Chapitre 15

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Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. Pourtant, avec Lucie qui attendait ma sortie de la salle de bain, nous nous étions chargés de regrouper au maximum toutes les choses indispensables à un bon sommeil. Nous avions remis un peu d'ordre au niveau de mon lit pour que nous puissions trouver le matelas à sa place sur le sommier ainsi que les oreillers qui avaient... que j'avais fait valser à l'autre bout de la pièce. L'un avait été retrouvé sur le bureau et l'autre dans le coin où le panier de mon chien était positionné. Nous nous étions couchés, exténués de cette journée, le mental perturbé et le corps meurtri après que Lucie ait pris une douche elle-aussi. La journée qui suivit ne fut pas non plus attendue, un silence de mort et de réflexions non formulés alourdissait l'atmosphère de la maison si bien que j'ai été obligé de la quitter pour m'aventurer dans les profondeurs des abysses de ma piscine. Je n'avais même pas pris la peine de me déshabiller, ni même de m'habiller le matin même d'ailleurs. J'ai plongé dans l'eau et me suis mis sur le dos à attendre la nuit. La nuit. Encore une nuit.

Une nuit encore je me réveille en sursaut pour la troisième fois, je crois. Des sueurs froides dans le dos, une Lucie aux aguets s'est malgré elle habituée à ces crises de panique nocturnes qu'elle tente depuis lors de gérer du mieux possible. Les cauchemars me hantent. Mes parents... Ce sont les mêmes et à cet instant précis je hais l'idée d'avoir une imagination débordante. Les cauchemars sont les mêmes. Dans l'un, je vois mes parents étalés sur le sol, les yeux révulsés et une trace de morsure au cou, mais je vois aussi Matéo. Matéo qui s'essuie les lèvres rouges écarlates de ses longs doigts fins. Dans l'autre, mon père et ma mère – ou du moins ce qu'il reste de leur corps carbonisés -, ne sont plus que de vagues silhouettes fumantes et méconnaissables. Pourtant je sais que ce sont bien eux, mon subconscient me le crie, me le hurle... Et au-dessus d'eux... Une Sandrine flamboyante arbore un rictus mauvais et satisfait en surplombant la scène. Le suivant est avec Owen qui, le pelage tâché de sang, tient dans sa grande gueule de loup un bras de mon père et les restes de mes parents désarticulés jonchent le sol sous ses pattes poilues. Le dernier, et le plus effrayant de tous... Ma mère qui me tient dans ses bras. Sauf que ce n'est pas ma mère. Julien a pris l'apparence de ma figure maternelle qui, elle, dort au fond du garde-manger raide comme un piquet aux côtés de mon père, les yeux ouverts et pourtant éteint à jamais.

Les jours défilent et toujours ce silence de mort qui règne dans la maison. Nous ne savons plus quel jour nous sommes, où nous sommes, qui nous sommes. Nous avons atteint un niveau de dérèglement temporaux-spatiaux qui dépasse les limites de ce que nous pouvons qualifier de supportable pour nous autres, êtres HUMAINS. Nous avons oublié maintes fois de manger, de boire si bien que nous n'avons pas de repas à proprement parlé, juste du grignotage quand notre estomac nous ramène à la réalité et que nous trouvons la force de nous lever. Nous...Je...Je... Je ne sais plus quoi faire pour nous sortir de là. Faut-il céder ? Abandonner l'idée que nous reverrons un jour nos parents ? Le fait de ne plus penser à eux, de ne plus être bouleversé par cette séparation, de sourire à nouveau, de... de... de vivre, tout ça, est-ce bien ? Avons-nous le droit ? Etre heureux est-il encore possible ? Je veux passer à autre chose, oublier toute cette histoire, oublier et vivre. Je... Je ne veux plus être rongé par ces sentiments négatifs.

Une lumière vient de s'allumer dans mon esprit. Une idée folle mais qui pourrait nous ramener à la réalité et nous faire redevenir nous-même. Alors que nous sommes dans la cuisine, les yeux rivés devant un piètre repas, je reprends conscience, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un bon moment. Je tâte ma poitrine à la recherche de cet objet. Je la trouve au-dessus de mon nombril, là où est sa place, là où elle est restée accrochée depuis son apparition. Je tire sur le cordon d'un de mes doigts et la prends dans ma main, priant pour que je puisse m'en servir. Je prie, prie, prie. Puis... Une étincelle de génie. D'un geste brusque et à la surprise de mon amie, je l'attrape par la main et l'emmène devant la porte menant de la salle à manger au jardin. J'insère la clef à l'intérieur de la serrure qui ne devrait pas être adaptée pour l'accueillir. Et pourtant...

Hidden MysteryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant