Porcelaine - Fissure de verre

Chapitre 1 - Ash

"La déception ne vient jamais des autres, elle n'est que le reflet de nos erreurs de jugement."

Vincent Gury

Novembre

La musique est forte, c'est une chanson du moment que tout le monde a déjà entendu au moins 10 fois rien qu'aujourd'hui, mais qu'on apprécie toujours autant. L'attrait de la nouveauté sûrement et dans moins d'un mois, tous seront pourtant passés à autre chose, à une autre chanson. C'est comme ça.

Assis au bar en train de siroter mon mojito, j'observe la fille à côté de moi qui me parle gaiement. C'est une jolie rousse aux formes généreuses, un teint pâle et des yeux malicieux. Elle est très jolie et dégage quelque chose d'assez félin.

Je me demande si je la connais... Elle me parle comme si l'on était de vieux amis. Elle se rapproche de moi en rigolant, sûrement à propos d'une bêtise qu'elle aurait dite, et pose sa main gauche sur ma cuisse droite. Je déteste les personnes qui agissent ainsi, qui font comme si tout leur était acquis.

Je me dégage lentement, ne voulant pas qu'elle prenne mon recul pour du dégoût à son égard. Je vois alors ses lèvres s'agiter et n'ayant pas envie de faire semblant de m'intéresser à ce qu'elle dit, je me détourne.

Je regarde autour de moi. Ce soir, la boîte est remplie. De toute façon, c'est toujours comme ça au Dancing Night. Un club qui ne paye pas de mine de l'extérieur, mais qui a vraiment su se faire une réputation au cours des cinq dernières années. J'ignore bien à quoi il pouvait ressembler avant, mais je suis satisfait de la version actuelle. C'est l'un des rares clubs de la ville qui accepte des gens de tout genre. Même s'il faut dire qu'on ne voit pas beaucoup la première sphère, celle qui se compose des Saints, des élites et des nobles. En apparence rien ne permet de différencier les différentes catégories de personnes, mais ces gens-là sont trop fiers de ce qu'ils sont et de pouvoir écraser les autres pour s'en cacher.

Et soyons honnêtes, aucun de ces snobinards n'irait s'aventurer ici.

Apolline dite « Line » est la meilleure aux platines même si là tout de suite, j'ai du mal à reconnaître ce qu'elle nous fait écouter. C'est samedi, il y a du monde, tout le monde aime faire la fête le week-end, plus particulièrement ceux qui ont envie d'oublier leur semaine de merde. Personnellement je fais de même avec ma vie, mais je dois dire que je n'obtiens pas vraiment de résultat probant pour l'instant.

Soudain, la chanson change et l'atmosphère n'est plus la même. J'entame doucement mon cinquième verre tout en écoutant distraitement Sia chanter. Je me demande pourquoi je suis venu. Je n'aime pas me retrouver dans des endroits bondés et pourtant je viens souvent au Dancing N. À croire que j'aime me compliquer la vie.

La jeune fille rousse dont j'ignore toujours le nom continue de me parler, ne semblant pas du tout s'apercevoir que je ne l'écoute pas, même si je l'entends très vaguement prononcer un mot ici et là. Je lui jette un rapide coup d'œil avant de plonger mon regard dans le liquide transparent de mon verre et me dis qu'elle a l'air encore plus pitoyable que moi. Plus bourrée aussi. Comme la plupart des personnes présentes ici.

Je ne les juge pas, je fais pareil. L'alcool quand tu veux t'amuser, c'est quelque chose de merveilleux. Surtout quand tu veux être sûr de ne pas te rappeler ce qu'il s'est passé la veille ou encore que tu veux juste être un peu plus détendu. Que tu veux te donner un peu plus de courage ou encore quand tu veux juste avoir l'air cool.

Et puis un beau jour, tu arrives plus à t'en passer, tu y as pris goût. C'est dur de changer... surtout quand on n'en a pas la volonté. Et c'est toujours mieux que la drogue. C'est légal, cela donne alors l'impression d'avoir le droit de te faire du mal pour pouvoir être bien.