Chapitre 10

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Lundi matin, nous retournons en cours. Le fait que nous nous soyons réconciliés avec Julien s'est fait ressentir dans notre trio avec Lucie. Nous avons passé le week-end en appel pour faire nos devoirs. Surtout des maths, où notre amie a plutôt joué la prof au lieu de faire ses exercices. Notre heure d'espagnol, qui a pour habitude de se dérouler en préfabriqué 2, se déroule en I33. Julien et moi avons traîné dans les escaliers et Lucie ne nous a pas attendus. Toujours le dos droit et la tête haute. Nous sommes arrivés essoufflés et les mains sur les genoux. Je crois que nous n'aurons pas besoin de faire sport demain ! Plus j'y pense et plus je me dis qu'il doit manquer des heures de sports sur notre emploi du temps et qu'elles ont été remplacées par la montée et la descente du bâtiment I.

L'heure d'espagnol se déroule comme les autres. J'embête Julien à la moindre occasion. Lucie se retourne et me fait les gros yeux, signe que je dois vraiment me concentrer. Voudrait-elle me faire un contrôle surprise ? Elle en serait capable pendant nos appels. Ça ne m'empêche pas de prendre en note la leçon en tout cas. C'est juste un divertissement de plus ! Et puis, j'ai envie de rattraper le temps perdu, moi.

L'horrible sonnerie me tire de mes pensées. Dois-je l'en remercier ? Aucune idée. Nous empruntons donc le même chemin que nous avions pris mais cette fois dans le sens inverse après avoir salué notre professeure. Nous nous dirigeons vers les escaliers quand quelque chose que je ne saurais expliquer m'en empêche. Au dernier moment, je bifurque vers ce qui me retient. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais une force me bouleverse et m'empêche d'avancer dans la cage d'escaliers. Les soixante-six marches devront attendre. Je détourne le regard pour enfin comprendre ce qui me retient. La porte de cette salle, ouverte.

Ouverte elle est vraiment ouverte. La I37 est maintenant ouverte. Quelque chose me pousse à m'aventurer dans cette pièce. Une attraction que j'ai déjà ressentie il y a très peu de temps. Je ne peux pas résister. Et d'ailleurs, comment se fait-il que la porte de cette salle s'ouvre dans le sens inverse des autres ? Je pense que ce ne doit être qu'un détail mais que ma curiosité me fait prendre toute chose différente comme quelque chose d'anormal. Je regarde autour de moi en espérant trouver quelqu'un qui me dise ce que je dois faire. Le couloir est vide et plus un bruit ne se fait entendre. L'absence de fenêtre vient renforcer cette atmosphère lourde et angoissante. Je me retrouve tout seul face à cette porte ouverte. La curiosité prend le dessus sur toutes mes autres émotions.

J'approche d'un pas, me retourne, toujours rien. Alors j'en fais un deuxième, puis un troisième. Je me rends compte que je suis à la frontière de la salle. En face se dresse une tout autre porte de la même couleur que toutes les autres : Bleue paon. Je passe ma tête rapidement, rien. Alors j'entreprends de passer mon pied droit, toujours rien. Mes oreilles commencent à bourdonner. L'absence de bruit devient alors encore plus pesante et j'ai l'impression que ma tête est immergée dans l'eau. Comme si le monde réel avait disparu et que je me retrouvais dans une dimension parallèle loin des autres, seul. Quelque chose m'attire. La crainte disparaît d'un seul coup, comme emportée par un courant d'air, je n'ai plus peur. Je passe la porte d'un pas serein et comme si je savais ce que je devais faire, comme guidé par une force mystérieuse, je me dirige vers la gauche. Je continue de marcher tout en sachant parfaitement où je vais, enfin où mon corps sait où je vais. Mes pieds le savent mais mon esprit loin de moi ne sait ce qu'il se passe.

Je comprends enfin. Je me dirige vers ÇA. Oui, vers cet objet posé sur son socle en acier qui est lui-même posé sur une sorte de grand pupitre rectangulaire en bois clair soutenu par quatre pieds fins. Elle m'attire. Impossible d'y résister. Je n'y arrive pas. Je parcours la salle à une vitesse effrénée et pourtant je ne me rapproche que de quelques centimètres à chaque pas. Je ne peux pas nier ce que je vois. Une épée. Une grande, une brillante et surtout une attirante épée posée sur son socle. Je ne peux pas résister. Je m'approche, je réalise enfin que je ne me tiens plus qu'à quelques petits mètres d'elle. Je dois m'en emparer, je veux m'en emparer, plus rien ne peux plus me retenir. Je jette mon sac à terre tends la main vers l'objet que je désire plus que ma propre vie. Je m'en rapproche, encore un peu, encore un peu. Enfin, j'y suis presque. Plus qu'un pas, un seul petit pas, plus qu'un. Je me tiens devant elle. J'y suis, devant ce pupitre de bois à hauteur de poitrine. Plus rien ne peut me retenir. Je suis si proche. Je passe ma main au-dessus de ce fantastique objet, impossible de la toucher tellement elle est belle. Je ne peux la toucher, comme si cet objet était plus précieux que n'importe quel autre, luxueux. Trop luxueux pour moi, un simple être humain parmi tant d'autres. Pourquoi ce privilège m'est-il accordé, à moi ? Je suis simplement moi. Moi, Angélia Gwenaël, élève de seconde cinq. Pourquoi pas quelqu'un d'autre ? Pourquoi moi ?

Hidden MysteryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant