Chapitre 9

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Julien marque une pause à la lisière de la dite forêt et se retourne pour la première fois. Il saute du goudron que forme la route sur la terre du sentier se perdant dans les entrailles du bois avant de me tendre la main. Son regard est toujours rivé sur je ne sais quoi parmi les arbres. J'essaie de voir ce qu'il voit mais impossible, rien ici ne me semble anormal. J'entends des oiseaux chanter, les feuilles qui bruissent dans le vent, et peut-être un faible cours d'eau prenant sa source quelque part dans les tréfonds de la terre. Je décide enfin de lui prendre la main et m'apprêtant à sauter tel un chat comme l'avait fait Julien, je me fais brusquement attirer à celui-ci. Sa force est telle que je manque de trébucher sur lui. Il me regarde dans les yeux pendant quelques secondes. Nos deux visages sont proches, trop proches pour que je puisse ignorer les battements de son cœur qui restent réguliers en comparaison avec le tambourinement du mien. Il se décroche de moi sans aucune parole. Pourquoi ? Mais parle bon sang !

Nous marchons en silence. Enfin, aucun son d'origine humaine ne se fait entendre. Rien que la nature pour nous accompagner. Le sentier s'étend sur peut-être deux kilomètres et c'est seulement au niveau du croisement avec deux autres chemins que nous nous arrêtons pour la première fois depuis notre départ du lycée. Julien me tourne le dos, se frotte la nuque. Sommes-nous perdus ? Je me vois prisonnier de cet endroit, mourant de froid en pleine nuit, n'ayant rien pour me réchauffer ni pour boire ou manger. Je commence à paniquer. Pourquoi est-ce que je panique ? Ce n'est pas mon genre de paniquer. Soit rationnel Gwen ! Il nous suffirait juste de prendre le chemin que tu viens de traverser en sens inverse ! Idiot ! Julien se retourne enfin. Mais son expression n'est pas pour me rassurer. Je baisse la tête, repensant au fait que sa voix peut à tout moment se manifester et pourrait alors m'inciter au calme.

« J'aimerais essayer quelque chose si tu veux bien.

Je relève les yeux vers lui, perplexe.

- J'aimerais te bander les yeux et te faire mettre des bouchons d'oreilles. Je sais que je t'en demande beaucoup mais...

- Ok. Réponds-je sans réfléchir. »

Après avoir pris le nécessaire dans son sac il me tend un bandana blanc et les fameux bouchons d'oreilles. Je m'exécute. Mon esprit aventurier aux aguets et ma soif de découverte prête à prendre le dessus sur la peur et l'angoisse qui m'avaient assaillies jusqu'ici. Je ne sais pas dans quoi je m'embarque mais je sais qu'il ne me laissera pas tomber. Enfin je l'espère.

Je le laisse donc me guider. Je ne sais pas lequel des deux chemins nous avons emprunté et aucun indice ne peut m'aider à me diriger. Je balance ma main gauche devant moi faisant tout de même attention de ne pas gifler Julien qui me tient l'autre main. Il adapte l'allure au rythme de mes pas et surtout il ne me lâche pas. Nous marchons pendant quelques minutes. C'est vrai que j'ai totalement perdu la notion du temps. Je sens juste les rayons du soleil sur ma peau et me dis que la veste que j'ai prise pour passer l'après-midi sera de trop. Je ne sais pas où il m'emmène mais je sais que nous y sommes presque. Ses pas se font plus lents et sans crier garde, grand bien lui fasse puisque je n'entends rien, il attrape mon autre main. Environ une minute après il s'arrête totalement et me lâche. Il me laisse comme ça. Est-il encore près de moi ? Je me torture à savoir dans quel endroit je me trouve. Je ne vois toujours rien et je n'entends guère plus. D'un coup Julien m'attrape la main. Je sursaute, incapable de prévoir ce contact j'ai été surpris. Je pense qu'il est en train de rigoler, j'en suis presque sûr. Il se délecte de ce moment. Finalement il n'a pas changé tant que ça. Je le retrouve peu à peu, le véritable lui. Il place mes deux mains au niveau de mes oreilles et il n'a pas besoin de se faire prier.

Je retire immédiatement les bouchons et, étant très pressé, je commence à enlever le bandana quand il m'attrape les mains fermement. Je me statufie, aurais-je voulu aller trop vite ? Je laisse mes bras en suspens. De toute façon, avec la force que Julien exerce sur mes poignets je ne peux rien faire d'autre. J'écoute attentivement pendant une fraction de seconde avant de froncer les sourcils. Serait-ce vraiment ça ? Ce son je ne l'ai entendu que sur les vidéos mais je sais le reconnaître. Julien, voyant que je me suis calmé et seulement une fois qu'il a constaté que je sois bel et bien troublé, libère mes yeux de ce cauchemar sans images. Ils mettent du temps à s'adapter à la lumière du soleil. Je place ma main au-dessus d'eux pour enfin discerner l'endroit où nous nous tenons.

Hidden MysteryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant