Chapitre 8

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C'est la routine qui reprend : se lever, se laver, s'habiller et penser à tous les arguments possibles qui peuvent expliquer l'absence de Julien. Faire tout ça en attendant son message qui ne vient et qui ne viendra sûrement pas... Prendre son petit déjeuner, esquisser un faible sourire lorsque sa mère passe l'arcade qui mène à la salle à manger afin de ne pas trop l'inquiéter. Si seulement elle savait... Si seulement elle pouvait y faire quelque chose... Impossible... Retourner en haut, prendre son sac, s'asperger de parfum, se brosser les dents, se recoiffer puis ensuite prendre son manteau et enfin sortir de chez soi pour aller suivre les cours. Comme tous les matins regarder la maison d'en face, la voir éteinte de toute animation. Se tourner vers la voiture en baissant les yeux et arriver à la portière... Cette routine qui se casse lorsque la place que l'on emprunte tous les jours est occupée par une personne. Regarder et voir cette routine s'effondrer. Ne plus bouger de peur que cette personne disparaisse, ne plus bouger de peur de tomber sur l'allée de grandes dalles de béton blanches où reste garé le véhicule. Rester sans mots pendant environ cinq minutes alors qu'en vérité trente secondes se sont écoulées. Ne plus savoir que faire et se poser une multitude de questions comme : Que fait-il ici ? Ou encore : Est-ce que je rêve ? Voir que ce n'en est pas un, ni une hallucination. Se demander comment c'est possible. Puis voir enfin ses yeux verts clairs émeraude qui nous manquaient tant refléter le ciel gris du dehors. Se remémorer enfin son prénom, et pouvoir à nouveau poser un nom sur ce visage. Retrouver la faculté de penser pour finir par se demander : Que fait Julien assis à ma place dans la voiture ? Il est revenu ? Où était-il ? Pourquoi n'a-t-il répondu à aucun de mes messages ? Se ressaisir et se raidir. D'une main tremblante et avec les jambes vacillantes attraper la poignée de la Laguna noire. Monter enfin dans la voiture en tentant de maîtriser toutes les émotions qui me submergent : joie, rancœur, colère, soulagement, tristesse, hystérie... Je commence à devenir fou. Il faut que je me calme. Maîtrise tes émotions. Respire, ce n'est pas non plus la fin du monde. Mais ce message est-il arrivé ? Je regarde sur mon portable. Rien. La joie laisse alors la place à la colère : Ne suis-je donc qu'une tâche, un boulet à tes yeux ?

Aucun mot ne sort de ma bouche pendant le trajet. Même lorsque ma mère essaye de m'introduire dans la conversation qu'elle entretient avec mon "ami" je ferme les yeux et tente de me calmer puis je lui jette un regard noir. C'est au bout de la troisième fois qu'elle comprend que je ne peux pas parler sous peine d'exploser. Julien, oui Julien, quant à lui reste de marbre dans le siège devant moi et ne présente aucun signe d'une quelconque émotion. Pas une fois il ne m'a adressé la parole. Sait-il ce que je ressens ? Pourquoi ne m'a-t-il pas répondu ? Pourquoi ne m'a-t-il pas prévenu de son retour ? Pourquoi ne pas m'avoir envoyé de ses nouvelles ? Pourquoi ? Pourquoi, c'est bien la question à laquelle j'attends une réponse. Cependant il ne fait que répondre aux interrogations futiles et inutiles que ma mère lui pose telles que : Qu'as-tu fais de ton après-midi d'hier ? Je n'ai pas voulu entendre sa réponse et me renfrognant dans mon siège et dans mes réflexions, je me demande si elle a remarqué son absence des jours précédents. La joie et la confusion qui s'étaient emparées de moi lorsque j'avais croisé son regard ont laissé place à une haine fulgurante qui me noue la gorge. Ses sentiments d'amitié que je pensais réciproques, sont-ils véritablement partagés ?

Je m'efforce tant bien que mal de ne pas accorder d'attention aux réponses de Julien. Sa voix, qui a peu à peu disparue de mes souvenirs, me semble avoir pris un timbre bien plus doux, plus envoûtant que celle qu'il arborait avant son départ. Il me paraît aussi bien plus calme et posé. La maturité l'aurait-elle emportée ? Est-ce véritablement lui qui se tient près de moi ? Suis-je tellement aveuglé par la colère que je ne suis plus en mesure de reconnaître ce qui me semble être un ami ? J'ai l'impression d'être assis derrière un adulte réservé et responsable. Mais pourquoi ? Pourquoi une simple absence aurait-elle réussi à le changer comme ça ? Non, je refuse d'y croire. Julien je sais que quelque part tu es resté le même et j'attends que tu reviennes.

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