Chapitre 17 : Zan

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Environ 7 ans auparavant

J'avais tout quitté il y a plus de trois ans parce que je n'étais pas heureux, pour être autre chose qu'un animal en cage, quelque chose qu'on sortirait juste de temps en temps. Je suis parti parce que je méritais mieux, je voulais autre chose. Je savais que je ne manquerais à personne de toute façon. Quitter un des quartiers du secteur 1 pour autre chose, une vie plus sobre, plus difficile, je dois passer pour un demeuré. Pourquoi renoncer à tous ses privilèges ? C'était le sacrifice que je devais faire pour être enfin traité comme un être humain à part entière.

J'avais des plans pour pouvoir enfin m'échapper, pas pour la suite. À vrai dire je pensais mourir en y arrivant, je crois qu'une part de moi l'espérait. J'étais sans doute un peu trop dramatique. Les personnes qui me retenaient de force dans le manoir étaient étrangement heureuses de me voir partir. J'avais néanmoins peur que ça ne dure pas, que ce soit qu'une manière de me donner une leçon. Alors j'ai fui dans un endroit où j'étais sûr qu'ils ne viendraient pas me chercher. J'ai oscillé entre le secteur 6 et le 5. Ce fut un véritable choc des cultures pour moi. Je m'en suis sorti que grâce à la curiosité que les gens avaient pour moi, mon statut. Un adolescent qui appartient au cercle premier et qui vient s'embourber dans les bas quartiers ? Il y avait les curieux, les profiteurs, les envieux, mais pas beaucoup de personnes bien intentionnées. Pas au début en tout cas.

J'ai dormi dehors les premiers jours, j'avais l'impression d'être démuni, je n'étais pas habitué à ça. J'étais jeune et je n'avais aucune idée de comment m'en sortir. C'était si dur et si humiliant que je me suis demandé si ça valait le coup. Partir pour vivre encore plus misérable qu'avant, je ne voulais pas ça. Heureusement pour moi un groupe de reclus du secteur 5 m'a pris en pitié. J'ai dû néanmoins faire mes preuves pour pouvoir gagner leur confiance et entrer véritablement dans leur cercle. La seule fille du groupe craquait pour moi et m'a pas mal aidé. J'ai pris conscience à ce moment-là que j'avais dû charme et que mon physique avantageux pouvait s'avérer utile. Une fois le groupe intégré, les gens, mais également ma situation s'est avéré plus facile à supporter, déjà parce que je n'étais plus seul.

Ce n'était pas la joie, mais je refusais de me laisser abattre, cette vie je l'avais choisie, je démarrais de rien et j'allais pouvoir devenir quelqu'un par mes propres moyens. Je n'avais aucun rêve, je ne connaissais rien, et tout me paraissait magique, incroyable. J'avais l'impression qu'on m'avait caché le monde jusqu'à présent et que tout allait bien trop vite, c'était dément. Il y'avait beaucoup de mauvais jours, mais je n'avais qu'à me rappeler mes journées interminables, ennuyeuses et sombres au manoir et ça m'aidait à tenir. Lorsque ça ne suffisait pas, je pouvais me perdre dans les bras de cette fille qui craquait pour moi.

J'ai découvert le sexe après mon 15e anniversaire. Je n'y connaissais rien et j'ai vite adoré ça. C'était à la fois bizarre et si existant. J'avais craint de commettre une terrible erreur, après tout on m'avait toujours affirmé que si je touchais quelqu'un d'une caste plus basse, des gens impurs, je serais contaminé, je pourrirais de l'intérieur et puis je mourrai. Bien entendu il ne s'est rien passé de tout ça, je me suis senti stupide d'avoir cru à ses sottises.

Avec le temps, j'ai découvert qu'on m'avait menti. Je me suis alors fait un plaisir de réaliser tous les interdits, ça amusait le groupe de voir cet adolescent un peu précieux sur les bords se rebeller. J'ai eu plein de premières fois avec eux, j'étais tellement heureux et j'avais l'impression de leur devoir tellement que je ne voyais pas qu'il n'était pas complètement bon pour moi. Ils faisaient leurs coups dans mon dos, peut-être pour me protéger, me préserver de tout ça. À moins que malgré les mois, le temps qui passait, ils n'eussent pas totalement confiance en moi. Après la connerie de trop, ils se sont fait arrêter et la plupart ont terminé en prison. On ne pardonne rien aux habitants du secteur maudit, le secteur 5. Je me suis retrouvé seul et ça a été la dégringolade. J'étais dépendant d'eux, autant émotionnellement que matériellement.

Porcelaine - Fissure de verreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant