« Nous tenons de notre famille aussi bien les idées dont nous vivons que la maladie dont nous mourrons. »
Marcel Proust
Décembre
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Je le regarde partir, il n'arrive pas à cacher le fait qu'il est énervé. Je ne vois pas ce que j'ai fait encore ! Faut qu'il se détende, c'était juste une blague ! C'est là que je vois qu'on ne vient vraiment pas du même monde, apparemment avec lui je ne peux pas me permettre ce que je fais habituellement avec les autres. Parfois j'oublie que j'ai changé d'environnement et que ça n'a pas juste avoir avec le lieu et les dorures. C'est aussi une question de mentalité.
— Arrête de l'embêter, Ash.
Je fixe le blond, Sloan je crois, pendant ma première semaine ici Seven était souvent avec lui. Il se lève et s'en va, sûrement, rejoindre Gueule d'ange. Je passe pour un connard alors que je ne vois pas bien ce que j'ai fait de mal. J'admets que je ne suis pas un enfant de coeur, mais je ne suis pas complètement mauvais. Et puis surtout je ne suis rien pour Seven, je ne vois pas pourquoi ce que je dis lui importe tant. Je m'installe à leur table et récupère la pomme sur le plateau de Seven, je crois. Je mords dedans sans grand entrain et je me demande si je l'ai vraiment blessée.
Peut-être que contrairement à ce qu'il montre, il manque de confiance en lui. Maintenant je me sens coupable... Seven n'arrête pas de faire comme si rien ne pouvait l'atteindre, comme si tout allait bien dans sa vie. Il joue perpétuellement un rôle et ça doit être épuisant à la fin. Peut-être que je ne devrais pas, mais je suis quand même assez heureux de savoir que j'arrive à lire à travers lui, que je peux percer sa carapace.
Je finis ma pomme avant de sortir du restaurant, je vérifie que j'ai bien pris mon paquet de clopes ce matin et me dirige vers l'endroit où je fume habituellement. Et c'est plutôt une bonne cachette, car jusqu'à présent, je ne me suis pas encore fait griller.
Je m'adosse au muret et sors mon briquet pour allumer ma cigarette. Quand je tire une première taffe, je sens mes muscles s'apaiser. Y a pas à dire, c'est bon la nicotine. Pendant plusieurs minutes, je prends le temps de savourer ma cigarette. Je ne pense à rien et ça fait du bien. Roger ne m'a rien dit pour ce qu'il s'est passé au gala. Je ne sais pas si c'est parce qu'il sait qu'il est en tort et qu'il n'a rien à dire, ou simplement parce qu'il n'en voit pas la nécessité. Je suis un peu déçu... J'aurais aimé qu'il réagisse autrement, qu'il me dise quelque chose.
Je tire une dernière fois sur ma cigarette avant de la jeter soigneusement à la poubelle. J'ai appris que si je voulais continuer à venir ici à la pause déjeuner, il fallait que je sois discret. Et jeter ses mégots par terre est loin d'être discret malheureusement.
Je pense à ce rendez-vous que mon père m'a pris. Il veut me faire voir un psy. Il pense que j'ai des problèmes, que je ne suis pas net, peut-être ? Je vais très bien et je n'ai pas besoin d'aide. Je m'en sors très bien tout seul, je sais que tout ça ne va pas durer, que ça va passer. Comme si j'allais écouter Roger de toute façon ! Mais ma mère aussi est d'accord d'après ce qu'il a dit. Ma mère qui ne m'a toujours pas appelé une seule fois depuis que je suis ici... Alors j'avais raison, elle voulait se débarrasser de moi ? Elle ne pense même plus à moi ou quoi !? Mais mes mains s'agitent et je sens mes yeux s'embuer.
— Merde !
Nerveux, je prends mon portable et l'observe pendant plusieurs secondes. Pas d'appel, rien. Ça m'énerve, mais en même temps, je me dis que je l'ai peut-être mérité. Je soupire avant de me lever. Il faut que je passe à mon casier avant de retourner en cours. Je me lève, m'époussette un peu et retourne lentement à l'intérieur du lycée Célestine de Moré.
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Porcelaine - Fissure de verre
General FictionAprès la connerie de trop, Ash lycéen en 1re année atteint de TOC est obligé d'aller vivre avec son père qu'il déteste. Sa mère espère ainsi le remettre dans le droit chemin, mais c'est sous-estimé la colère de son fils contre cet homme qui l'a aban...