Porcelaine - Fissure de verre

Chapitre 12 : Ash

« On ne perd pas sans regret même ses pires habitudes ; ce sont peut-être celles qu'on regrette le plus. »

Oscar Wilde

Décembre

.

En me levant ce matin, je me suis demandé si c'était vraiment une bonne idée d'aller voir cette psy. Qu'est-ce que j'allais lui raconter ? Pourrait-elle m'aider ?

Est-ce que je voulais vraiment de son aide... ?

Les cours de ce matin m'ont semblé durer une éternité.

Je suis maintenant sur le chemin pour aller au cabinet du Docteur Hupffon et mes questions vont bientôt avoir des réponses.

Roger voulait m'accompagner, mais j'ai refusé, j'avais l'impression qu'il voulait le faire seulement pour être sûr que j'irais. J'ai dit que j'irai voir ce psy et c'est ce que je fais, je ne suis pas un menteur. Encore une preuve qu'il ne me connait pas. Même si en toute honnêteté, je peux comprendre sa méfiance, je ne lui ai pas donné de raison d'avoir confiance.

À cette heure-ci, le bus est presque vide et assis à côté de la fenêtre, je regarde le paysage défiler. Déjà un mois et demi que je suis ici et je ne sais toujours pas combien de temps je vais rester là. Sûrement jusqu'à la fin de l'année scolaire. Ma mère ne voudra pas que je revienne en cours d'année. Elle évoquera le fait que j'ai des épreuves pour le bac ou encore que ce sera trop compliqué de me trouver un établissement en cours d'année. Et puis elle m'obligera à rester pour la terminale aussi pour des raisons similaires.

Et si ce que je pensais n'être que temporaire devenait définitif ? Vivre avec mon père, je ne pense pas que ça me plairait... En un mois et demi, j'ai eu le temps de m'habituer à vivre ici, mais je préfère quand même de loin la vie que j'avais avant. J'étais avec mes amis et je pouvais veiller sur ma mère. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était déjà ça.

Le bus s'arrête et je me dépêche de descendre avant que le chauffeur ne ferme les portes. Un jour, une vieille dame n'est pas descendue assez vite et les portes se sont refermées sur elle. Bien sûr, le chauffeur a rouvert les portes, mais n'ayant aucune envie que ça m'arrive, je me dépêche.

Arrivé au cabinet du psychiatre, je me présente à l'accueil où la secrétaire, une jeune femme à l'allure un peu punk, me salue. Je vois sur son badge qu'elle s'appelle Ellia. Elle est très belle, mais je sens chez elle un truc bizarre. Ça vient peut-être de ses yeux qui me mettent un peu mal à l'aise. Ellia trouve enfin mon nom sur son ordinateur et après avoir pris ma carte vitale, elle me laisse aller patienter en salle d'attente.

La salle est assez petite, mais plutôt bien aménagée. Il n'y a qu'une seule personne avec moi, une jeune femme qui lit un magazine. Je me demande pourquoi elle est là. Quand je la regarde, j'ai l'impression qu'elle est normale. Je ne me dis pas forcément qu'elle a un problème et pourtant, sa présence le prouve.

Et la mienne aussi d'ailleurs.

***

— Je te pensais plus bavard que ça, Ash !

— Vous me dites de parler de moi, mais ça reste vague, je ne sais pas quoi dire exactement...

J'ai attendu seulement cinq minutes dans la salle d'attente et la psy est venue me chercher. Hupffon Eléanor est un personnage assez rigolo, ce qui m'a tout de suite mis à l'aise. Elle ressemble un peu à une scientifique un peu déjantée avec sa longue blouse blanche, ses longs cheveux blonds, sa peau pâle et cette lueur de malice dans ses yeux. Elle veut que je l'appelle Eléanor et ça me va.