Into the fire

Chapitre 10 - Stand by me

-Du point de vue de Chuck Grant-

Haguenau, France – février 1945

J'avais baiser sa main sans réfléchir. Et alors que je revenais vers la maison de la seconde section je ne regrettais pas mon geste. Voilà des mois que cette femme était bien plus qu'un lieutenant, ou qu'une infirmière pour moi. Elle était tellement plus. Extraordinaire.

Je savais que son engagement s'était fait dans la douleur. Son frère Mark avait surpris par hasard mon regard sur elle, durant un éphémère moment où j'avais laissé transparaitre mes sentiments pour elle. Il tout de suite compris le sens de ce regard, et je n'avais pas pu le lui cacher. Il était bien trop intelligent. Il m'avait alors pris à part, et dans un coin d'ombre il m'avait mis en garde. Fermement et sans équivoque. Sa sœur avait souffert, et je n'avais pas le droit de lui rajouter de la souffrance.

Ma sœur n'est pas une marionnette, ou un jouet que l'on utilise une fois, déclara Mark. Elle est bien plus courageuse que nous tous réunit. Ne la prend pas à la légère. Ou je te retrouverais.

C'étaient les mots juste d'un frère, et j'aurais probablement fait de même à sa place. Même si sa sœur pouvait se défendre d'elle-même face à n'importe qui, Mark veillait sur elle. C'était son jumeau je le savais. Le major Mark Andrews dont elle était si fière. Et de sa sœur aussi, Lucy.

Mais Emma me paraissait inaccessible. Même si elle avait répondu à mon étreinte, c'était dans un moment de faiblesse, un moment où elle avait été vulnérable. Peut-être que cela ne se représenterait jamais d'ailleurs.

J'aurais voulu lui voler un baiser, mais je ne voulais pas la prendre par surprise contre son gré. Je la respectais bien trop pour ça. Je secouais la tête. J'étais tombé amoureux plus vite qu'il ne faut de temps pour le dire. Ses yeux émeraudes m'avaient ensorcelé. J'étais foutu. Je soupirais.

Qu'est-ce qu'il y a Chuck ? me demanda Babe dans le lit juste en face du miens.

Rien, répondis-je.

Babe ne me questionna pas davantage, et cela me rendit service car je n'aurais pas eu le courage de lui expliquer que j'aimais un lieutenant inaccessible. En plus Malarkey était juste à côté. Et je n'avais pas envie qu'il mette Emma dans la confidence.

Le lendemain les camions nous attendait pour nous amener loin d'ici. Loin de cette ville morte et froide.

Je montais rapidement à bord de l'un d'entre eux, bientôt rejoint par le reste des gars de la seconde section.

Je vis Emma un peu plus loin. Elle suivait Nixon et Winters qui se dirigeaient vers une Jeep. Elle ferait probablement la route avec eux cette fois-ci. Mon cœur se serra. Elle ne serait pas avec nous. Je la regardais qui arrivait. Elle avait la mine des mauvais jours. Je me demandais bien ce qui pouvait la tracassée à ce point. Sans doute la lettre qu'elle avait eu dans les mains la veille. Ces quelques lignes que j'avais aperçues sans pouvoir les lire.

Chuck tu regardes encore Emma ? me lança Liebgott en face de moi.

Faut croire, répondis-je sans détourner les yeux.

Je ne sais pas si l'un d'entre nous aurait la moindre chance, déclara Malarkey en montant à son tour.

Pourquoi ? demandais-je malgré moi

Chuck cette femme a déjà vécu trois ans de guerre, me répondit Malarkey sur le ton de l'évidence.

Dieu seul sait ce qu'elle a pu faire, dit Babe. Bill l'avait surnommée « Wild Emma » non sans raison.