Chapitre 23

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Chapitre 23 :

Pour meurtre ! Mon regard passe d'Ollie à Harry. Le premier a l'air tout content de lui. Le second est décontenancé.
 
– Il n'y a pas de mise en examen, dit Harry.
 
Un bref instant, Ollie semble effrayé, puis il se ressaisit.
 
–  Non,  apparemment,  ils  gagnaient  juste  du  temps.  La  mise  en  examen  est intervenue il y a quelques minutes seulement. Vous n'étiez pas au courant ?
 
– Attendez, dis-je.
 
J'ai la tête qui tourne et je ne sais plus trop ce que j'éprouve. Colère ? Peine ? Peur ? Confusion ? Toutes ces émotions rivalisent en moi ; j'ai l'impression que ma cervelle va exploser. En y repensant, je regrette de ne pas avoir emporté quelques fragments de céramique avec moi.
 
Non. Respire calmement. Tu peux y arriver. Je me tourne vers Harry.
 
–  Depuis  le  début,  je  pensais  que  cette  affaire  en  Allemagne  concernait  une infraction  à  des  règlements  commerciaux  alors  qu'en  réalité  c'est  une  affaire  de meurtre ?
 
Il hésite, le regard fixe, comme s'il essayait de trouver dans mes pupilles la réponse à la question cachée tout au fond de moi.
 
– Oui, répond-il.
 
Et voilà.  Le  plus  grand  secret  de  tous,  celui  que  je  lui ai donné  des  milliards d'occasions de me révéler. Je pense au nombre de fois où j'ai parlé des régulations allemandes.  Où il m'a laissée continuer  de croire qu'il s'agissait d'une histoire de business.  Styles  International  en  proie  à  des  difficultés,  comme  n'importe  quelle grande firme internationale...
 
– Je croyais que ton entreprise avait un retard d'impôts ou quelque chose de ce genre. C'est...
 
– Pire, achève-t-il. Bien pire.
 
J'attends qu'il poursuive. Qu'il explique. Qu'il mente. Quelque chose. N'importe quoi. Il reste silencieux. Je laisse échapper un soupir excédé et je me masse les tempes. Il faut que je réfléchisse. Surtout, que je reste seule.
 
– Je m'en vais, dis-je. Je dois aller retrouver Jamie.
 
–  Très  bien,  dit Harry  d'un  ton  un  peu  trop  calme.  Edward  et moi allons  te déposer.
 
– Je vais rentrer par mes propres moyens. Merci.
 
– Je te reconduis, dit Ollie.
 
– Tu parles ! Avec Harry, je suis emportée dans un tourbillon  de fureur, de tristesse,  de  confusion  et  Dieu  sait  quoi  d'autre.  Avec  Ollie,  je  suis  simplement furieuse. Je vais prendre un taxi.
 
Tout en m'éloignant, je me retourne et croise le regard de Harry. J'hésite, m'attendant à ce qu'il me rappelle, mais il n'en fait rien. Un frisson glacé me parcourt alors. Lentement, je lui tourne le dos et continue vers la rue. Je suis blessée et désorientée, mais pour le moment, il faut que je me concentre sur une seule chose : il faut simplement que je rentre.
 
Beverly Hills est à deux pas de Studio City, et je suis chez moi en un rien de temps. Je me précipite dans l'appartement, m'attendant à trouver Jamie en larmes sur son lit.
 
Elle n'est pas là.
 
 

OK, OK. Réfléchissons... Où pourrait-elle être ?
 
Je connais suffisamment Jamie pour savoir qu'elle est capable d'apaiser ses bleus au  coeur  en  baisant avec un  autre type.  Je commence  alors à passer  en  revue les célibataires de l'immeuble avec qui elle n'a pas couché – c'est une des caractéristiques de  Jamie  : elle  remet  rarement  le  couvert  avec  le  même.  Comme  pour  souligner combien   mon   raisonnement   est   perspicace,   une   série   de   grognements   et   de gémissements me parvient d'à côté. Douglas a encore ramené une fille. Au moins, je peux barrer  celui-là  de ma liste.  Même  s'il a clairement  fait comprendre  qu'il en reprendrait bien un peu, Jamie a toujours refusé.
 
Je fais les cent pas dans l'appartement en me demandant où elle peut bien être. J'appelle  le bar  au  coin  de la rue,  mais  elle n'y est pas passée depuis  des jours. J'appelle Steve et Anderson, mais il ne l'ont pas eue au téléphone. Ils me donnent les noms d'autres amis communs, mais personne n'a eu de ses nouvelles ce soir.
 
Merde, merde, merde !
 
Même si je sais que ça ne servira à rien, j'appelle la police. J'évite le numéro des
urgences et appelle directement le commissariat. J'explique à l'officier de permanence que ma coloc' est partie ivre de la soirée, mais qu'elle n'est pas rentrée et que je m'inquiète  qu'elle  finisse  par  être  retrouvée  morte  dans  un  caniveau.  Il est assez aimable,  mais  ne  m'envoie  personne  pour  autant.  Il  faudrait  qu'elle  soit  portée disparue depuis bien plus que quelques heures.
 
Je ferme les yeux et réfléchis encore. Peut-être a-t-elle dit quelque chose à Edward ? Qu'elle allait se changer et sortir en boîte ? Qu'elle allait voir des amis ? Qu'elle partait à l'aéroport prendre le prochain vol pour New York ?
 
Je n'ai pas le numéro d'Edward et j'hésite, le doigt au-dessus du nom de Harry. Je ne suis pas disposée à lui parler, mais il faut que je sache. Je respire un bon coup, compte jusqu'à trois et appelle.

 
Il  répond  dès  la  première  sonnerie  et,  bon  sang,  les  sanglots  me  montent directement à la gorge.
Alors que je demande à parler à Edward, Harry fait irruption dans l'appartement. Interdite, je le vois venir vers moi et prendre délicatement le téléphone puis l'éteindre.
 
– Comment tu es arrivé aussi vite ?
 
– Edward est garé au bout de la rue. Je voulais passer de toute façon, mais te laisser un peu de temps avant.
 
– Ah... Tu as questionné Edward ?
 
– Elle ne lui a rien dit. Il l'a accompagnée jusqu'à l'appartement et l'a entendue verrouiller la porte avant de partir. Il s'est dit qu'elle allait se coucher.
 
Une main sur le front, je m'efforce de prendre une décision, mais rien ne me vient. Je ne sais pas. Je suis complètement perdue et atrocement angoissée.
 
– Elle est bourrée et très en colère. Elle va faire une bêtise.
 
– Tu as regardé si sa voiture était là ?
 
 Zut ! Je n'y ai même pas pensé.
 
– Elle a pu prendre un taxi ou demander à un ami de venir la chercher, mais si la voiture est encore là, c'est un début. Je peux demander à quelqu'un de mon personnel de sécurité d'appeler les taxis pour savoir s'il y a eu un appel, et ensuite...
 
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je suis déjà à la porte. Je l'ai à peine entrouverte que je me fige en apercevant Jamie, un peu dépenaillée,  hirsute, mais apparemment saine et sauve.
 
– James ! Je me précipite sur elle et la prends dans mes bras avant de reculer d'un pas pour vérifier qu'elle n'a rien. Tu vas bien ? Où étais-tu ? Elle hausse les épaules, mais, une fraction de seconde, son regard oblique vers le mur qui nous sépare de l'appartement de Douglas. Oh, James...
 
Mais elle a l'air si malheureuse que je ne poursuis pas. Le sermon peut attendre. Pour le moment, je dois mettre au lit ma meilleure copine ravagée de chagrin.
 
– Je vais la coucher, dis-je à Harry. Je reviens dans un instant, j'ajoute après une hésitation.
 
Il hoche la tête et j'accompagne Jamie dans sa chambre pour l'aider à se déshabiller. Elle se couche en soutien-gorge et petite culotte.
 
– J'ai déconné, non ? demande-t-elle.
 
– C'est Bryan Raine qui a déconné, dis-je. Toi, tu as juste besoin de dormir.
 
– Dormir, répète-t-elle comme si c'était la chose la plus merveilleuse au monde.
 
– Bonne nuit, James, je chuchote.
 
Je m'apprête à la laisser, mais elle me prend le bras.
 
– Tu as de la chance, dit-elle. Il t'aime.
 
Je retiens mes larmes. J'ai envie de tout lui dire, mais ma meilleure amie est à moitié endormie et l'homme qui m'aime peut-être – mais qui m'a menti – m'attend dans le salon. Je ne suis pas prête à l'affronter. Mais je quitte la chambre et vais retrouver Harry. Il raccroche juste quand j'arrive.

 
– C'était Edward, dit-il. Je l'ai congédié. Je reste ici cette nuit.
 
– Je ne crois pas que...
 
– Je reste, dit-il. Dans ton lit, sur le divan, dans la fichue baignoire. Je m'en fiche, mais tu ne te débarrasseras pas de moi, pas ce soir.
 
– Très bien. Comme tu voudras, dis-je, de guerre lasse. Mais je vais me coucher. Je regarde le lit qui occupe presque tout le salon  – notre lit – et la tristesse qui me submerge me ferait presque chanceler. Dans ma chambre. Il y a une couverture dans le placard de l'entrée. Sers-toi dans le frigo si tu as faim.
 
Sur ce, je tourne les talons, gagne ma chambre et referme la porte.
 
Cinq minutes plus tard, je suis couchée, les yeux grands ouverts, quand on frappe discrètement à ma porte. Je pourrais faire semblant de dormir. J'y songe un instant. Mais si je suis encore vexée et fâchée, je n'en désire pas moins Harry. Et mon désir l'emporte.
 
– Entre, dis-je.
 
Il entre avec deux mugs de chocolat chaud. Je ne peux m'empêcher de sourire.
 
– D'où tu sors ça ?
 
– De ton placard. Ça te va ?
 
J'acquiesce. Je ne suis pas d'humeur à boire du vin ou de l'alcool fort, mais un chocolat chaud réconfortant est le bienvenu. Il pose le mien sur la table de chevet et s'assied sur le bord du lit. Un lourd silence s'installe entre nous.
 
– C'est Richter, dit-il finalement. On m'accuse du meurtre de Richter.
 
J'essaie de digérer l'information en réunissant ce que je sais de Harry et ce que je sais de la mort de Richter.
 
– Mais c'était un suicide, et c'était il y a des années.
 
– Ils s'appuient sur le fait que j'ai hérité de son argent.
 
– C'est vrai ?
 
– Oui. Mon premier million. Cela a été caché à la presse. J'ai versé à Charles une bonne partie de cet argent pour qu'il y veille. Mes ennemis avanceront qu'un million de dollars est un mobile très motivant.
 
– C'est ce qu'ils disent ? Mais tu étais gosse. Le monde entier a été au courant au moment des faits. L'entraîneur du jeune prodige du tennis Harry Styles s'est suicidé en se jetant du toit dans un centre de tennis de Munich. Et tu gagnais déjà de l'argent.
 
– La plupart des gens riches veulent l'être encore plus.
 
– L'argument est ridicule. Il t'a probablement laissé sa fortune pour la même raison qu'il s'est suicidé. La culpabilité du vieux pervers...



– Je ne suis pas sûr que Richter ait jamais éprouvé une seconde de culpabilité dans sa vie, dit-il. En tout cas, je crois qu'ils s'appuient davantage sur le témoin que sur l'argent.
 
– Qui est le témoin ?
 
– Un employé d'entretien. Elias Schmidt. Il s'était présenté juste après la mort de Richter, mais mon père lui a versé de l'argent et il a disparu sans rien dire à la police. Evelyn  était là à l'époque.  Tout comme Charles.  Un  livre devait être publié pour développer l'hypothèse selon laquelle j'avais tué mon entraîneur. Le projet a été tué dans l'½uf, et les rumeurs étouffées.
 
– L'employé a été payé, mais il est revenu ? je demande, essayant de comprendre.
 
–  Non.  Il  n'est  pas  revenu.  La  police  allemande  a  appris  son  existence  et  l'a recherché.
 
– Comment ?
 
– Je n'en sais rien. Il respire le calme, il s'est transformé en homme d'affaires. Je le vois, car il relate les détails de la transaction sans s'y impliquer émotionnellement. Mais je crois que mon père les a mis sur sa piste.
 
–  Quoi ? Je suis indignée. Pourquoi ? Mais pourquoi aurait-il fait une chose pareille ?
 
– Pour me punir de ne pas lui avoir donné plus d'argent.
 
Un  frisson  m'envahit.  Ma  relation  avec  ma  mère  est  tordue,  mais  là,  c'est  le pompon. Toute cette histoire me fait peur.
 
– Mais ils céderont quand tu présenteras ta défense. Tout ira bien. Évidemment, ça va te coûter un camion de dollars, mais tu as un milliard de camions de dollars, non ? Et puis tu es innocent, et ils vont abandonner les poursuites tôt ou tard.
 
– L'argent aide, dit Harry, mais ce n'est pas une garantie. Et il arrive régulièrement que des innocents soient accusés. Et puis, ajoute-t-il sans la moindre émotion, je ne suis pas innocent.

Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant