Chapitre 30 : Seven

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« La douleur morale est plus cuisante que la douleur physique ; l'ennui, la séparation, sont des maux capables de causer les pires ravages, même chez les personnes les plus fortes. »

Adrienne Maillet


Janvier

Lucie et moi sommes assis sur un des nombreux bancs près du terrain de foot. Je lui ai envoyé un message hier soir pour lui dire que je voulais lui parler. Elle est arrivée très tôt ce matin et comme le premier cours ne commence que dans 20 minutes, j'ai préféré avoir cette discussion maintenant. Repousser l'inévitable ne sert à rien. Ce que je veux lui dire n'est pas facile et sa mine triste ne m'aide pas à me lancer. J'ai l'impression qu'elle sait et que c'est pour ça qu'elle ne dit rien. Qu'elle est silencieuse.

Je m'en veux, mais je me dois de le faire. Ça fait trop longtemps que je mens. Elle mérite mieux que ça. J'ai l'impression de jouer sur deux tableaux. Je veux qu'Ash me dise qu'il m'aime, mais en attendant, je continue à jouer à l'amoureux transi avec Lucie.

En fait, c'est moi le connard de l'histoire. À vouloir autre chose, mais en ayant peur du changement. En fin de compte, j'ai plus l'impression d'être avec Lucie par confort et c'est triste alors qu'elle m'aime tellement.

— Il faut qu'on parle, je commence, la voix grave.

Je ne dois pas reculer cette fois.

— Généralement, quand on commence comme ça...

Elle a un petit rire nerveux.

— Je ne sais pas comment te le dire...

Je me mets à triturer mes mains, un peu angoissé.

— Je n'aime pas quand tu parles comme ça.

Je ne dis rien, fuyant son regard. Elle se rapproche de moi et met sa main sur mon bras. Je pose alors mon regard sur elle. Ses yeux brillent d'émotion contenue et je détourne les yeux, incapable de supporter ça plus longtemps.

— Je sens que cette fois, c'est vraiment grave... et ça me fait peur, termine-t-elle en enlevant sa main.

— Lucie, je suis désolé... Je... C'e —

— Dis-le, c'est tout.

Sa voix ne tremble pas. Contrairement à la mienne.

— Je veux rompre.

Le regard de Lucie reste braqué un moment au sol et nous ne bougeons pas. Puis elle se lève et me fait face.

— Pourquoi ? Je peux au moins savoir pourquoi ? me demande-t-elle, les poings serrés de frustration ou de colère.

– Ce n'est pas toi, c'est moi qu —

— À d'autres, s'il te plait ! s'écrie-t-elle alors. Je ne veux pas entendre l'excuse de « ce n'est pas toi le problème, c'est moi » ! Et n'ose même pas me dire que tu ne te sens pas à la hauteur de mon amour ou je ne sais quoi !

— Non.

Je me lève à mon tour et elle recule.

— C'est vraiment moi le problème. Toi, tu es parfaite et tu mérites mieux que ça. Mieux que moi.

Elle lève les yeux au ciel et je m'excuse.

— Je ne sais même pas quoi te dire, je ne veux pas te faire du mal...

— Tu m'en fais déjà.

Cette phrase me fait l'effet d'un coup de poing en plein cœur. J'ai l'impression que je suis en train de la perdre et ce n'est pas ce que je veux. Même si je ne suis plus en couple avec elle, je veux tout de même rester son ami. Pourtant à l'heure actuelle, ça semble impossible.

Porcelaine - Fissure de verreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant