Chapitre 18 : Zan

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C'est en me faisant coffrer que j'ai compris que j'avais beau être partie, au fond je restais toujours prisonnier. J'étais encore dans ce manoir. On ne pouvait fuir ses origines, les miennes étaient accrochées à mon corps comme des chaines. Je ne voulais plus rien avoir avec le cercle premier, mais ce n'était pas le cas de ma famille on dirait. J'avais encore tous mes privilèges et je me demandais bien comment c'était possible. Est-ce qu'on me les avait laissés par négligence ? Cela peut-être un oubli, ou alors croyait-il que j'étais mort depuis le temps. Probablement qu'à force de faire comme si je n'existais pas, il avait oublié que j'étais néanmoins bel et bien vivant, un humain à part entière.

En prenant mes empreintes digitales, le policier a failli faire une syncope en cherchant si j'avais un casier judiciaire. Il a d'abord cru à une blague ou à une usurpation d'identité, ce qui est normal, je n'ai pas la dégaine de ces gens-là. Je ne l'ai plus plutôt. Ça fait bien longtemps que plus personne ne s'écrase devant moi. Alors il a voulu vérifier, il m'a demandé de baisser mon pantalon. J'ai ri parce que c'était drôle, il rêvait s'il pensait que j'allais le faire juste parce qu'il me le demandait. J'ai répliqué que je n'étais pas du genre à me faire enculer. La patience de ce cher policier a été mise à rude épreuve, il ne m'a pas laissé le choix. Il m'a expliqué qu'il voulait vérifier si j'avais la preuve de supériorité, de pureté propre aux membres du cercle sacré. Je savais de quoi il voulait parler, c'était évident, il voulait voir si j'avais la marque qu'on faisait à ces gens quand ils étaient encore que des gosses.

Je le lui ai montré parce que je voulais que ça se termine. Il s'est alors aussitôt confondu en excuse. Il n'avait pas l'air de comprendre pourquoi un mec comme moi volait des bagnoles ou cambriolait des maisons. S'il connaissait ma situation, ça ne lui paraitrait pas aussi incongru. Moi ce qui m'intéressait c'était bien de comprendre pourquoi ces gens qui m'avaient élevée ne m'avaient pas rayé du registre.

C'était mon oncle qui me gérait, mon grand-père, je l'avais vu une fois seulement. Si je pouvais espérer un seul geste de bonté, c'était probablement celle de mes parents. Je ne les avais jamais vus, j'ignorais ce qu'ils pensaient de moi, peut-être que contrairement aux autres, ils m'aimaient, ou m'avaient aimé, au moins au début.

Je ne pouvais poser aucune question au policier, j'aurai eu l'air de quoi ! Autant faire comme si et continuer mon chemin. Qu'est-ce que ça aurait changé à ma vie de savoir ?

Tout sans doute, et pourtant ça n'aurait quand même pas été suffisant.

Cette mésaventure me trotte longtemps dans la tête. Je ne veux pas avoir à refaire face à la police, être sauvé par ses gens que j'ai reniés, c'est une terriblement défaite pour moi. Une honte. Pourtant, je ne peux pas me permettre de retourner sur le droit chemin, je ne sais plus comment faire et je ne sais vivre que comme ça maintenant.

Lorsque le soleil se lève le lendemain matin, je sors et me promène dans le secteur 6, avec ce qu'il s'est passé, je préfère rester éloigné du secteur maudit quelques jours. On me connait plutôt bien là-bas maintenant, je sais qu'ils trouveraient ça bizarre que je sois déjà dehors, surtout si je suis le seul alors qu'on a été embarqué par dizaine.

Plus tard dans la journée j'entre dans un cybercafé pour faire quelques recherches. Lorsque j'habitais encore dans le manoir, on ne me disait pas grand-chose, la seule chose qu'on attendait de moi c'était que je me la ferme, que je ne fasse pas de vague et que jamais personne de l'extérieur ne découvre que j'existe. J'avoue ne pas bien savoir exactement les avantages que mon statut m'accorde. Je sais qu'apparemment les flics doivent fermer les yeux à mes écarts, mais à part ça ?

Porcelaine - Fissure de verreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant