13-Lonely Boy (Ethan)

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Je scrute mon smartphone d'un œil assassin comme s'il venait de me cracher au visage. Qu'est-ce qu'il me prend au juste ? Pourquoi est-ce que ce message me met autant en rogne ? Cela fait presque une heure que Théa m'a répondu et que je bloque sur sa réponse. Je ne devrais pas ressentir cet agacement. Je ne devrais pas être atteint. Mais, rien à faire. Je ne peux m'empêcher de le prendre personnellement quand elle me dit que ça ne l'empêche pas de parler à d'autres mecs et de trouver quelqu'un. J'expire longuement et pose mon téléphone pour aller prendre l'air sur le balcon, histoire de remettre de l'ordre dans ce cerveau qui ne tourne pas rond. Après tout, c'est bien moi qui ait érigé ces limites ? Elle a bien raison de ne rien attendre de moi et d'aller voir ailleurs ! Alors pourquoi diable est-ce que je ressens ce pincement au cœur, preuve de ma déception. Comme si, inconsciemment, malgré mon rejet, je m'attendais à ce qu'elle persiste. Je secoue la tête, un rictus aux lèvres. Quel idiot, je fais !

J'inspire l'air frais qui me caresse la peau des bras. Je lève les yeux au ciel, espérant pouvoir observer les étoiles. Mais, une couverture de nuages assombrit la toile céleste et ne laisse entrevoir que faiblement les astres. Les avant-bras posés sur la balustrade, je baisse le regard sur la rue, aussi vide la nuit que le jour. Moi qui suis solitaire et aime me retrouver seul fréquemment, je commence à manquer la présence d'autrui, peu importe laquelle. Sauf celle de ma sœur. Plus elle est loin, mieux je me porte ! Je l'adore mais elle a cette manie de m'étouffer, d'être constamment sur mon dos quand je suis dans son sillage. Je passe une main dans mes cheveux, pensif. Jusqu'à aujourd'hui, je ne m'étais pas encore avoué à moi-même que je commençais à me sentir seul. A elle, pourtant, je l'ai dit avec naturel. Je ne sais pas ce qui me pousse à me confier à elle si facilement. D'un côté, cela m'attire énormément. D'un autre, ça m'effraie complètement.

Une bourrasque me tire de mes pensées et me force à rentrer. Je récupère mon téléphone et file dans ma chambre pour me réfugier sous ma couette. J'aimerais taire ces voix dans ma tête. L'ange sur mon épaule a envie de se laisser tenter. Il essaie de me convaincre en me disant que je ne perds rien à apprendre à la connaître. Quel naïf celui-ci ! Sur mon autre épaule, le petit démon me souffle que c'est à mes risques et périls si je lance dans cette expérience de « compagnons de confinement ».

Dans un gémissement, je recouvre mon visage de mes paumes. L'indécision n'a jamais été une chose qui me définit. Je fonce sans jamais hésiter. Pourtant, là, c'est le cas. Parce que la peur que tout ça aille bien trop loin me prend au bide. Je sais que je joue avec le feu mais, comme un pyromane, je suis fasciné par sa flamme. Si j'étais de nature sage et réfléchie, j'aurais attendu que la nuit passe pour réfléchir à tout cela, la tête reposée. Sauf que je suis tout l'inverse. Fonceur, impulsif. Donc je décide de répondre à Théa avant de reposer ce maudit appareil afin d'essayer de trouver le sommeil :

 Donc je décide de répondre à Théa avant de reposer ce maudit appareil afin d'essayer de trouver le sommeil :

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Est-ce qu'il y a des risques que je regrette demain, ou dans quelques jours ? Oui, tout à fait. Mais c'est fait et il est trop tard pour revenir en arrière. Le message a été envoyé. Je ferme les yeux et, m'éloignant un peu plus du sommeil tant espéré, mon cerveau me joue des tours. Sur l'écran de mes paupières fermées, mon esprit s'amuse à imaginer à quoi pourrait ressembler cette mystérieuse Théa. Une fois le processus enclenché, je n'arrive plus à m'arrêter. Ses traits apparaissent les uns après les autres dans le film de mes pensées. Une peau diaphane constellée de tâches de rousseur, des yeux vert émeraude qui cache une vulnérabilité sans fond, des petites lèvres fines qu'elle n'arrêterait pas de pincer entre ses dents...

Je me redresse d'un bond. Non, clairement, je n'arriverais pas à dormir si ça commence comme ça. Encore heureux, mon imagination fertile s'est arrêtée au visage et je l'ai interrompue avant qu'elle ne prenne trop ses aises ! Je me frotte les yeux. L'heure sur mon réveil indique une heure du matin. Je pense que je suis parti pour une bonne insomnie et je désespère déjà. Il est assez compliqué comme ça de trouver de quoi s'occuper la journée et voilà que se rajoute des nuits à combler ! Je me lève dans un grognement pour me trainer jusqu'à mon salon. Je reste un moment debout au milieu de celui-ci, plongé dans le noir. Les solutions les plus tentantes qui s'offrent à moi sont bruyantes et je ne souhaiterais pas attisé le courroux de mes voisins.

En effet, peu de chances que ceux-ci apprécient le doux son de ma basse ou les aigus de ma guitare électrique. Continuer mon travail de composition devra attendre demain. A moins que... Il y a bien une chose qui peut se faire en silence et sur laquelle je ne me suis pas encore penché. J'attrape mon carnet avant de m'assoir à mon bureau. Le canapé n'est pas envisageable, impossible d'y déclencher une quelconque inspiration. Le calepin ouvert sur une page vierge, je mâchonne le bouchon de mon stylo. La partie "paroles" est toujours la plus compliquée pour moi. Surtout quand on a personne pour la chanter. Ce n'est pas avec ma sublime voix que j'apposerai un jour des lyrics sur mes propres compositions. Hors de question. Ma voix ne vaut rien. Je suis musicien, pas chanteur...

Pourtant, je compose toujours cette partition pour le jour où je trouverai quelqu'un qui correspondrait à mes critères. Ben oui, parce qu'en plus de ne pas être bon chanteur, je suis exigeant ! Je pouffe de rire avant de me reconcentrer. J'attrape mon casque pour lancer une musique au hasard, en espérant que ça aide ma créativité. Le riff dynamique de Lonely Boy des Black Keys finit d'éloigner l'envie de sommeil pour me donner la pêche. Ma jambe droite tressaute sur la pulsation et ma tête dodeline en rythme.

Me voilà prêt à noircir cette feuille blanche qui se présente à moi. Mon processus est simple : écouter quelques musiques pour me stimuler puis je lance ma compo, qu'elle soit en cours ou terminée, pour m'imprégner de la mélodie qui j'ai créée. Certains compositeurs font l'inverse et s'inspirent des paroles pour composer l'accompagnement. Je n'en ai jamais été capable, je ne peux fonctionner sans avoir une idée des sonorités au préalable. Quand les premières lignes sont écrites, je sais que je suis sur la bonne voix et que je vais probablement passer des heures à retravailler chacune des phrases formulées jusqu'à ce qu'elles me plaisent et que je me les imagine sur la musique.

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