38 - Saint Cecilia (Ethan)

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Je suis sur un petit nuage. Le cadre est honnêtement sublime. Bien qu'il soit presque terne face à la beauté de la femme qui m'accompagne. Théa déguste son plat en admirant la décoration du restaurant, totalement ignorante de l'effet qu'elle me fait.
Ses boucles rousses rejoignent le haut de sa robe qui magnifie son corps comme ce n'est pas permis. Je n'ai jamais douté de sa beauté. Dès que je l'ai vu à l'épicerie, je l'ai trouvé jolie. Mais, là, on atteint un niveau qui ne devrait pas être humainement possible. Et elle n'en est absolument pas consciente.
Quand son regard se pose à nouveau sur moi, je suis pris sur le fait. Ses joues rosissent pour mon plus grand plaisir. Elle se met à jouer avec le piercing qui surplombe sa bouche. Pour moi, sa timidité est un plus à son charme indéniable. Je crois bien qu'on ne fait pas plus mordu que moi. Désormais, plus aucun doute dans mon esprit. Je la veux. Je veux tout connaître d'elle, je veux passer chaque instant à ses côtés...
Un changement se fait dans son expression. Elle dépose sa fourchette et me dévisage, le menton posé sur sa paume, le coude appuyé sur la table. Si seulement, elle savait le charme qu'elle dégage. Elle m'interroge :
― A quoi tu penses ?
― A toi, réponds-je spontanément.
Elle a un mouvement de recul dû à l'étonnement. Je décide donc d'élaborer un peu plus cette réponse :
― A quel point tu es belle et à quel point je veux tout connaître de toi.
Elle paraît touchée par mes mots, bien que le doute subsiste dans ses prunelles ambrées. Les bras croisés, elle se rencogne et, d'un air de défi, demande :
― Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Je suis tenté de dire "tout". Mais c'est chose déjà faite. J'essaie donc d'ordonner mes pensées alors que je me frotte le menton. Y aller progressivement est la clé encore une fois pour ne pas la braquer.
― Comment as-tu connu ta meilleure amie ?
Elle détourne le regard immédiatement. J'ai touché une corde sensible en pensant bien faire... Ses doigts pianotent sur la table dans un geste nerveux. Je les entoure de ma main, m'attirant par la même occasion son attention. Son émotion me percute tel un train en marche.
― Je ne pensais pas que ce serait un sujet sensible. Je suis désolé. Tu n'as pas besoin de m'en parler si tu n'en as pas envie.
Ses prunelles voguent entre nos mains assemblées et mon visage. Puis elle se dégage en soupirant. Ironique, elle déclare :
― Qui me dit que tu ne fuiras pas lorsque je raconterai cette autre partie de mon histoire ?
J'accepte l'accusation sous-jacente. Si seulement elle savait à quel point je regrette... Ne voyant aucune autre solution, je souligne :
― Tu ne sauras pas et je ne pourrais rien te prouver si tu ne tentes pas.
Mon argument fait mouche. Mais je sens que la bataille n'est pas gagnée pour autant. Le serveur lui laisse le temps de réfléchir à mes propos alors qu'il vient prendre notre commande pour le dessert. Lorsqu'il repart, nous laissant seuls, elle propose :
― Je veux bien te raconter. Mais, si tu restes bien sûr, c'est donnant-donnant. Je veux savoir des choses à ton propos aussi.
J'accepte le contrat. Il me convient totalement, surtout si je peux gagner sa confiance ainsi. Elle prend alors une grande inspiration pour se lancer dans son récit :
― J'ai rencontré Lola quand je suis arrivée en foyer après le suicide de ma mère. Elle m'a pris sous son aile, m'a écouté comme personne ne l'avait jamais fait auparavant. Depuis, on ne s'est plus lâché d'une semelle.
Plus court que ce que je m'étais imaginé mais beaucoup plus percutant. La mélancolie se ressent dans son ton et ses traits expriment une tristesse que je ne pourrais jamais comprendre car je ne l'ai jamais vécue. Une tristesse que j'ai délibérément ignorée en fuyant. Maintenant, je suis prêt à l'embrasser et l'aider à s'en débarrasser. Ou ne serait-ce que l'en soulager.
― A toi, me presse-t-elle pour ne pas s'appesantir sur le sujet.
― L'histoire que je t'avais racontée le soir où tu allais mal, c'est quelque chose que j'ai vécu.
Sa moue m'annonce ce que je sais déjà. Elle s'en doutait mais elle a le tact de ne pas relever et pose avec douceur sa paume sur mes doigts crispés autour de mon couvert. Elle semble prise dans le jeu, car, le regard dans le flou, elle poursuit :
― Je n'ai aucun lien familial, je n'ai personne en dehors de Lola...
― Mes parents n'ont pas daigné jouer leur rôle jusqu'au bout et ont souvent été aux abonnés absents pour ma sœur et moi, enchaîné-je. On a souvent dû se débrouiller tout seul.
L'ambiance devient morose tandis que nous finissons notre dessert. Je ne perds pas de temps pour demander l'addition, une idée derrière la tête. Elle, semble déçue et résignée en me voyant écourter notre rendez-vous. Lorsqu'enfin nous respirons l'air frais de la nuit, je ne me dirige pas vers la voiture. Elle ne dit rien mais je sens son regard interrogateur me dévisager.
― Une balade au clair de lune, ça te dit ?
Son nez se lève vers le ciel étoilé avec un petit sourire, dévoilant à mon regard son cou gracile. Puis ses prunelles se posent sur moi avec une petite grimace.
― Je ne dis pas non mais mes pieds sont plus réticents.
Je baisse les yeux vers ses talons qui doivent lui faire un mal de chien.
― Je vais te porter.
Elle ne m'en croit pas capable, je le vois dans ses billes ambrées. Je me baisse pour lui offrir mon dos sous ses iris médusés. Elle pouffe de rire avant de sauter sur moi. Mes mains se placent naturellement sous ses cuisses nues et ses bras autour de mon cou. Sa peau est si douce, son odeur enivrante, son souffle chaud... De mon vivant, jamais je n'ai été aussi attiré par une femme. J'essaie d'ignorer toutes ses sensations qui submergent mes sens en nous baladant dans le petit parc à quelques mètres du parking.
Contre moi, je la sens peu à peu se détendre complètement jusqu'à ce qu'elle pose sa joue sur mon épaule dans un soupir d'aise. Je la repose à terre uniquement lorsque mes bras hurlent de douleur. Alors, nous retournons à la voiture pour que je la ramène chez elle. Devant son bâtiment, elle semble ne pas savoir comment me saluer. Je prends les devants :
― J'ai passé une excellente soirée.
Un timide sourire plisse ses lèvres pulpeuses, avouant à demi-mot ce qu'elle ne parvient pas à dire à voix haute. Je m'en contenterai. Une mèche tombe devant ses yeux et je ne peux m'empêcher de le remettre derrière son oreille. Si elle est surprise par mon geste, elle n'en montre rien. Mes doigts glissent sur sa joue sans qu'elle ne fasse quoique ce soit pour s'écarter. Au prix d'un gros effort, je défais le contact établi.
Je veux lui montrer que je suis digne de sa confiance. Pour ça, je compte lui montrer que je veux faire les choses bien. Et que je ne lui sauterai pas dessus comme le feraient sans doute certains. Respect, confiance, voilà ce que je veux lui prouver. Ses prunelles dérivent vers mes lèvres et il me faut détourner le regard pour ne pas succomber à l'envie de l'embrasser dans l'instant. J'enfonce mes mains dans mes poches pour prévenir un éventuel geste déplacé. Après avoir dégluti, non sans peine, je lui avoue :
― Je rêve de t'embrasser. Mais, le faire alors que je ne suis pas certain que tu m'aies pardonné et que c'est notre premier rendez, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
L'approbation brille dans ses prunelles. Un sourire en coin, elle se hisse sur la pointe des pieds malgré ses talons pour m'embrasser sur la joue, ses mains contre mon torse pour se stabiliser. Ma paume prend naturellement place sur sa taille pour la maintenir en équilibre. Bon sang, j'aimerais tellement la serrer dans mes bras et ne plus jamais la laisser s'éloigner une seconde. Puis elle s'écarte de moi et pénètre dans l'immeuble sans un mot, me laissant avec les derniers effluves de son parfum dans l'air.

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