11-Stairway to heaven (Théa)

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Pour le reste de mon après-midi, je mets de côté l'application de rencontre qui se trouve être une expérience infructueuse pour l'instant. Depuis qu'Ethan m'a fait comprendre qu'il n'était pas intéressé, je n'arrête pas de penser au fait que nous aurions pu bien nous entendre... Je secoue la tête à cette pensée et me concentre sur ma tâche actuelle qui me permet de ne pas penser au visio qui m'attend dans quelques heures.

Je remonte mes lunettes plus haut sur mon nez et me lance dans la lecture d'un énième résumé. J'ai beau être au chômage partiel, les livres restent ma passion et je sais que ma patronne est à l'écoute de mes suggestions, que ce soit concernant mon rayon de livres attitré ou pour les autres. Me voilà donc à la recherche de nouvelles perles pour remplir nos étalages. Par chance, dès mon embauche, j'ai été en charge du rayon romance et j'ai toujours eu la possibilité de suggérer des œuvres à ma patronne. Quand elle a eu les retours des usagers qui adorent chacune des nouveautés, elle m'a subtilement laissé entendre que je pouvais proposer pour les autres genres aussi, ce que je ne manque pas de faire depuis, trop heureuse de pouvoir farfouiller le net à la quête des plus belles histoires.

Lorsqu'il est dix-huit heures passées et que cela fait déjà bien deux heures que je fais mes recherches, je décide de m'arrêter là et enregistre le document word dans lequel figurent mes dernières trouvailles. Je les enverrai plus tard à ma boss. Pour l'heure, je ferme le clapet de mon ordinateur et souffle un bon coup. Nous nous sommes donnés rendez-vous à dix-huit heures trente sur l'application. Avant qu'il ne m'en fasse la proposition, je ne savais même pas que celle-ci avait cette fonctionnalité. Mais il semblerait que Gabriel soit rodé et connaisse bien l'application en l'occurrence.

D'un pas rapide, je rejoins le miroir de l'entrée pour observer mon reflet et faire quelques retouches. Plus tôt, en sortant de la douche, j'ai décidé de faire des efforts sans pour autant en faire des tonnes. Je voulais que ça a l'air naturel. Et, surtout, je ne voulais pas qu'il remarque que je m'inquiète de ce qu'il peut penser de moi physiquement. J'ai donc laissé libre ma chevelure rousse qui retombe en jolies boucles contre ma poitrine. J'ai donné un peu d'éclat à mon teint blafard avec un peu de poudre et mis en valeur mon regard avec une touche de mascara. Simple mais efficace. Je réajuste mon t-shirt à l'effigie d'un groupe de musique que j'adore, Led Zeppelin. Leurs titres ont bercé mon enfance, mon père me faisait danser sur ses pieds sur la mélodie de Stairway to Heaven. A ce souvenir, je vois mon reflet arborer un doux sourire.

Mon téléphone vibre, me sortant de cette nostalgie qui ne m'avait pas manqué. Aussitôt, je sens la panique prendre possession de moi. Mon cœur se met à battre bien trop rapidement, ma salive se fait rare et j'ai chaud. Tellement chaud ! Je me précipite vers mon sofa et attrape mon téléphone d'un geste maladroit, si bien qu'il échappe à ma main. Je grogne et la ramasse avant de souffler un bon coup pour reprendre contenance. C'est le moment. Je hisse l'appareil à hauteur de mon visage. La pulpe de mon pouce presse l'icône verte pour accepter l'appel.

L'image de Gabriel apparaît après un court temps de chargement. A l'image de sa photo de profil, il est habillé d'une chemise boutonnée jusqu'en haut et a l'air très sérieux. Il a tout de même eu le goût de se délester de sa cravate pour l'occasion. Ses fines lèvres sont pincées en un mince sourire. Il faut croire que sourire lui est réellement compliqué. A cette impression si professionnelle qu'il me donne, je me croirais en entretien d'embauche. Je déglutis avec peine avant de baragouiner d'une voix fluette que je ne me reconnais pas :

― Salut.

J'assortis le geste à la parole et secoue ma main libre à son intention. Gabriel me scrute de ses billes sombres avant de me retourner mon salut. Il ne semble pas se sentir responsable de la suite de la conversation puisqu'il se contente de m'observer silencieusement . Alors, pour éviter le malaise qui s'installe, je lui demande d'un ton faussement jovial pour compenser la gêne qui s'immisce en moi :

― Ça va ? Tu as passé une bonne journée ?

Il opine du chef et prononce enfin plus de deux mots pour mon plus grand soulagement :

― Oui ! Quand je travaille, tout va toujours bien en général ! J'adore mon boulot et la plupart des clients sont sympathiques. J'ai beaucoup de chance.

J'acquiesce d'un air compréhensif et espère qu'il relance la conversation. Au lieu de cela, il se remet à m'observer et je sens automatiquement le rouge me monter aux joues. Il a un problème, lui, ou son but c'est de me rendre mal à l'aise au maximum ? Je tente de rien laisser transparaître de mon agacement et l'interroge :

― Tu es en télétravail à plein temps ou seulement partiellement ?

Alors que Gabriel se lance dans une tirade sans fin - il est vraiment passionné par son travail!- mon attention est attirée par une nouvelle notification THE PERFECT MATCH. Je réprime mon froncement de sourcils. Qui cela peut-il bien être ? Je continue à hocher la tête à intervalles réguliers pour simuler ma compréhension et me réfugie dans mes pensées. Le pauvre garçon, ce n'est pas qu'il est inintéressant ... Mais, à force de ne parler que de lui à coups de longs monologues, j'ai décroché. Et puis, ce nouveau message m'intrigue. Parmi les deux seuls matchs avec qui je suis en contact, l'un est sous mes yeux en visio, l'autre m'a fait comprendre que ça n'irait pas plus loin. A moins que ce ne soit mon troisième match ? C'est la seule éventualité qui me vient à l'esprit.

A l'écran, je vois Gabriel me fixer, bouche fermée. Oups, il a fini de parler et semble attendre que je réponde quelque chose. Je pince mes lèvres, ne sachant que dire pour ma défense. Je jette un coup d'œil discret à l'heure. Cela faisait déjà un quart d'heure qu'il parlait comme si je n'étais pas là. Je tente malgré tout une excuse bidon :

― Désolée, je suis un peu fatiguée et je n'ai pas entendu la fin de ta phrase...

Pour la première fois depuis que l'on se parle, il semble enfin se montrer à l'écoute et déclare d'un ton sec, l'air agacé :

― Je comprends. Surtout qu'entendre parler de banque et financements en fin de journée n'est pas le plaisir de tout le monde. On peut s'arrêter là si tu veux.

Je grimace. Mon excuse n'a visiblement pas marché et il est vexé. Je ne peux pas lui en vouloir, j'aurais réagi de la même manière. En revanche, s'il s'était intéressé un tant soit peu à moi entre deux monologues, je serais peut-être restée attentive. Il n'a qu'à s'en prendre à lui-même. J'accepte donc sa proposition sans rechigner et nous nous disons au revoir avant de raccrocher.

Enfin libre, je me jette sur mes conversations et découvre avec surprise un nouveau message d'Ethan. Je prends un temps pour faire redescendre mon excitation pour ne pas être à nouveau déçue et ouvre la discussion.

The Perfect MatchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant