quand je vous verrai. Pour le moment, disons simplement qu'en parlant de fauve, ce n'est pas le client que j'avais en tête.
 
– Bien sûr, dis-je, me rappelant qu'il va assister au cocktail lui aussi.
 
Durant la première heure de la soirée, seuls nos amis qui connaissent le modèle du tableau seront présents. Ensuite, Harry ouvrira le troisième étage à une flopée de clients de Blaine.
 
Une voix s'élève derrière la porte.
 
– J'ai déjà dit « Entrez ».
 
Bruce  pousse  la porte,  et un  blond  avec  un  bronzage  de surfer  et un  look  de vendeur lève le nez vers nous. Une tonne de papiers envahit son bureau et le sol. Il nous adresse un grand sourire. Je sais que je devrais attendre de mieux le connaître, mais instinctivement je le trouve déjà antipathique.
 
– Bruce, dit-il d'un ton enjoué, je viens de raccrocher avec Phil. Il nous envoie l'info sur la proposition de Continental Mortgage. Je vais faire en sorte qu'il ne les lâche pas.
 
– Très bien, répond Bruce, l'air un peu distrait. Tanner, je te présente Nikki.
 
Tanner sourit de plus belle, et pendant une seconde j'ai l'impression de me voir dans un miroir. Son sourire n'est pas plus sincère que celui que j'arborais dans les concours de beauté.
 
–  Nous  avons  beaucoup  entendu  parler  de  vous,  dit-il.  Tout  le  monde  était impatient de connaître la dernière tocade en date. Il jette un coup d'œil à Bruce avec un petit rire. Alors, bienvenue à bord !
 
– Je vais essayer d'être à la hauteur de vos attentes, dis-je.
 
Je me tourne juste assez pour éblouir les deux hommes d'un parfait sourire de Miss
Monde, ambiance Je-souhaite-vraiment-la-paix-sur-terre.
 
–  Je n'en  doute  pas  un  instant,  dit Bruce.  Nous  sommes  ravis  que  vous  vous joigniez à notre équipe.
 
La sincérité dans sa voix est évidente, et je constate à son expression que Tanner s'en rend compte, lui aussi.
 
– Il faudrait vraiment qu'on y aille, dit-il en prenant un tas de papiers en désordre sur son bureau et en les fourrant dans sa besace en cuir.