48 - Forgiven (Théa)

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Pendant mon sommeil, mes rêves n'ont eu de cesse de me montrer Ethan encore et encore. Pas de cauchemar, pas de peur ni d'angoisse, comme si celles-ci avaient été annihilées. Les images de cette nuit sont encore vivaces dans ma mémoire, elles tournent en boucle tandis que je devrais me concentrer sur mon travail.

Plus je passe du temps avec lui, plus mes peurs s'amenuisent petit à petit. Je sais qu'elles sont toujours là, pas très loin, mais bien moins puissantes, paralysantes et envahissantes qu'elles ont pu l'être. Je n'ai pas forcément plus confiance en moi mais je me sens un peu mieux dans ma peau. Car je sais que je suis spéciale à ses yeux. Je le sais, je le vois dans chacun de ses regards, dans chacun de ses gestes. Serais-je prête à lui pardonner ? Serais-je prête pour une relation avec lui ?

Mon téléphone vibre, m'arrachant à mes pensées. Un rapide coup d'œil autour de moi pour vérifier l'absence de collègue dans les alentours avant de l'attraper pour découvrir le contenu du message reçu. Un élan de joie me traverse quand je vois le nom de l'expéditeur. Ethan.

Je l'ouvre précipitamment, le sourire aux lèvres. A la lecture de ses quelques lignes, je fronce les sourcils. Il m'annonce qu'il termine un peu plus tard que prévu et qu'il ne pourra pas être là avant la fermeture de la bibliothèque. Il me propose en contrepartie une visite guidée des studios. J'accepte en espérant qu'ils n'ont pas eu de soucis techniques qui a pu retarder des enregistrements. Même si j'ai été déconcertée par son annonce, je n'en pas moins excitée à l'idée de découvrir son lieu de travail. Maintenant, je n'ai qu'une hâte : que ma journée se termine pour que je puisse le rejoindre.

Je n'aurais jamais pensé avant cette expérience d'application de rencontre que je pourrais m'attacher à quelqu'un au point de vouloir le voir chaque soir, à le manquer dès qu'il n'est pas là, à être apaisée par sa simple présence. J'avais bien vu l'apport bénéfique de sa relation amoureuse à Lola mais je ne pensais pas pouvoir expérimenter cela un jour. Une minute... J'ai bien dit qu'il me manquait ? Et j'ai comparé cela à la relation de Lola en parlant d'AMOUR ?

Une bouffée de chaleur m'envahit face à cette réalisation. Suis-je amoureuse de cet homme ? Est-ce qu'on ressent ce que je ressens quand c'est le cas ? Comment suis-je censée savoir ? Les questions se bousculent dans mon esprit au point où je sens l'angoisse pointer le bout de son nez.

Alors je prétexte avoir envie d'aller aux toilettes et appelle Lola en urgence en espérant qu'elle puisse me répondre. Après trois sonneries, je désespère. A la quatrième, elle décroche finalement :

— Théa ? Mais tu n'es pas censée être au travail ?

— Si. Mais je panique un peu, là. J'ai besoin que tu répondes à une question.

— Vas-y, je t'écoute.

— Comment tu as su que tu étais amoureuse ?

J'entends qu'elle contient un rire de justesse. Elle doit être au travail également. Je me sens aussitôt coupable de la mettre dans une situation délicate. Pourtant, elle prend le temps de me demander :

— Tu penses que tu l'es ?

Je lève les yeux au ciel bien qu'elle ne puisse me voir.

— Tu ne réponds pas à ma question, là, Lola !

— OK, OK, souffle-t-elle.

Elle se tait un instant avant de reprendre d'un ton doux :

— C'est dur à expliquer et je pense que cela peut être différent selon les personnes. Moi, je ne pouvais plus me passer de lui. J'adore passer du temps avec lui, discuter avec lui. Je me sens bien à ses côtés, je pense constamment à lui et il me manque dès que nous ne sommes pas ensemble. Je m'inquiète pour lui, je suis heureuse pour lui selon ce qu'il se passe dans sa vie. Il y a plein de petites choses qui font qu'on peut dire qu'on est amoureux. Mais la seule personne qui peut savoir si tu es amoureuse ou pas, c'est toi, ma belle. Ne cherche pas forcément ces signes, écoute juste ton cœur.

Ses paroles font le chemin jusqu'à mon esprit. Je mets un moment pour digérer son monologue et les informations qu'elle m'a fournies. Comme je ne pipe mot, elle me demande :

— Est-ce que tu es toujours là ? Est-ce que ça t'a aidé ?

— Je ne sais pas trop. Mais merci quand même ! Désolée de t'avoir dérangée !

— Aucun souci, ma belle. Tu sais que je suis là pour toi. Je suis contente que tu m'aies appelé. Allez, bisous !

Nous raccrochons. Je suis toujours aussi confuse en sortant des toilettes, si bien que je manque de bousculer ma collègue. Christiane, qui était déjà de mauvaise humeur dès le matin, profite de ce petit incident auquel nous avons échappé pour se défouler :

— Faudrait p't'être te réveiller, p'tiote. T'es au travail, pas sur la lune. Alors tu vas te secouer et tu vas regarder où tu vas.

A ce moment-là, je ne sais pas ce qu'il me prend mais je redresse au lieu de courber l'échine comme je l'aurais fait habituellement et affronte son regard. Je lui lance une œillade meurtrière. Je ne me contrôle même plus alors que je rétorque d'un ton sec :

— Est-ce que je te dis ce que tu dois faire moi alors que tu n'en fous pas une de toute ta journée de travail à part critiquer celles qui bossent vraiment ?

Elle a un mouvement de recul. Elle doit être surprise que cette fois-ci je l'ai recadrée au lieu de la laisser me rabaisser. Malgré son masque, je peux deviner une expression de condescendance déformer ses traits disgracieux. N'ayant pas fini, j'en rajoute une couche :

— De plus, il me semble que je ne t'ai même pas bousculée. Seulement failli. Donc garde ton venin pour toi et occupe-toi de tes affaires. Merci.

Sur ces mots, je la laisse plantée au milieu du rayon pour retrouver mon bureau du premier étage et continuer ma paperasse que j'étais en train d'essayer de remplir malgré la constante présence d'Ethan dans mes pensées. Pour contrecarrer ce problème, je loge mes écouteurs dans mes oreilles pour que la musique me distraie de cet homme complètement obsédant.

Quand l'heure est enfin venue, je repasse aux toilettes pour me refaire une beauté. Je remets de l'ordre dans mes boucles rousses et vérifie que mon mascara n'ait pas laissé de disgracieuses traces noires sous mes yeux. J'ose croiser mon regard dans le miroir. Je me dévisage un long moment. Je connais la réponse à ma question. Elle est là au fond de moi. Il faut juste que je l'accepte. Que j'accepte ce que je ressens. Que j'accepte cette possible relation. Que j'accepte de lui faire confiance à nouveau.


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