40 - Birds (Théa)

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La peur qui s'est insinuée dans mes veines quand Ethan a dit ' "hors de question" s'est évanouie comme l'on souffle sur une traînée de poudre. D'autant plus qu'il a raison, je meurs de faim et je suis plus que consciente que la qualité du repas sera bien meilleure ici que chez moi pour bien des raisons mais surtout car il est bien meilleur cuisinier que je le suis.
Sans opposer de résistance, je me laisse entraîner à sa suite dans sa cuisine, ses doigts chauds et quelque peu rugueux entrelacés aux miens. Il ne me lâche que pour farfouiller dans ses placards, remuant poêles et casseroles dans un boucan infernal. Je l'observe faire en retenant un rire. Il sort toute une panoplie d'ustensiles sur son plan de travail en bois vernis avant de se tourner vers moi, les mains sur les hanches, un grand sourire créant deux petites fossettes adorables au creux de ses joues.
— Passons aux choses sérieuses, si tu veux bien !
Je glousse face au ton professionnel qu'il a emprunté. Son sourire s'agrandit un peu plus quand je rentre dans son jeu, en m'écriant :
— Chef, oui, chef !
Un instant surpris par ma réplique, il cligne des yeux avant d'exploser de rire. Lorsqu'il reprend enfin son souffle et son sérieux, il secoue la tête et me fixe d'un regard si intense que j'en peine à déglutir. Je tente de détourner son attention en l'interrogeant :
— Qu'est-ce qu'on va cuisiner ?
Ses prunelles brillent d'une étincelle malicieuse, sa moue se fait moqueuse.
— Qui a dit que tu allais cuisiner aussi ? Tu ne manquerais pas de faire cramer quelque chose !
Je hausse les sourcils, d'abord étonnée, puis me rappelle comment j'ai atterri ici.
— Il me semble que c'est toi qui m'as traînée jusqu'ici. Je dois juste regarder, c'est ça ? Ça y est, c'est fini les cours de cuisine ?
En guise de réponse, il ricane et me fait signe d'approcher. A deux, nous nous lançons dans la confection d'une pâte à pizza. En attendant que la pâte pose, nous discutons de nos journées respectives de travail. Ethan est accoudé au plan de travail et m'écoute attentivement, ses yeux relevés vers moi alors que je suis assise sur le meuble de cuisine. Je suis presque gênée par cette attention que je provoque. Rien ne lui ferait détourner le regard, il est totalement à mon écoute.
Dans ces moments-là, je tente de me rappeler ce qu'il a fait et les conséquences sur mon moral mais comment ne pas lui pardonner alors qu'il est si attentif, si attentionné à mon égard ? Comment ne pas lui pardonner alors qu'il n'y a qu'à ses côtés que je me sens heureuse et... spéciale. Personne ne m'a jamais regardé comme il le fait. Pourtant, mes peurs ne cessent de ressurgir, comme tout à l'heure quand je ne le voyais pas arriver à la bibliothèque. La panique que j'ai ressenti à ce moment-là remonte à la surface et je peine à contenir cette vague dévastatrice.
Comme s'il avait senti mon changement d'humeur, Ethan fronce les sourcils. Sa main se pose avec douceur sur ma cuisse, son pouce vient caresser mon membre dans un geste rassurant. Mes doigts se posent sur les siens alors que je lui adresse un regard reconnaissant. Je n'ai pas besoin de parler, il sent quand ça ne va pas et ne demande pas forcément d'explications. Il est juste là. Et ça me suffit amplement.
Lorsque la pâte est prête, Ethan me propose de la pétrir. Persuadée que ça ne doit pas être bien sorcier, j'accepte. Mais il ne faut pas longtemps pour que je commence à m'agacer parce que mes doigts collent à la pâte et que cela ne ressemble plus à rien. Je sens un corps chaud s'approcher dans mon dos. De la farine glisse sur mes doigts, ses mains s'unissent aux miennes pour m'aider.
Sa proximité me déconcerte. D'un côté, je me sens fébrile, je lutte pour que ma respiration ne s'emballe pas et que mes mains ne tremblent pas. D'un autre, je ne peux m'empêcher d'apprécier le souffle chaud qui s'écrase contre ma nuque, toute cette chaleur qui m'embrasse, son odeur de gel douche. Il finit par se reculer quand notre pâte est fin prête et je lui laisse la confection des dernières étapes, déjà lassée de cuisiner.
La soirée passe vite. Le ventre rempli, nous nous sommes laissés tenter par quelques autres épisodes de notre série. Il est maintenant tard. Je n'arrête pas de bailler, preuve de la fatigue qui me tombe dessus. Je me redresse dans le canapé.
— Je devrais rentrer, Ethan.
La déception se peint sur son visage et je dois détourner le regard pour ne pas me sentir coupable. Je me lève pour aller récupérer mon sac. Dans mon dos, je l'entends argumenter :
— Il fait nuit noire dehors, Théa. Pourquoi ne resterais-tu pas dormir ?
Je me tends à cette proposition. N'est-ce pas là le piège classique des hommes qui espère pouvoir nous mettre dans leur lit ainsi ? Il soupire. Il a dû percevoir ma méfiance.
— Je dormirai dans le canapé, bien évidemment.
Je tente un rapide coup d'œil dans sa direction.
— Théa, regarde-moi.
J'obtempère, peu sûre de ce qui va suivre.
— Je ne compte pas brûler les étapes. Je sais que j'ai merdé et que je dois regagner ta confiance. Et même si ça n'avait pas été le cas, j'aurais agi pareil. Parce que je sais que toutes les premières fois d'une relation peuvent être angoissantes et qu'on ne veut pas faire cela avec n'importe qui. Crois-moi, je sais de quoi je parle.
Je sais pertinemment à quoi il fait référence. Je sais que lui aussi a souffert. Certes, différemment, mais il a souffert. Il est sans doute le mieux placé pour comprendre mes appréhensions compte tenu de ce que je lui ai dit de moi et de ce qu'il a lui-même vécu. Alors j'accepte, trop fatiguée pour avoir l'énergie de faire le trajet jusqu'à chez moi.
Ethan m'accompagne jusqu'à sa chambre. Tandis qu'il fouille dans son armoire à la recherche de je ne sais quoi, mon regard fait le tour de la pièce. Simple, les murs blancs sont vides de toute décoration et seuls un lit avec un placard en face de celui-ci meublent l'espace. Bizarrement, cela ne me surprend pas. J'avais remarqué la nature plutôt pudique d'Ethan, cela correspond au personnage. Un t-shirt noir apparaît dans mon champ de vision, me sortant de mes pensées. Je lance un coup d'œil interrogateur à mon hôte.
— Tu seras plus à l'aise pour dormir avec ça. Et vu ta taille, je pense qu'il devrait être assez grand pour te couvrir jusqu'aux genoux.
Un peu gênée, je le remercie. Il me salue d'un bref baiser sur le front avant de quitter la pièce.

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